L’effet prétendument dissuasif de la peine de mort a toujours été contredit par la réalité des faits. Aucun pays ayant adopté ce type de châtiment n’a vu son taux de criminalité baisser (*).
La mort tragique de la petite Nihal a suscité, à juste raison, une vague d’émotion sans précédent. Mais elle a aussi relancé le débat sur la peine de mort en Algérie. Et bien qu’il n’existe encore aucun sondage d’opinion sur la question, il semblerait qu’une majorité d’Algériens en réclame l’application de la peine capitale eu égard à l’effervescence observée sur les réseaux sociaux notamment.
Une fois de plus, nous assistons à une hystérie collective, savamment entretenue par certains médias aux pratiques contestables, qui n’ont eu de cesse d’instrumentaliser cette tragédie, au mépris de l’éthique que leur impose pourtant le métier.
Ainsi donc, certains de nos compatriotes plaident en faveur de la peine de mort pour les tueurs d’enfants, par souci de justice, affirment-ils. On serait tenté de le croire s’ils daignaient manifester la même indignation, la même colère, le même dégoût contre les crimes d’honneur et les violences conjugales qui sont à l’origine, aujourd’hui encore, de drames dont l’issue est parfois fatale.
Peu probable, une femme, contrairement à un enfant, n’est jamais totalement innocente à leurs yeux. On peut aussi interroger leur silence sur les crimes odieux de terroristes islamistes qui ont pourtant plongé l’Algérie dans l’horreur absolue. Dix longues années durant lesquelles a été commis le pire, ou nul n’a été épargné ; hommes, femmes et enfants.
Que signifie donc ce tropisme ? Il est difficile de croire qu’une foule déchaînée, qui scande violemment, aveuglement « Al chaab yourid tatbi9 el i3dam » (le peuple exige l’application de la peine de mort) dans un moment et dans un lieu de recueillement, soit véritablement animée par un sentiment de justice. Les raisons sont ailleurs.
Pour beaucoup, au-delà des motivations politiques et idéologiques manifestes, l’appel au « 9issas » (la loi du talion) n’est qu’un moyen d’étancher leur soif de sang. Le moyen de légitimer un spectacle moyenâgeux, un spectacle « daéchien », le spectacle d’une mise mort atroce où la fascination s’accompagne souvent de jouissance, sans honte, sans remords, sans culpabilité. Et avec Dieu comme argument suprême et incontestable.
N’y aurait-il donc aucune autre réponse au crime que celle qui reproduit et perpétue le crime ? Que celle qui légitime et banalise la mort, que celle qui en fait l’éloge ? La mort, comme un « horizon indépassable » dans une société qui semble totalement incapable de se réconcilier avec elle même, avec son identité, avec son passé. Hier, nous fuyions la mort, aujourd’hui, nous lui courons après. Affligeant.
L’odeur du sang nous manquerait-elle ? Ou sont-ce peut-être les cris effroyables de ceux et celles qu’on a sauvagement et méthodiquement égorgés ? C’est donc cela notre idéal de « justice » aujourd’hui : le sang en apéritif, la mort comme repas et des Smartphones pour immortaliser des scènes macabres.
Une solution factice à la criminalité
L’effet prétendument dissuasif de la peine de mort, faut-il le rappeler, a toujours été contredit par la réalité des faits. Aucun pays ayant adopté ce type de châtiment n’a vu son taux de criminalité baisser. On ne saurait bâtir une société saine, si l’on consent à la violence et à la vengeance, si l’on érige la barbarie en credo. Loin de dissuader, la cruauté qui en découlera fera même des émules. Des monstres en devenir car la violence engendre la violence.
Misons sur l’éducation, la culture et la justice sociale, seuls véritables leviers à même d’enrayer ces phénomènes et bien d’autres. Œuvrons pour des solutions de long terme qui exigent l’implication et l’engagement de toutes les parties ; société civile, classe politique, intellectuelle et religieuse. La plume contre le sabre, l’éducation contre la décapitation. Évitons à nos enfants le spectacle gratuit de la sauvagerie sous couvert de justice et de religion. Apprenons-leur plutôt à sacraliser la vie, en toutes circonstances, et à exécrer la mort, toujours.
(*) Cet article a été publié initialement sur le blog de son auteure.