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Avec la chute du cours des hydrocarbures, l’Algérie affronte de grands défis à l’horizon 2020

Par Yacine Temlali
avril 19, 2015
Avec la chute du cours des hydrocarbures, l’Algérie affronte de grands défis à l’horizon 2020

La loi de finances 2015 a fait un pari hasardeux sur un cours du baril de pétrole qui dépasserait les 110-120 dollars, d’où l’urgence de nouveaux choix budgétaires, le cours moyen annuel ne devant pas dépasser 60-70 dollars en 2015. Nous sommes en avril 2015 et de profonds bouleversements géostratégiques sont prévues horizon 2020. L’Algérie n’est pas à l’abri des périls, notamment de la crise mondiale notamment à travers une chute des cours des hydrocarbures. 

 

 

L’on doit s’orienter vers un nouveau modèle de consommation énergétique reposant, certes, sur les énergies traditionnelles mais sans oublier que celles-ci vont vers l’épuisement horizon 2030. Il faut donc s’orienter vers un mix énergétique dont le solaire combiné avec le gaz pour réduire les coûts, mettre en place une politique axée sur l’efficacité énergétique tant des ménages que des administrations et entreprises.

La politique actuelle de l’habitat doit être réorientée. L’on ne construit plus des millions de logements selon les anciennes méthodes, les nouvelles techniques permettant des économies de ciment, de rond à béton et d’électricité au moins de 20-25%. Mais c’est l’investissement dans l’immatériel de qualité qui manque aujourd’hui cruellement à notre pays , avec le manque de considération pour le savoir et la fuite des compétences, et la crise du système socio-éducatif dans son ensemble. Ce système connaît une baisse alarmante du niveau. Selon une étude présentée par le CREAD à Alger, le 14 avril 2015, le pays connaît une véritable hémorragie, les compétences algériennes dans les pays de l’OCDE uniquement étant de 267.799 personnes.

Nous pouvons investir autant de milliards de dollars dans les infrastructures qui ont constitué plus de 70% de la dépense publique entre 2000-2014 sans connaître de développement, voire régresser. On construit une économie d’abord sur la valorisation de la connaissance et des valeurs morales: l’éducation civique, le code de l’honneur, le patriotisme authentique, la tolérance, la discipline, la rigueur, la performance, le sens du devoir, l’ordre de mérite, la loyauté, le goût de l’effort, la promotion sociale, la déontologie, la connaissance, le sens de la responsabilité, le challenge, la citoyenneté, la solidarité, la famille.. Quand nos responsables, loin de la culture rentière bureaucratique, comprendront-ils que la structure des sociétés modernes se bâtit d’abord sur des valeurs et une morale, dont les principes universels de bonne gouvernance ? Nous devons impérativement recomposer nos valeurs et nos principes pour reconstruire une société algérienne moderne et ouverte, tenant compte de notre anthropologie et de notre diversité culturelle.

Dans ce cadre, les actions urgentes pour mener l’Algérie vers une sortie de crise sont en quelques mots. D’abord, œuvrer pour bâtir une démocratie dynamique, assise sur une justice indépendante, compétente et diligente. Ensuite, de sortir d’un système de gouvernance archaïque vers un système participatif qui ferait appel aux compétences algériennes locales et celles établies à l’étranger ; c’est, en d’autres termes, donner aux Algériens l’envie de construire ensemble leur pays et d’y vivre dignement et harmonieusement. C’est, enfin, rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions de la République, préserver les libertés individuelles et consolider la cohésion sociale.

 

Deux scénarios ausi plausibles l’un que l’autre

 

Dès lors, nous aurons deux scénarios, l’un optimiste, l’autre pessimiste. Le développement durable doit reposer sur un appareil productif compétitif et diversifié, une nouvelle gouvernance, un nouveau rôle de l’Etat, une adaptation institutionnelle, l’investissement dans la formation-enseignement-recherche-innovation, le développement d’un secteur bancaire privé et des marchés financiers, l’insertion dans les échanges internationaux, avec une synchronisation des actions au sein d’une planification stratégique.

S’agissant spécifiquement de l’insertion dans les échanges internationaux (Grand Maghreb, OMC, échanges avec l’UE), l’Algérie peut en attendre une spécialisation industrielle, des gains de productivité et croissance. Pour preuve les pays fondateurs du communisme, la Russie et la Chine (membres de l’OMC qui représente 85% de la population mondiale et 95% des échanges mondiaux en 2014) vont vers une économie de marché maîtrisée. L’économie de marché concurrentielle ne signifie pas anarchie mais un rôle stratégique de l’Etat régulateur, conciliant les coûts sociaux et les coûts privés, afin d’éviter un regain d’importations et la destruction du tissu productif local qui doit se plier aux normes du management stratégique au sein d’une économie ouverte, maîtrisée, devant concilier efficacité économique et l’équité

Il faut le reconnaître objectivement l’Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ce qui explique les difficultés de la régulation politique, économique et sociale : ni économie administrée, ni véritable économie de marché, la rente des hydrocarbures, toujours la rente des hydrocarbures, comblant les déficits et donnant l’illusion d’une paix sociale éphémère à travers les subventions et les transferts sociaux (28% du PIB, dont 20 milliards de dollars en 2014 uniquement pour les carburants). Le blocage des réformes est entretenu par les tenants de la rente sous un faux discours « nationaliste ».

Le scénario pessimiste se réalisera si l’Algérie échoue à diversifier son économie. Différer les réformes institutionnelles et microéconomiques – le cadre macroéconomique actuel est artificiellement stabilisé par la rente des hydrocarbures – reviendrait à isoler l’Algérie des mutations mondiales et à reporter les tensions sociales. Une fois les réserves en hydrocarbures épuisées, nous aurons les séquences suivantes : épuisement, successivement, du Fonds de régulation des recettes et des réserves de change, pénurie de recettes fiscales, difficultés croissantes pour financer les importations et les investissements publics, demande sociale en récession, retour à l’inflation avec l’inévitable dévaluation officielle du dinar, détérioration du pouvoir d’achat de la majorité et la progression du chômage. Comme conséquence finale, avec une diplomatie en berne, l’Algérie ne pourra pas jouer le rôle de stabilisateur au niveau de la région, et des troubles sociaux, avec des possibilités d’interférences étrangères, se produiront.

L’Algérie n’a pas trouvé à ce jour la voie de sortie d’une crise multidimensionnelle aiguë. Les problèmes majeurs demeurent et la crise de confiance Etat-citoyens persiste, accentuée par les scandales financiers. Pourtant notre pays possède d’importantes potentialités pouvant devenir un acteur majeur au sein du bassin euro-méditerranéen et africain pour peu que l’on abandonne les méthodes périmées des années 1970, tant dans le domaine économique, social, politique que dans le domaine diplomatique.

A la différence de la période 1987-1992, l’Algérie a des réserves de change importantes, estimées à 178 milliards de dollars, bien qu’elles soient en diminution (diminution de 15,6 milliards de dollars ente juillet et décembre 2014). Elle a une dette extérieure inférieure à 4 milliards de dollars. La solution implique une réorientation de la politique socio-économique car si l’Algérie investit dans les biens durables et les techniques modernes, ceux-ci doivent s’accompagner d’investissements tout aussi importants dans l’éducation-qualification, la démocratie-liberté et la préservation de l’environnement. Ainsi s’impose un profond changement culturel, axé sur une meilleure gestion et gouvernance et donc , impérativement, sur la construction d’un Etat moderne tenant compte de l’internationalisation qui a profondément modifié les fonctions et rôles des Etats.

(*) Abderrahmane Mebtoul est professeur des Universités et expert international en management stratégique.

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