Il ne faut pas être utopique, les énergies fossiles notamment le gaz pendant encore 10 ans seront pour l’Algérie la principale source de financement. Mais gouverner étant de prévoir, il appartient au gouvernement d’ores et déjà, face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales irréversibles avec les résolutions récentes de la COP21 qui sera suivie de la COP22, axées sur le MIX énergétique entre 2020/2030, de préparer la transition énergétique.
C’est une erreur stratégique de raisonner sur le modèle de consommation énergétique linéaire du passé. Aussi, l’énergie engageant la sécurité nationale, la stratégie des énergies renouvelables doit s’inscrire en Algérie dans le cadre de la définition claire et datée d’un nouveau modèle de consommation énergétique axée sur un Mix énergétique, par l’évaluation des ressources pour atteindre les objectifs fixés qui devront préparer les industries de l’avenir, les nouvelles technologies et les industries écologiques, objet de la nouvelle révolution économique 2020/2040.
1. Selon un rapport de l’Irena (Agence internationale des énergies renouvelables), de septembre 2016, l’irradiation solaire moyenne des pays africains est, selon l’Irena (Agence internationale des énergies renouvelables), comprise entre 1 750 kWh/m2/an et 2 500 kWh/m2, soit près du double de celle de l’Allemagne (1 150 kWh/m2) qui dispose d’un parc photovoltaïque installé de l’ordre de 40 GW (soit une capacité photovoltaïque 20 fois plus importante que celle de l’Afrique). Le facteur de charge des installations photovoltaïques serait ainsi bien supérieur en Afrique que dans les pays européens. A fin 2015, l’Afrique disposait de 2 100 MW d’installations solaires photovoltaïques installées, 65% de cette capacité étant concentrée en Afrique du Sud (13% en Algérie et 9% à la Réunion). Lors des deux dernières années, le continent a plus que quadruplé la puissance installée de son parc photovoltaïque mais ce dernier reste encore modeste au regard du très grand potentiel africain car près de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. Selon l’Agence, cette énergie serait aujourd’hui compétitive par rapport aux énergies fossiles actuellement employées, que ce soit dans le cas d’importantes centrales ou de micro-réseaux isolés (ainsi que de systèmes domestiques). Selon l’Irena, les coûts d’investissement de grandes centrales photovoltaïques en Afrique ont diminué de 61% depuis 2012. Ils atteindraient actuellement près de 1,3 million de dollars par MW installé (la moyenne mondiale pour le photovoltaïque avoisine 1,8 million de $/MW selon l’Irena). Le président de l’Agence Adnan Z. Amin envisage encore une baisse possible de 59% de ces coûts durant la décennie à venir. L’Irena met en exergue le fait que l’énergie photovoltaïque présente pour l’Afrique une solution décentralisée et « modulaire » (avec des installations de quelques W à plusieurs dizaines de MW) pour électrifier rapidement des régions non connectées à des réseaux électriques. Selon des experts, il est vrai que les besoins énergétiques des africains se limitent à quelques KWh par habitant et par an. l’usage est principalement l’éclairage électrique. Il n’y a pas de réseaux électriques en Afrique. Il n’y a pas d’économie d’échelle possible. Les africains payent 2 fois plus chère l’électricité que les européens. C’est toujours plus intéressant d’avoir de l’électricité à bon marché. Mais le développement industriel exige de grandes puissances et surtout de la chaleur. Certes le photovoltaïque est certes plus adapté pour des petites installations hors réseau et pour certains pays africains mais une production industrielle nécessiterait de la combiner avec le thermique
2. Il était nécessaire, au préalable de porter quelques remarques sur l’approche actuelle de développement des énergies renouvelables. Il faut cibler en priorité les projets qui concourent le plus à l’atteinte des objectifs. Sans avoir une position tranchée entre le photovoltaïque et le thermique, nous aborderons le solaire thermique qui s’inscrit lui-même dans le programme régional du Sud. La mauvaise connaissance du domaine pourrait expliquer le programme retenu. En effet vouloir tester toutes les technologies avant de faire son choix, ne semble pas être la bonne démarche. Ceci occulte toutes les études qui ont prévalues avant la réalisation de la centrale de Hassi R’Mel. Les études en question avaient été menées en collaboration avec les principaux centres de recherche aussi bien des USA, comme l’ENREL, que des détendeurs de la technologie solaire :la DLR (Allemagne) et CIEMAT (Espagne). La centrale KramerJunction fonctionne aux USA depuis 1980 avec une capacité de 300 MW. La même technologie utilisée à Hassi R’Mel. Les tours solaires en Espagne ont fait leurs preuves depuis plusieurs années. Il s’agit de cerner les paramètres d’évaluation des différentes technologies. Avec la GTZ (Allemagne) la décomposition de la chaîne de valeur par composant et par coût a permis de se fixer un taux d’intégration réaliste de 70% pour le solaire thermique. Les industriels du solaire thermique convergent avec ce taux, tout en s’accordant aussi avec le niveau d’exportation d’électricité vers l’Europe. En effet l’Europe aura besoin d’importer 15% de ses besoins en 2030, soit l’équivalent de 24 GW électrique ou l’équivalent de 50 milliards de M3 de gaz par an. L’étude a aussi défini les conditionnalités : -un cadre politique stable, un marché local durable de la taille de 250 MW /an et un marché ouvert entre les pays du Maghreb. Les technologies retenues doivent correspondre aux potentiels les plus importants à valoriser à savoir permettre un taux d’intégration , la plus grande création d’emplois, offrant la meilleure adéquation avec le marché de l’électricité et enfin, le plus important les technologies offrant le plus grand potentiel de réduction de couts allant même jusqu’à la compétitivité avec les énergies fossiles. Dans ce cadre, pour plus d’efficacité, il est urgent de rattacher la pétrochimie par un partenariat gagnant/gagnant, à Sonatrach, le Ministère de l’Industrie n’ayant ni la vocation, ni l’expérience requise pour impulser ce segment. Pour des économies d’énergie et la réduction des couts, le solaire thermique par l’hybridation avec le gaz naturel peut aider le gouvernement en ces moments de rigueur budgétaire et d’une concurrence accrue sur le marché mondial du gaz à réaliser des économies d’énergie parallèlement à la réduction des couts. Pour réaliser cette hybridation avec du gaz qui est actuellement brulé aux torchères sur les champs pétroliers et gaziers, il est possible développer prés de 29 000 MW de capacité en hybride solaire thermique 70%, gaz torché 30%.
3. Les projets qui se développent pour l’export à partir du Maghreb, utilisent la technologie de concentration solaire thermique (CSP). Le montage financier a été aussi une copie du projet de Hassi R’Mel, en ce qui concerne l’autre projet qui a abouti au Maghreb : la centrale de Ouarzazate. La particularité du montage financier de Hassi R’Mel, reste que c’est le seul projet ou le TRI est de 5,2%. Autrement dit l’investisseur étranger ne se rémunère pas sur l’investissement totalement financier par l’Etat algérien. Il fallait aussi savoir que la technologie solaire thermique avait le plus grand potentiel de développement en Algérie qui représentait le plus grand potentiel avec l’équivalent de 170 000 TWH/an. C’est l’équivalent de 45 000 milliards M3/an de gaz naturel. Par ailleurs la stratégie des pays Européens pour réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis de l’Algérie, ne pouvait compter que sur l’éolien et le photovoltaïque qui présentent des limites certaines vis-à-vis du solaire thermique. Le solaire thermique avait fait ses preuves depuis longtemps. Pendant la colonisation un four solaire avait été mis au point, il se trouve au CDER (Bouzaréah). En fait les systèmes de concentration (CSP) se déclinent en trois technologies :
-Les miroirs paraboliques : comme ceux utilisés à Hassi R’Mel.
-Les tours solaires : des miroirs plats articulés concentrent les rayons au sommet de la tour.
-Les miroirs Fresnel : des miroirs plats pivotants sur leur axe concentrent les rayons solaires sur un tube absorbeur comme pour les miroirs paraboliques.
4.-Dans le court terme, afin de s’inscrire dans le cadre des orientations du Président de la République qui a instruit le gouvernement depuis 2010 de mettre en place rapidement le programme des énergies renouvelables afin de garantir au pays la sécurité énergétique parallèlement à l’efficacité énergétique (directives renouvelées en conseil des Ministres de 2016) et préserver le pays contre les turbulences futures, le développement des énergies renouvelables peut être initiée à grande échelle, les actions actuelles étant mineures et ponctuelles. Et ce grâce à l’action du ministère de la défense nationale (la gendarmerie nationale incluse) qui a montré ses capacités notamment pour la mécanique, et la direction générale de la sûreté nationale DGSN, en étroite relations avec le Ministère de l’Energie. L’on pourrait commencer comme expérience test avant de la généraliser à toutes les régions militaires, au niveau du Sud, notamment de la troisième région miliaire (Béchar), quatrième (Ouargla) et sixième région (Tamanrasset), le renouvelable aura des incidences notables pour les populations locales. L’action de la défense n’est pas propre à l’Algérie, comme le montre l’expérience réussie au début par la Corée du Sud , les grands complexes militaro-industriels américains russes, chinois et français. Les compétences existant au niveau de ces structures stratégiques, la discipline afin d’arriver rapidement aux objectifs, les importantes superficies qu’elles disposent sont un atout. La réussite espérée dans le cadre du redressement national de ces institutions, montrera la voie aux autres segments de la société civile. Des milliers de petites et moyennes entreprises peuvent émerger sans compter les systèmes d’interconnexion avec l’Europe, où l’Algérie pourrait devenir exportatrice tout en couvrant ses besoins intérieurs et réaliser l’objectif du Ministère de l’Energie de la couverture de 40% des besoins intérieurs horizon 2030. A court terme bien que le coût international a baissé de plus de 50% ces dernières années, encore plus à l’horizon 2020/2025, où le cout du KWH sera inférieur aux techniques classiques pour la rentabilité et attirer les investisseurs potentiels locaux et internationaux, un système de péréquation des prix est nécessaire.
5.-Il s’agit donc de bien cerner les véritables acteurs et d’avoir une vision stratégique reposant non sur l’utopie mais le réalisme ne devant jamais croire que de lois et des changements d’organisations résoudront les fondements des problèmes. Les acteurs politiques sont certes indispensables, lorsqu’il s’agit de négocier une part de marché. Le partenariat technologique et l’intégration font appel généralement à des entreprises privées. Le risque est trop grand par ces périodes de crise, pour qu’un investisseur accepte de se mettre sous le contrôle d’une entreprise publique algérienne. Il faudrait un partenariat Public-Privé , devant lever la contrainte rigide et non adaptée à ce segment et à d’autres secteurs dont les PMI/PME la règle des 49/51% la gestion du partenariat doit aller au partenaire étranger avec le partage des risques et la nécessité du transfert technologique. L’Algérie supporte via le transfert de devises actuellement tous les surcouts avec cette règle instaurée en 2009 et n’ayant pas permis ce transfert, de limiter les importations et de dynamiser le tissu productif. L’erreur de l’abrogation du financement par le Remdoc avec la généralisation du Credoc, avec des pertes financières considérables selon le gouvernement qui vient d’être réintroduite dans la loi de fiances 2017 ne doit plus être renouvelée. Il ne faut plus verser dans l’idéologie néfaste pour préserver des intérêts de rente qui conduiront inéluctablement l’Algérie vers le FMI horizon 2020 mais être pragmatique et privilégier uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie qui a d’importantes potentialités de sortie de crise.
*Professeur des Universités, expert international, directeur d’Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-200/2006
**Ingénieur- Ancien PDG de NEAL, expert en Énergies renouvelables