La décision d’exploiter les gaz de schiste, annoncée par le président Bouteflika lors du dernier conseil des ministres « est précipitée », a estimé ce mardi Nazim Zouiouèche ancien PDG de Sonatrach et expert international en énergie, invité du direct de Radio M, web radio de Maghreb Emergent. L’exploitation des gaz de schiste-qui va engendrer d’énormes dépenses-nécessite, selon lui, des études plus sérieuses et plus poussées que celles qui ont été faites jusqu’ici.
En prenant cette décision d’exploiter le gaz de schiste, le gouvernement s’est basé sur des chiffres annoncés par le département américain de l’énergie, avançant 27.000 milliards de mètres cubes de réserves . « Ces chiffres sont extrêmement théoriques », souligne M. Zouiouèche. « Ce que le département américain avance comme chiffres porte sur les ressources. Or, si l’on s’en tient à la seule expérience industrielle qui existe aujourd’hui, en l’occurrence américaine, la ressource c’est ce qu’il y a dans le sous-sol. Ensuite, vient la réserve c’est-à-dire celle que l’on peut espérer atteindre en production, et enfin, il y a le supply c’est-à-dire ce qu’on peut tirer de cette réserve. Or, dans le cas US c’est entre 7 et 10% de la ressource qu’on peut produire. Ceci minimise fortement les chiffres immenses avancés par les pouvoirs publics », a-t-il déclaré.
L’une des raisons qui sous-tendent l’annonce d’exploiter le gaz de schiste est le déclin des hydrocarbures conventionnels, croit savoir Zouiouèche. Pour lui, le déclin des hydrocarbures est dû essentiellement à l’hyperproductivité exercée depuis les années 2000. Le pouvoir veut continuer sa politique rentière en se lançant dans des annonces de disponibilités d’hydrocarbures, estime M. Zouiouèche, pour qui, l’exploitation de ce gaz non conventionnel pose de prime abord un problème de coût. La comparaison entre un puits horizontal pour le gaz de schiste et le puits vertical fait ressortir un surcoût de 25% et autant pour les délais d’exploitation.
Matériels, additifs et main d’œuvres importés
Selon les estimations de M. Zouiouèche, le coût d’un puits de schiste peut s’évaluer aujourd’hui entre 15 et 20 millions de dollars. Pour réaliser une opération de fracturation, il faut mobiliser entre 15 et 20.000 mètres cubes d’eau. A cette eau, il faut ajouter des tonnes de sable pour laisser ouvertes les fractures. L’opération nécessite par ailleurs énormément de produits additifs dont certains sont totalement classés secrets, selon M. Zouiouèche. Il a rappelé, à ce titre, que le président américain, Barack Obama, a demandé aux sociétés qui exploitent les gaz de schiste d’être plus claires sur la nature des additifs utilisés. Selon l’ancien PDG de Sonatrach, les coûts sont d’autant plus importants pour le pays que les équipements, les additifs et les ressources humaines (les techniciens) sont totalement importées. D’autant qu’il existe actuellement deux grandes sociétés spécialisées dans l’exploitation du gaz de schiste : Haliburton et Schlumberger, lesquelles détiennent 85% du marché.
L’expert pose aussi le problème de la durée de vie de ces puits au gaz de schiste. Ce dernier au bout d’un an production décline de 40%, révèle-t-il. « Ce qui signifie que l’on est obligé de forer à nouveau en permanence et le plus vite possible », explicite-t-il. Pour produire environ 25 milliards de m3, il faut forer 600 puits. Les américains ont foré 500.000 puits pour produire 60 milliards de m3 de gaz de schiste représentant 7% de leur balance énergétique. L’ancien PDG de Sonatrach refuse que l’Algérie devienne un champ d’expérimentation pour d’autres pays qui, eux, sont contre l’exploitation de ce gaz non conventionnel à l’image de la France. L’expert recommande de n’exploiter le gaz de schiste qu’au bout de 20 ou 30 années, estimant que les hydrocarbures conventionnels en encore de beaux jours en Algérie.