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Dans le monde algérien des affaires, Issad Rebrab accentue son avance (opinion)

Par Yazid Ferhat
décembre 9, 2014
Dans le monde algérien des affaires, Issad Rebrab accentue son avance (opinion)

L’homme d’affaires Issad Rebrab s’est déployé à l’international, prenant une envergure qui lui donne une longueur d’avance sur les autres chefs d’entreprises algériens.

Pendant que Ali Haddad et Laïd Benamor découvrent les fastes du pouvoir, en s’installant comme nouveaux ténors du patronat algérien, Issaad Rebrab s’affiche dans une autre dimension, en se plaçant résolument à l’international pour donner l’image de l’homme d’affaires de grande envergure qui appartient à un autre monde. Bousculé dans les petits jeux de pouvoir par de jeunes loups avides de se faire une place, le patron de Cevital change de look, pour imposer cette nouvelle image, soigneusement élaborée par une communication efficace : M. Rebrab joue désormais dans la cour des grands, à l’international, et ne s’intéresse plus aux petits jeux des coulisses du microcosme qui gravite autour de Saïd Bouteflika.

Quand les autres parlent de millions de dollars, Rebrab parle de milliards. Quand les autres se bousculent pour un marché à Alger ou un contrat à Sétif, lui parle des grandes places financières internationales, Paris, Milan, et aussi de ce vaste chantier que va constituer l’Afrique.
En octobre, M. Rebrab était reçu à l’Elysée avec les grands patrons de ce monde, ceux de Samsung et de Volvo, la crème des entreprises mondiales. Il apparait plus familier de Microsoft et Sony que l’ETRHB. Il avance des idées pour relancer l’économie mondiale, pour relancer l’attractivité de l’économie française, lui dont les idées et les propositions sont ignorées ou combattues en Algérie, où l’économie est totalement sclérosée par la rente.
Déploiement à l’international

Mais s’il a des difficultés à être reçu à Alger, c’est le chef du gouvernement italien Matteo Renzi, qui « demande à le rencontrer », murmure-t-on dans le monde des communicants. Et s’il ne le rencontre pas à Alger, pendant sa visite officielle, ce sera en Italie, où un rendez-vous a été pris pour le 11 décembre. C’est un minimum pour un homme qui va mettre 400 millions de dollars pour « sauver » les aciéries Luccini, à Piombino. Un investissement d’un milliard de dollars est prévu, ce qui mérite bien quelques honneurs et un peu de reconnaissance pour cet homme qui « veut faire de Piombino une star de la Méditerranée ».
Auparavant, il avait « sauvé » le groupe Fagor-Brandt, un des fleurons de l’électroménager, en difficulté en France. Il avait aussi racheté l’entreprise française de menuiserie en PVC Oxxo. Pour le premier, Cevital rachète des brevets par milliers, ainsi que des marques prestigieuses. Pour le second, c’est le savoir-faire, à transférer pour l’usine de Bordj Bou-Arriredj, en construction. Quant aux aciéries Luccini, elles offrent une plateforme de développement pour un tas d’activités, et une porte vers la Méditerranée.

Autonomie

Comment financer tout cela ? Par les entreprises que possédait M. Rebrab à l’étranger avant même la création de Cevital, et grâce à la vente de ses parts dans Djezzy, assure le groupe. Ce qui élimine tout favoritisme, et exclut l’idée de transferts informels. Avec ce « trésor de guerre », selon la formule de M. Rebrab, le groupe peut même se passer de la banque d’Algérie, qui lui refusaient le transfert d’argent à l’étranger.
Cevital affiche ainsi sa capacité à se passer du concours de l’Etat algérien dans sa conquête de l’international, où la crise offre des opportunités exceptionnelles. Il suffit de se baisser pour ramasser la mise. Ce qui révèle une manière d’opérer totalement différente de celle des autres grandes entreprises qui prétendent régenter la vie économique en Algérie.
Car pendant ce temps, le FCE et la Chambre de commerce et d’industrie, dirigés par M. Haddad et Laïd Benamor, commencent à imposer les nouvelles règles des cercles qui s’imposent à la décision économique. Après avoir financé la campagne du quatrième mandat, en concertation avec M. Saïd Bouteflika, ceux-ci affichent leurs intentions. « Travailler étroitement avec les autorités publiques », pour M. Ali Haddad, « se rapprocher des pouvoirs publics pour proposer des solutions », pour M. Benamor.

Proximité du pouvoir

Ceux-ci peuvent se vanter de leur proximité avec les cercles de Saïd Bouteflika, ce qui constitue une garantie de prospérité. Ali Haddad ne s’en cache pas. Il revendique publiquement cette amitié. Mais en 2014, pour prendre la tête du FCE, il était candidat unique, signe que la modernité n’a pas encore traversé les rangs du FCE.
A l’inverse, Issad Rebrab, qui pèserait près de cinq milliards de dollars de chiffres d’affaires, veut apparaitre comme l’homme moderne, ayant recours au marché ou à ses fonds propres pour financer ses projets. C’est ce qu’il va faire aussi bien pour ses acquisitions en Europe que pour le projet de cimenterie  d’El-Khroub, une usine qui produira quatre millions de tonnes par an.
Pas de faveurs de la part de l’Etat, répète son entourage. Mais sur ce terrain, il est difficile de présenter un casier judiciaire vierge en Algérie. Le ministre de l’Industrie, Abdelouahab Bouchouareb, l’a d’ailleurs rappelé, dans une sortie remarquée. M. Rebrab n’aurait jamais atteint la dimension qui est la sienne sans un accompagnement du pouvoir. Un doux euphémisme pour rappeler que le patron de Cevital a largement tiré profit de sa proximité avec le pouvoir politique à ses débuts, une période sur laquelle M. Rebrab veut tourner la page.

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