Aissa Manseur : Expert consultant en développement agricole
Le premier ministre a présenté devant les députés de la chambre basse le plan d’action du gouvernement pour débat et approbation. Concernant l’agriculture, ce plan a mentionné une série de mesures qui vise à concrétiser la relance du secteur de l’agriculture, il s’est intéressé à plusieurs filières dont les céréales, les cultures oléagineuses, la semence de pomme de terre, augmentations des surfaces irriguées,… le lait demeure le grand absent de cette nouvelle stratégie !
Dans cette contribution on donne une première lecture des aspects concernant l’agriculture, abordés par le plan d’action du gouvernement pour la relance du secteur de l’agriculture
Amélioration de la production céréalière pour atteindre 65 millions de qx en 2022 et 71,8 millions de qx en 2024.
La culture des céréales en Algérie est pluviale par excellence, sa production est principalement liée à la pluviométrie. La production moyenne n’excède pas les 40 qx à l’hectare avec des rendements très bas. En général si le ciel est généreux, on enregistre des niveaux de production acceptables mais qui restent insuffisants pour répondre aux besoins de la population, notre production n’en couvre pas plus de 35%. Le plan n’indique pas sur quels mécanismes s’appuyer pour réaliser cet objectif.
La question qui se pose concerne surtout nos capacités de stockage qui ne dépassent pas actuellement 30 millions de qx, comment peuvent-ils contenir 65 millions de qx en 2022 et 70 millions de qx en 2024, qu’en est-il du projet de réalisation de 39 structures de stockage d’une capacité de 8,2 millions de qx, dont 9 structures en béton et 30 structures métalliques, lancé en 2013 ? Même les entrepôts de stockage existant ne répondent pas aux normes requises ce qui induit des pertes importantes en grains de blé.
L’amélioration des rendements ne peut pas se réaliser uniquement en adoptant l’irrigation d’appoint, certes c’est important mais insuffisant ! Les céréaliculteurs doivent maitriser et respecter tout l’itinéraire technique qu’exige la conduite de la culture
Augmentation de la production des cultures industrielles afin de couvrir 25 % des besoins nationaux en colza et 33 % en maïs
La culture du maïs peut être développé à moyen terme, des expériences s ont été réalisées depuis plusieurs années et qui ont donné des résultats satisfaisants, les pouvoirs publics doivent accompagner les producteurs notamment en ce qui concerne la commercialisation du produit.
Quant à la culture du colza, c’est un produit nouveau et il a été testé l’année dernière sur une superficie de 300 hectares. Il est trop tôt de se prononcer sur sa réussite en plus cette spéculation nécessite des investissements en aval, en l’occurrence l’installation des unités de transformation et de trituration des graines oléagineuses.
Augmentation de la production de semences de pomme de terre pour couvrir les besoins nationaux à 95 % d’ici 2024.
La production de semences de pomme de terre a connu un développement remarquable ces dernières années, un travail considérable se fait dans ce domaine. Selon des statistiques disponibles l’Algérie n’importe que 20% en semence de pomme de terre depuis l’année 2019, le reste est produit localement avec des moyens 100% algériens. Les importations sont de l’ordre de 120 000 tonnes avec une valeur de 95 millions USD. Le programme national de production de semences de pomme de terre peu relever le défi, il est tout à fait possible d’atteindre l’autosuffisance d’ici quelques années pour peu que la cadence des efforts consentis dans ce domaine se poursuit au même rythme avec la contribution de tous les intervenants à savoir les établissements semenciers, l’interprofession et le le Centre National de Contrôle et Certification des Semences et des Plants (CNCC) , il est également indispensable que cet organisme soit renforcé en personnel technique pour mener à bien sa mission
Augmentation les surfaces irriguées de 200 000 hectares, et le goutte-à-goutte de 500 000 hectares, et fournir toutes les conditions pour élever la productivité céréalière à une moyenne de 32 quintaux par hectare, d’ici 2024.
Un million d’hectares irrigués a été dénombré en 2012, la projection tablait sur 02 millions d’hectares en 2019, dont 600 mille hectares pour les céréales, mais seulement 146 mille hectares des 02 millions ont été équipés, La cause avancée pour justifier la non réalisation de la totalité du projet c’était la rationalisation des dépenses après l’effondrement des prix du pétrole ! Un projet aussi important ne doit pas être considéré comme d’autres moins importants qui peuvent être ignorés sans aucune conséquence ! L’irrigation des céréales est primordiale et indispensable pour améliorer la production
Les chiffres avancés prouvent encore une fois que le développement des céréales est relégué en second plan en matière de priorité, l’extension projetée des surfaces irriguées pour les cultures arboricoles, oléicoles et les cultures maraichères sont beaucoup plus importantes que celles réservées aux céréales bien que notre dépendance en ces produits est très forte et un budget conséquent est réservé annuellement pour s’en approvisionner
Le lait, le grand absent du plan d’action du gouvernement pour la relance de l’agriculture
Il est frappant de constater que le plan d’action du gouvernement dans son volet consacré à la relance du secteur de l’agriculture n’a pas abordé le développement de la filière lait, qui est considérée comme étant stratégique et dont l’importation nous coûte annuellement plus de 1,3 milliards USD en plus des primes allouées à tous les intervenant de la filière à savoir les éleveurs, les collecteurs et les transformateurs(laiteries) pour lesquelles est réservée, annuellement, une enveloppe de 14.4 milliards de dinars
Selon les chiffres avancés, la production nationale de lait avoisine 3,52 milliards de litre, le lait de vache représente plus de 70 % avec une production qui dépasse 2,58 milliards de litre, les besoins estimés à 5 milliards de litre. Le cheptel bovin laitier n’excède pas 970 000 tètes
Malgré tous les efforts’’ financiers’’ consenti par les pouvoirs publics le marché connaît souvent une pénurie en ce produit
Nos petits éleveurs ont besoin d’accompagnement et de soutien pour renforcer leur cheptel, il est également impératif de leur assurer des formations et des journées de vulgarisation en permanence afin qu’ils maitrisent les techniques modernes de l’élevage, comme il est indispensable d’améliorer les conditions d’ambiance dans les bâtiments d’élevage en procédant a leur aménagement et leur équipement de façon à assurer les meilleures conditions afin d’avoir un rendement satisfaisant
L’agriculture demande beaucoup plus d’actions et beaucoup plus d’attention et il doit être impérativement épargné par les mesures d’austérité édictées, de temps à autre, par la chute des prix des hydrocarbures, lorsqu’on donne à l’agriculture on ne doit pas compter (cela ne veut pas dire de ne pas contrôler), atteindre la souveraineté alimentaire n’a pas de prix !
Par : Aissa Manseur : Expert consultant en développement agricole