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Hamch, Medjdoub, Khelladi, la primauté de l’informel coûte un quart d’Algérie aux Algériens

Par Maghreb Émergent
mai 8, 2015
Hamch, Medjdoub, Khelladi, la primauté de l’informel coûte un quart d’Algérie aux Algériens
Algérie Corruption

 

La semaine économique commentée par El Kadi Ihsane.

Le procès de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest a frappé les esprits. Mais que faut- il en retenir d’essentiel ? Le nombre de personnalités citées durant l’audience a contribué à désorienter le public. Autant les affaires de Sonatrach paraissent faciles à comprendre, autant celle de l’autoroute Est-ouest déroute. Pourtant, il y a un substrat commun aux deux cas. Dans le traitement des marchés d’équipements, comme dans la gouvernance des projets, deux chaines de décisions se superposent dans l’Algérie des années Bouteflika. La première est officielle, formelle, et ne décide de rien d’important. La seconde est parallèle, informelle, et décide de tout ce qui est important.

Dans le cas du secteur de l’énergie la chaine formelle passait par Mohamed Meziane le PDG de Sonatrach et ses vice-présidents, exemple Zenasni pour le transport par canalisation et le contrat Saipem. Mais la chaine informelle Chakib Khelil – Réda Hamch (directeur de cabinet de Meziane) imposait le nom des fournisseurs. Les journées d’audience de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest ont finalement montré un système équivalent. Deux chaines de décisions parallèles. A la place de la chaine formelle le tandem Amar Ghoul-Bouchama, son secrétaire général au ministère des travaux publics.

Dans celui de la chaîne informelle les donneurs d’ordre sont restés cachés. Seuls les intermédiaires sont apparus. Avec un point d’intersection entre la chaine formelle et la chaîne informelle : Mohamed Khelladi, l’ancien militaire à qui les clefs du projet le plus cher de l’histoire du pays ont été confiées. Cette éminence grise, qui revendique un quasi titre « d’espion » avec des états de services dans l’intelligence économique notamment, n’était même pas directeur général de l’agence nationale des autoroutes (ANA), maitre de l’ouvrage, mais simplement directeur des nouveaux programmes de l’ANA.

Au bout de 24 heures d’audience à la cour du Ruisseau à Alger, la chaîne informelle s’est éclaircit. Elle est militaire. Amar Ghoul et son directeur de cabinet ont cédé la gouvernance du projet au DRS à travers Mohamed Khelladi. Ce qui s’est déroulé ensuite est une affaire de famille. Interne aux services de sécurité algériens. Chani Medjdoub, l’homme qui était légalement chargé, par son activité officielle en offshore, par les chinois de CITIC de veiller à la bonne avancée de l’exécution du contrat, est également un honorable correspondant. Il aide son pays dans le monde. La chaine informelle algérienne qui pilotait la réalisation de la partie chinoise de l’autoroute Est-Ouest s’est cassée en 2009. Intrusion d’une personnalité lourde du DRS, le général Hassan et de son adjoint. Guerre de réseaux. Les commissions versées pour éviter les goulots d’étranglement sur le chantier n’étaient pas équitablement réparties ? Elles avaient oublié un maillon fort de la chaine ?

Le DRS voulait il vraiment alimenter une caisse noire à l’étranger ? Et dans ce cas là pourquoi le démantèlement de la chaine Medjdoub ? Le procès ne l’a pas dit. Mais il a éclairé sur l’essentiel. Le ministère des travaux publics était un paravent sur le contrat du siècle. Cette primauté de l’informel sur le formel est la grande marque de fabrique de la gouvernance économique algérienne. Il draine un surcoût moyen de 15% à 25% sur les dépenses d’équipement de l’Etat et de ses démembrements. Sans compter les préjudices cachés. Que seul le temps finit par révéler.

 

Les chinois ont consacré un budget de facilitation pour faire avancer leur chantier de l’Autoroute en Algérie. Mais comment ont-ils obtenu le marché ? Cela ne s’est pas fait sans lobbying. La venue de Pierre Falcone, l’homme d’affaire franco-africain, à Alger pour en parler lors d’une mystérieuse réunion le confirme. Falcone traite pour les intérêts chinois sur le continent noir. La question à ce stade est de savoir si l’Algérie a bien fait de renoncer à l’autre option. Celle de la réalisation de l’autoroute en build, operate and translate (BOT). C’est-à-dire en faisant supporter l’investissement à un opérateur ou à un consortium d’opérateurs privés. Le fait est que quatre années d’attente n’ont pas permis d’attirer un partenaire pour réaliser cet ouvrage selon cette formule de la concession. Abdellatif Benachenhou, deux fois ministres des finances sous Bouteflika 1, est celui qui tenait le plus assidument au BOT. Il estimait, encore récemment sur RadioM, que l’Etat Algérien pouvait rendre cette opération plus attractive en apportant gracieusement ou presque les assiettes de terrains, appartenant pour leur plus grande part au domaine privé de l’Etat.

Le basculement, décidé en 2005 par le président Bouteflika, vers la réalisation de l’autoroute sur concours définitifs de l’Etat est difficile à critiquer en soi. L’Algérie avait un besoin impérieux de cette dorsale. Mais la suite devient brutalement opaque. En marge du procès, il s’est dit que des candidats malheureux de l’appel d’offres effarés par le coût de la transaction, sont revenus à la charge. Ils ont proposé au gouvernement algérien de réaliser l’autoroute en BOT. Avec comme argument d’éviter à l’Algérie de dépenser autant que dans l’achat direct de l’équipement. Sans suite. La chaine parallèle était sans doute déjà en route. Les contrats d’équipement en BOT sont ils exonérés de risque de corruption ? Sans doute pas. Il y a pour s’en convaincre qu’à évaluer la dérive de coûts de la centrale électrique de Hadjret Ennous et les suspicions qui pèsent sur SNC Lavalin l’opérateur sur ce site. Mais au moins l’équipement sera aux normes car celui qui le réalise doit l’utiliser pendant plusieurs décennies.

 

La semaine qui commence ce lundi va être décisive pour la Grèce et la zone Euro. Le gouvernement de la gauche radicale de Alexis Tsipras est devant son moment de vérité. Il doit trouver 3 milliards de dollars durant les 15 premiers jours de mai pour faire face aux prochaines échéances de remboursement de la dette de son pays. Et dans le même temps boucler – ou pas – la négociation avec l’Union Européenne pour libérer une tranche de 7,2 milliards de dollars bloquées depuis plus de deux mois pour cause de refus d’Athènes de poursuivre le plan d’austérité tel quel. La solution d’urgence, a été en partie trouvée dans l’épargne institutionnelle interne. Les collectivités locales et quelques 1400 organismes publics ont été « rackettés » par le parlement, les obligeant par la loi, à déposer leurs réserves légales à la banque de Grèce. Une opération que seule la popularité du gouvernement de Tsipras pouvait permettre d’envisager. La solution de plus long terme couve de « petits » renoncements aux promesses électorales. Le gouvernement devra reporter à 2016 l’augmentation du smic et le versement d’un 13e mois aux retraités les plus précaires.

Il devra également verser au remboursement de la dette une partie des recettes des futures privatisations. Ce n’était pas son plan initial. Autre concession tactique, Yanis Varoufakis, l’impétueux ministre des finances grec n’est plus le négociateur en chef. La colère de Bruxelles vis-à-vis de la résistance d’Athènes s’était cristallisée sur lui. Mais, sur l’essentiel, le gouvernement Tsipras tient toujours. Pas d’application de la feuille de route in-extenso des créanciers de la Grèce. Le risque que cela débouche sur le défaut de paiement de la Grèce et sa sortie de l’Euro est un bluff si superbement porté par Athènes qu’il a bien réussit à créer une écoute chez ses partenaires européens. Faire payer la Grèce en lui tenant la tête sous l’eau est peut être mortel pour tous.

 

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