L’auteur de cette contribution s’élève contre la banalisation de la fraude dans le système scolaires et les « examens politiques », où le taux de réussite n’est plus l’expression d’une évaluation des véritables capacités des élèves mais d’une désastreuse forme de démagogie.
Les épreuves du baccalauréat ont connu hier des perturbations. Des candidats qui n’ont pas apprécié les sujets de philosophie se sont retirés des classes contraignant parfois les autres à les suivre. Les récits font état de menace à l’arme blanche contre les surveillants. Des incidents ont été signalés aussi bien à Alger qu’à Oran. L’objet du courroux des candidats: des sujets de philo jugés inabordables ou qui n’aurait pas été étudiés dans le « programme ».
Les choses ont fini par revenir à la « normale » mais faut-il pour autant prendre les choses « avec philosophie », au sens péjoratif du terme, c’est-à-dire comme une fatalité contre laquelle ne peut rien, ce qui permet de minimiser la gravité de l’événement ? C’est, d’ailleurs, une tendance malsaine qui s’est installée et qui justifie tout, les indélicatesses avec la loi, le détournement du bien public, l’incivisme banalisé…
Le baccalauréat est censé être empreint d’une certaine solennité, celui d’une épreuve où l’on négocie son passage à l’âge adulte. Comment prendre avec « philosophie » cette contestation de la philo de la part d’élèves enclins à vouloir décider, d’eux-mêmes, des sujets qui doivent être proposés ?
Et si l’on prend les choses avec philosophie pourquoi ne pas leur permettre de se noter eux-mêmes! Aucune sanction ne sera prise contre les contestataires, ont annoncé les responsables du secteur de l’éducation soucieux de ne pas faire de vagues. On ne va pas jouer les pères fouettards et exiger des sanctions. Par contre, il ne faut pas faire semblant de croire qu’il ne s’est rien passé. Ce qui s’est passé, hier, avec la philosophie, fait partie de cette entreprise de dégradation généralisée des processus d’évaluation des connaissances chez les élèves et les étudiants.
Les examens ne sont plus considérés depuis longtemps comme une épreuve où les apprenants démontrent qu’ils ont fait les efforts nécessaires et méritent de passer, avec la reconnaissance du système éducatif, à un autre palier. Cette vision est dépassée avec la tendance lourde à privilégier des examens aux « résultats politiques », c’est-à-dire où le taux de réussite n’est plus l’expression d’une évaluation des véritables capacités des élèves mais d’une désastreuse forme de démagogie politique. Du coup, les lycéens et les étudiants au niveau des universités ne supportent pas d’être notés à leur juste valeur, les enseignants qui restent stricts dans ce domaine sont considérés comme des « gêneurs », des « méchants ».
Un étudiant qui ne méritait pas d’avoir la moyenne dans un module et ne l’a pas eu a apostrophé son professeur: « Qu’est-ce qui vous prend ? Vous ne la donnez quand même pas de votre poche! ». Cet étudiant aurait pu l’avoir sa moyenne en travaillant et en faisant des efforts mais il estimait – et c’est très courant – que cela n’était pas une obligation. Et surtout que sa fainéantise, ses connaissance quasi-nulles n’étaient pas une raison « suffisante » pour l’empêcher de passer à la classe supérieure.
Il ne faut pas prendre ces choses avec une « philosophie » de pacotille mais avec gravité et sérieux. Sinon, autant prendre la décision de supprimer les examens et de distribuer des diplômes sans attendre aux bacheliers. Pourquoi leur faire « perdre du temps » à l’université? Il est temps d’arrêter les frais.
Avoir des centaines de milliers de diplômes ignorants est une catastrophe nationale. Il est temps de se réveiller. Et la philosophie, la vraie, celle qui contraint et incite à la réflexion rigoureuse, commande de sortir du désastre de la démagogie générale.