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Constitution : La commission Laraba reconnaît avoir renoncé à réduire les pouvoirs du président

Par Ihsane El Kadi
mai 8, 2020
Constitution : La commission Laraba reconnaît avoir renoncé à réduire les pouvoirs du président


L’exposé des motifs dans le projet de la nouvelle Constitution révèle de manière spectaculaire une délibération au sein de la commission Laraba qui débouche sur un statu quo constitutionnel.

Il ne faut pas aller très loin dans la lecture de l’avant-projet de la Constitution de la commission Laraba pour comprendre qu’elle a arbitré en faveur de la reconduite de la concentration des pouvoirs présidentiels. Dès la page 06 d’un document de 52 pages, l’exposé des motifs aborde dans le paragraphe dédié à la séparation des pouvoirs la problématique de la bipolarité du pouvoir exécutif introduite par la Constitution de 1989 et qui a causé des tensions entre la fonction présidentielle et celle de chef du gouvernement.

L’exposé des motifs admet que le traitement de cette bipolarité par la suppression de la fonction de chef de gouvernement dans la Constitution de 2008 a provoqué « une dérive des objectifs poursuivis et généré un régime hyper-présidentielle (traduction de l’arabe).

Cette question a conduit à un vaste débat au sein de la commission qui  a tourné autour de la réduction des pouvoirs du président à travers » quatre dispositions. La révélation spectaculaire de cet exposé est qu’aucune de ces quatre dispositions envisagées explicitement par le débat dans la commission Laraba n’a été retenue pour réduire des pouvoirs du président.

« La commission a conclu après débat, que l’adoption de telles restrictions (aux pouvoirs du président) conduirait au changement de la nature du régime politique, ce qui sort du cadre de la mission confiée » à la commission d’experts.  Cet aveu  inédit dans un tel document fait porter la responsabilité d’un tel renoncement à réduire les prérogatives du président au cadre restrictif des 7 axes de travail proposés par le président Tebboune aux experts et non pas au libre arbitre des membres de la commission. Ce qui éclaire à postériori le geste d’un des experts, Fatsah Ouguergouz qui a claqué la porte de la commission il y a un mois exprimant de « sérieuses réserves sur l’avant-projet de Constitution » et affirmant : « cet avant-projet s’inscrit pour l’essentiel dans la continuité de la Constitution actuelle”.

La majorité parlementaire, un recours facultatif

Les quatre dispositions débattues au sein de la commission Laraba en vue de réduire les prérogatives du président de la République dans la nouvelle Constitution sont citées dans le document envoyé aux parties invitées à en débattre. Il s’agit de la refonte du mode de choix de responsabilisation politique du chef du gouvernement, de la suppression du pouvoir législatif (décrets) du président entre deux sessions parlementaires, du rééquilibrage des pouvoirs de nomination entre le président de la République et le chef du gouvernement, et de l’annulation de la désignation d’un tiers présidentiel au sénat.  

Sur ces quatre dispositifs examinés  l’avant-projet de texte constitutionnel propose une continuité – pour reprendre la formule du docteur Ouguergouz. Le président de la République n’est pas contraint de choisir le chef du gouvernement parmi le parti ou la coalition politique qui remporte les législatives, et le chef du gouvernement n’engage (article 108) le programme de la majorité parlementaire que si le président de la République choisit de renoncer aux dispositions de l’article 104 ou si le chef du gouvernement propose son propre programme d’action à soutenir devant l’assemblée populaire. En plus clair, la Constitution permet au président de la République de nommer un chef du gouvernement et son cabinet indépendamment de la majorité parlementaire qu’il tentera ensuite de convaincre en présentant son programme d’action, qui est de fait celui du président.  

La commission Laraba a également renoncé à réduire l’usage des décrets exécutifs, et à rééquilibrer le pouvoir de nomination entre El Mouradia et l’imprimatur (palais du gouvernement). Il restait un test fort marqueur de la séparation des pouvoirs, celui du verrou présidentiel sur le parlement  à travers le tiers présidentiel dans la chambre haute, le Conseil de la nation. La question de sa suppression a été évoquée dans le débat de la commission, mais comme pour les trois points précédents, l’arbitrage a conclu au statu quo.

Le pouvoir extra –constitutionnel se formalise

L’avant-projet de texte constitutionnel de la commission Laraba est-il, après l’expression de ce renoncement, dénué de toutes dispositions réformant le régime hyper-présidentiel  renforcé par les révisions de 2008 et de 2016 ? Il faut bien se rendre à l’évidence, elles sont cosmétiques. En fait, elle dépoussière la sémantique constitutionnelle des « mises à jour » de l’ère Bouteflika qui a fini par mettre en conformité le texte et sa pratique hyper-présidentielle.  L’intitulé « chef de gouvernement » introduit par la mini révision du 03 novembre 1988, est restauré. La formule «le président nomme les ministres sur proposition du chef du gouvernement » est rétablie. Elle était en vigueur jusqu’en 2008, mais bien sur non respectée. Le président est autorisé à déléguer de ses compétences au premier président du Haut conseil à la magistrature qu’il continue de nommer. Enfin, l’introduction d’un poste facultatif de vice-président ne peut bien sûr pas être comptée dans la colonne de la réduction de ses prérogatives. C’est le président qui le choisit – a postériori – sans qu’il ne soit tenu de réclamer à ses côtés le suffrage universel en tant que colistier. Plus grave, le vice-président non élu, choisit sans aucune validation par le parlement, peut exercer les mêmes pouvoirs hors gabarit du président durant toute la durée restante d’un mandat si celui-ci devait s’effacer pour une raison ou une autre. Si les prérogatives hypertrophiques du président sont maintenues dans le projet de Constitution de  Abdelmadjid Tebboune, le pouvoir extraconstitutionnel et extra suffrage populaire, lui, veut se donner un moyen de garder la main autrement que par l’action, porteuse de crise,  d’un parent du  président.

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