« Il est possible d’avoir une place dans l’économie numérique, il est possible également de faire de notre retard une opportunité que les autres n’ont pas », affirme Mohsen Toumi, expert en transformation digitale.
Le retard accusé par l’Algérie en matière d’adaptation aux mutations numériques qui bouleversent le monde d’aujourd’hui peut devenir un atout pour faire un démarrage sur de bases solides. C’est la thèse développée par l’expert en économique digitale M. Mohsen Toumi lors de la matinale du Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (CARE), organisée ce dimanche à l’hôtel Sofitel à Alger.
Développant sa vision, l’expert rejette les discours pessimistes qui consistent à dire qu’il est « impossible de rattraper le retard ou d’avoir une place dans l’économie de demain dominé par le numérique. « Il est possible d’avoir une place dans l’économie numérique, il est possible également de faire de notre retard une opportunité que les autres n’ont pas », a-t-il dit. Il explique : « Dans les pays développés et émergents on a beaucoup investi dans les logiciels et les équipements qui vont avec. Penser à changer tout suppose de nouveaux investissements lourds. Parfois, il est plus facile de commencer de zéro que d’adapter un système ou un modèle déjà en place, estime-t-il. Autrement dit, la durée d’adaptation sera plus courte chez les économies en retard que chez les économies déjà engagées dans le processus digital. Pour étayer ses propos, il cite le cas du Kenya. « Le Kenya est devenu un model intéressant en matière de paiement mobile. Son expérience intéresse même les pays européens », a-t-il indiqué.
De plus, le retard accusé par l’Algérie lui permet d’apprendre des erreurs et des parcours des autres. « Les erreurs faites par les autres nous serviront dans notre transformation digitale », a-t-il souligné. Une transformation que nous ne pouvons pas éviter, pense-t-il. « L’intégration du monde numérique n’est pas un choix, mais une nécessité. Nous ne pouvons pas rester en marge de l’évolution que connait le monde », a-t-il ajouté.
Les recommandations pour passer à une Algérie numérique
Pour réussir son intégration dans l’économie numérique, l’expert a émis certaines recommandations à suivre. Il s’agit d’abord d’adapter l’école et le système de formation en général avec les besoins de nouveau monde. « Je ne vais pas exiger à mes enfants de devenir médecins ou ingénieur. Ma mission est de leur donner une bonne formation pour qu’ils puissent demain faire de bons choix », a-t-il expliqué. En outre, il appelle à la libération des initiatives notamment chez les jeunes. « J’ai vu des jeunes algériens ambitieux qui portent des projets intéressants. C’est une génération porteuse d’espoir », a-t-il dit. Par ailleurs, il se dit bouleversé par l’état dans lequel se trouvent les grandes entreprises algériennes. Enfin, il appelle à l’affichage d’une volonté de faire ce saut dans tous les secteurs d’activité et surtout à la mise en place d’un cadre réglementaire adapté à la mutation numérique.
Instaurer la souveraineté numérique
Pour l’expert, il est vraiment urgent de penser à la souveraineté numérique. « La data que nous générons est stockée aux USA et ailleurs. Une situation qui ne profite pas à l’Algérie d’autant plus que le président américain veut le libre accès de son Etat aux archives numériques stockées dans son pays », a-t-il mis en garde. « Lorsqu’on livre toutes données à des serveurs basés à l’étranger, on affaibli notre pays », poursuit-il. En d’autres termes, il appelle à l’instauration d’une indépendance en matière de gestion et de stockage des données numériques. Interrogé sur les retombées de l’avancée exponentielle des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) et leurs équivalant chinois sur des pays comme le nôtre, le conférencier a refusé de parler de grand danger. « Certes, ces marques ont du pouvoir, mais elles sont également fragile devant les réactions des internautes », a-t-il répondu.