C’est le plus fort taux d’abstention à une présidentielle depuis 1995. Elle explique en bonne partie pourquoi Ali Benflis n’a pas pu capitaliser le choc du quatrième mandat. Elle exprime également l’énorme distance qui existe entre le régime et les Algériens. Bouteflika4 s’engage en plein crise du « système ».
En décidant d’être candidat Ali Benflis avait semblé parié sur l’idée que le président Abdelaziz Bouteflika ne serait pas de la partie et qu’il deviendrait de facto le « plan B » du régime. Il avait, imprudemment selon les observateurs politiques, annoncé qu’il est candidat que Bouteflika soit de la partie ou non. En se privant d’une porte de sortie, Ali Benflis, s’est fâcheusement mis dans la posture du « lièvre » dont l’importance a culminé jeudi à 23H59. Bouteflika étant assuré de l’emporter auprès de l’électorat traditionnel – en gros un quart des inscrits –, les partisans de Bouteflika ont fait le pari ou le rêve de voir bousculer l’abstentionnisme structurel des algériens. C’était la seule option pour faire bouger les lignes. Ali Benflis avait pour adversaire l’équipe de Bouteflika avec ses gros moyens – y compris public – et Louisa Hanoune qui a plus fait campagne contre lui que pour elle-même. Mais il avait également contre lui cette forte tendance à l’abstentionnisme qu’il est difficile d’imputer aux boycotteurs. Mais ces derniers, regroupés autour d’une coordination de partis et de personnalités, ont été une gêne pour la campagne Benflis qui tablait sur une mobilisation de l’électorat au-delà des segments traditionnels en général favorable au régime. Ces segments, malgré le trouble réel causé par l’état de santé du président-candidat, ont globalement voté en faveur de Bouteflika.
Le test significatif de Ngaous
Ali Benflis l’a emporté dans le pays Chaouia sur Bouteflika mais pas de manière significative. A N’Gaous, ville témoin choisie par Maghreb Emergent, Ali Benflis fait 48, 89 % des voix contre 40, 17 % pour Bouteflika. Mais le plus significatif dans le vote de N’Gaous, présumée plus motivée que le reste du pays après les dégâts provoqués par la campagne de Sellal est que l’abstentionnisme est en tête. N’Gaous, avec 42,65%, fait moins que la moyenne nationale de 51,7%. Et il est probable que le taux enregistré à N’Gaous est plus proche du « réel » que celui annoncé officiellement et où l’on semble avoir fait des « efforts » pour passer au-delà des 50%.
Les chiffres « réels » vont compter au sein du régime
L’abstention ne dessert pas en termes de résultats Bouteflika mais elle exprime, par son amplitude officiellement reconnue – on est passé d’un taux de participation de 75% en 1995 à 51,70% en 2014 – une totale insatisfaction à l’égard du régime. Ses rendez-vous électoraux sont boudés et les statistiques officielles, même «boostées », sont obligées d’en tenir compte pour faire « crédible ». Ali Benflis et son équipe ont cru que le choc provoqué par la candidature d’un homme amoindri pousserait les algériens à aller plus nombreux aux urnes afin de ne pas laisser l’électorat acquis décider du sort des élections. Ils ont sous-estimé l’ampleur du rejet du « jeu » politique cadré par le régime. Le quatrième mandat qui a suscité de fortes controverses est fragilisé par un niveau d’abstention officiellement reconnu. Les chiffres « réels » vont compter dans les luttes opaques au sein du régime qui ont débordé avant l’élection avant de s’estomper dans une forme de trêve implicite.