A l’heure où un remaniement gouvernemental total (départ du Premier ministre) ou partiel (un certain nombre de portefeuilles ministériels) est d’actualité en Algérie, depuis son annonce officielle par le président de la République, lors de son allocution télévisée diffusée jeudi dernier, et suite à une phrase prononcée, par le Président de la république, sur le point de se rendre en Allemagne pour complément de soins, en direction du Premier ministre sur l’efficacité de l’exécutif , la qualifiante qu’« il y a du bon et du mauvais », les spéculations vont bon train et les fantasmes des uns et des autres encombrent les réseaux sociaux actuellement.
Pour comprendre le fil conducteur de cette situation, il est nécessaire de revenir un peu en arrière et notamment sur l’avant et l’après feu le Général de corps d’armée, chef d’état-major et vice ministre de la défense nationale A. Gaïd Salah. En effet, qui peut croire que ce dernier a laissé carte blanche au nouveau Président de la république fraichement élu, dans la composition du gouvernement et de son Premier ministre ? Dès lors, il est raisonnable de penser que, dans la composition du gouvernement, depuis son Premier ministre jusqu’au dernier des ministres et autres ministres délégués et secrétaires d’état, la « touche » du chef d’état-major était indélébile, à n’en pas douter. Certes, le Président de la république a eu son mot à dire dans cette composition mais surtout dans son premier cercle de pouvoir présidentiel et son cabinet. Le résultat de ce « compromis boulitik » est certainement incarné par le nombre inflationniste de portefeuilles que ni la logique ni la raison ne pouvaient justifier (autour d’une cinquante).
J’avais alors rédigé une note dans laquelle je préconisais la construction d’un « état-major » restreint d’une quinzaine de ministres d’état et d’une dizaine secrétaires d’état, sous l’autorité directe de ces premiers, regroupant les grands secteurs (économie, sociale, territoriale, équipements, santé, jeunesse…), de manière à assurer la fluidité et l’efficacité des décisions présidentielles. En outre, cette configuration devait accroitre la cohérence et l’intersectorialité des mesures prises, dans les urgences du moment, tant au niveau national qu’à l’international.
La réalité nous a montré que c’est l’inverse qui a été retenu et mis en œuvre, ce qui va immédiatement, après l’installation du gouvernement, créer une cacophonie indescriptibles de décisions, des conflits de prérogatives criards et des difficultés majeures à mettre en œuvre des décisions arrêtées par le Président de la république, alors que notre pays avait justement besoin de dextérité et proximité pour satisfaire les besoins de base des populations. Plusieurs portefeuilles vont changer de mains dans l’urgence, afin de tenter de remédier à cette situation préoccupante, d’autant que la pandémie du corona-19 frappait à nos portes et qu’il fallait redoubler de rapidité et de vision stratégique pour endiguer ce problème additionnel.
Mêmes les décisions les plus élémentaires n’ont pas pu être mises en œuvre ou lorsqu’elles ont vu le jour, elles ont été exécutées avec des retards injustifiables (1) préjudiciables à la cohésion sociale. Il va s’ajouter à cette situation déjà incohérente, l’absence du Président pour soins à l’étranger et l’exaspération des conflits silencieux entre les titulaires des différents portefeuilles (2) de différentes obédiences et de couleurs politiques bigarrées et le cabinet présidentiel ainsi qu’à l’intérieur même de ce dernier, sans que l’arbitrage présidentiel ne puisse s’exercer.
Sur le plan international, l’environnement régional s’inscrit durablement dans l’instabilité et s’internationalise de plus en plus et les menaces se précisent clairement, y compris en Tunisie qui servait, à un moment donné, de repaire et d’exemple de « réussite du processus démocratique ». La situation libyenne s’enlise, la royauté marocaine joue la carte qui lui reste en scellant une alliance stratégique avec Israël, ce qui risque de remettre en cause la paix politique et sociale intérieure dont elle jouit pour l’instant et enfin, dans la région sahélo-sahélienne l’option militaire sans solution politique de sortie de crise, radicalise les protagonistes.
Enfin, au niveau économique et social, l’impact de la pandémie sur l’emploi, la production, la consommation et nos réserves de change se fait sentir de plus en plus même s’il n’est pas catastrophique pour l’instant s’il ne perdure pas encore plusieurs années.
C’est donc dans ce contexte qu’un remaniement, total ou partiel, est envisagé à court terme pour permettre d’introduire plus de cohésion dans les actions de l’exécutif. Il est donc souhaitable que la raison l’emporte sur les sentiments et qu’un « état-major exécutif » soit construit autour d’un Premier ministre, qui aura pour seule mission de solutionner les problèmes basiques de la population.
De grands ministères sectoriels (une dizaine) à la tête desquels des ministres d’état avec de larges prérogatives, secondés par des secrétariats d’état (une dizaine) sous leur tutelle, couvrant des domaines ou missions sensibles, devaient être la charpente et l’ossature du nouveau gouvernement.
Je ne me prononcerais pas sur les personnes idoines à désigner mais uniquement sur les critères d’éligibilité. Une intégrité sans failles, une compétence avérée et une vision sectorielle stratégique à moyen et long terme, me semble être la trilogie du portrait robot futur gouvernement. La population attend du concret et non pas des discours qui souvent n’ont pas été suivis d’effets, c’est donc la condition sine qua non pour relever tous les défis qui attendent notre pays.
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(1) L’octroi d’une aide aux plus démunis, décidé par le Président n’a pu se réaliser que très longtemps après une intervention directe de ce dernier et sous la menace de représailles.
(2) Certains ministres ou ministres délégués n’avaient même pas de bureaux et tous recrutements ou mouvements sectoriels leur étaient interdits par une note du Premier ministre.