La demande mondiale de gaz va poursuivre sa forte croissance jusqu’en 2050 et l’Algérie doit s’y préparer, estime l’expert international algérien Mourad Preure.
« La demande gazière mondiale ne cessera de croitre jusqu’à la mi- siècle. Les prix vont suivre car le gaz n’est plus considéré comme une « bridge energy », une énergie de transition, mais comme une « destination energy » », a déclaré M. Preure.
« Préparons-nous aux rendez-vous futurs en orientant Sonatrach afin qu’elle devienne un acteur des transformations énergétiques à l’œuvre et non un fournisseur d’énergie », a-t-il recommandé.
Interrogé sur les capacités d’exportation algériennes face à la hausse de la demande mondiale, il a souligné l’importance des réserves du pays et la nécessité de les exploiter « intelligemment ».
« Nous avons un avenir gazier. Mais le présent est à gérer avec beaucoup d’intelligence stratégique. L’Algérie possède un potentiel gazier réel en conventionnels mais surtout, dans l’état de nos connaissances, en non conventionnels où les réserves sont parmi les premières dans le monde ».
Toutefois, l’Algérie a connu « vingt-ans d’arrêt de développement gazier », pendant que la demande nationale absorbe l’équivalent quasiment des exportations, en plus d’une compétition intense avec des nouveaux entrants « très agressifs » sur le marché européen.
La gestion de cette situation passe, selon lui, par la maîtrise de la demande interne et l’accélération de la transition énergétique pour sécuriser les équilibres énergétiques à court, moyen et long terme et « soulager Sonatrach de la pression insoutenable qui s’exerce sur ces gisements ».
S’agissant de la hausse conjoncturelle des prix gaziers, l’expert a estimé que l’Algérie n’en profite que « marginalement » du fait du niveau limité des exportations algériennes.
Importante hausse des prix
Expliquant la situation actuelle du marché gazier mondial, M. Preure a relevé la hausse importante depuis mars dernier des prix qui ont quadruplé sur le continent européen, et augmenté de 175% en Asie par rapport à leur niveau du début de l’année.
« Nous n’avons, par le passé, connu des chocs pétroliers, mais jamais de choc gazier. Il semble que nous nous y approchons », a-t-il averti.
Soulignant que les marchés gaziers diffèrent dans leur fonctionnement des marchés pétroliers, il constate qu’il y a « manifestement un puissant déséquilibre entre offre et demande et absence de forces de rappel dans les marchés ».
Il a, dans ce cadre, noté que la pénurie s’est déclenchée en Asie, particulièrement en Chine, suite à un hiver très froid et à la demande déjà boulimique du fait de la consommation de son industrie.
Elle s’est poursuivie tout au long de l’année avec la reprise économique qui a provoqué une hausse de la demande en Chine et dans les pays OCDE, européens notamment et leur fébrilité à renouveler leurs stocks déjà au plus bas.
De son coté, la Russie, qui assure 40% des besoins européens (contre 8% pour l’Algérie), a riposté à la crise créée par les Etats-Unis qui veux empêcher l’achèvement du gazoduc Northstream II qui porte les volumes acheminés vers l’Allemagne via la mer Baltique de 55 à 110 milliards de mètres cubes, souligne l’expert.
Ce déséquilibre imprévu et aggravé par des problèmes géopolitiques est survenu en même temps que des opérations de maintenance en Norvège ainsi qu’un incendie qui a ralenti encore la production (19% des approvisionnements gaziers européens), également les reports de projets de liquéfaction du gaz naturel, selon l’expert.
« La conséquence est un marché tendu et des stocks excessivement bas en Europe totalement dépendante des importations de gaz extracommunautaire. La Norvège, qui fournit, n’est pas membre de l’UE », a -t-il noté.
Selon lui, « le GNL en même temps que les gaz de schiste américains tendent à décloisonner les marchés gaziers, faisant du Bassin atlantique une zone d’arbitrage ».
Dans le même temps, le marché gazier européen, libéralisé sous l’égide de l’Union européenne depuis 1996, voit coexister en son sein des contrats de long terme et des transactions spot de court terme.
Ainsi, le Qatar, premier exportateur mondial de GNL avec 110 millions de tonnes (contre une capacité algérienne de l’ordre de 24 millions de tonnes) et les Etats-Unis, jouent un rôle très actif pour imposer les logiques spots de court terme sur le marché européen.
L’expert a cependant soutenu que le GNL sera le moteur de la globalisation de l’industrie gazière. Sa part dans les échanges gaziers mondiaux sera de 48% en 2030 et 56% en 2050.
« Energie propre, accompagnant naturellement la transition énergétique, la production mondiale de gaz augmentera de 1900 Gm3 en 2050 pour atteindre 5900 Gm3 », a-t-il conclu.
R.E./APS