L’adhésion « rapide » à l’OMC ne fait pas l’unanimité en Algérie - Maghreb Emergent

L’adhésion « rapide » à l’OMC ne fait pas l’unanimité en Algérie

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Les organisations syndicales et patronales se sont rebiffées à l’annonce-surprise, de l’accélération du processus d’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

 

En choisissant de faire figurer cette question lors du premier conseil des ministres de son 4ème mandat, le président Bouteflika cherche à faire de cette adhésion, un des grands chantiers du quinquennat, au plan des réformes institutionnelles, en plus de la révision de constitution.

Par contre, des experts et autres personnalités qui se sont exprimés jusque-là sur le sujet, s’interrogent sur l’adoption éventuelle d’un nouveau timing, alors que le pays s’embourbe depuis longtemps dans une phase de « réformes sans changements ».
Pour rappel, l’Algérie s’est engagée dans le processus d’intégration au système commercial multilatéral depuis juin 1987. Dans la réalité, elle n’a présenté son aide-mémoire du commerce extérieur qu’en juillet 1996, pour inaugurer l’actuel cycle des réunions du Groupe de travail à compter du mois d’avril 1998.

Risques sur le consensus interne

Madjid Yousfi, ancien député et enseignant d’économie à la retraite, estime que le nœud du problème, pour le pouvoir algérien, est que « l’accession à l’OMC se heurtera inévitablement aux dispositifs d’allocation et surtout de redistribution des ressources qu’il faudra nécessairement démanteler ». La conséquence immédiate est l’impact sur les équilibres politiques et, voire, la rupture du consensus qui a prévalu jusque-là au plan interne.
Sur le plan sectoriel, le Groupe de travail institué à cet effet, attend un effort particulier et substantiel de l’Algérie dans les domaines des prix pratiqués en interne pour les hydrocarbures, la gestion des entreprises publiques, la fiscalité, et les subventions dans l’agriculture et à l’exportation, pour ne citer que les plus visibles, ajoute-il.
Or, ces domaines relèvent avant tout de réformes internes et non d’un effet mécanique de l’accession l’Organisation mondiale. Le choc d’un relèvement des prix des carburants et de l’électricité et les conséquences d’une concurrence accrue sur ce qui reste du tissu industriel ou des subventions au monde agricole, ne peut être amorti par l’adhésion elle-même. « Et c’est tout le consensus politique qui risque de voler en éclats, » conclut l’économiste.

Même les partisans ne sont pas enthousiastes

Abdelkrim Harchaoui, ancien ministre des finances, n’en dit pas moins, en déclarant s’opposer à une adhésion, dans l’état actuel de l‘économie algérienne, ajoutant que « le niveau de compétitivité de nos entreprises est tellement insuffisant qu’elles ne pourront survivre ».
C’est le même son de cloche chez le Forum des chefs d’entreprises (FCE) et l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), qui appellent à la protection de la production nationale. Pour Amar Takjout, membre de la direction de l’UGTA, celle-ci passe par « des décisions protectionnistes pour certains secteurs, comme le textile ».
A l’exception des partis ou des regroupements répertoriés dans la gauche anti-libérale, qui se prononcent radicalement contre toute adhésion à cette organisation, mais qui n’ont pas accès à suffisamment d’espaces publics de débat pour s’exprimer, les divergences entre les acteurs institutionnels semblent relever plus de la tactique. Pour l’ex-ministre de l’Industrie et des Investissements, Cherif Rahmani, ou l’ex ministre du commerce Mustapha Benbada, l’objectif de l’accélération du processus d’adhésion est de pousser les entreprises algériennes à se mettre aux normes et à être compétitives.
Pour sa part le président du groupe de travail chargé de l’accession de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Alberto D’Alotto, a indiqué le 31 mars dernier à Genève que l’Algérie avait réalisé des « progrès considérables », et qu’elle devrait maintenir son rythme de travail pour atteindre cet objectif.

Mieux vaut des réformes consenties qu’imposées

Cela a évidemment un coût énorme, que les plus sceptiques quant à une adhésion « rapide », préfèrent investir dans des plans concertés de stratégie de développement à long terme, avant d’évoquer l’accession à l’OMC. C’est le point de vue exprimé par le collectif Nabni (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées), qui propose carrément « d’interrompre les négociations en cours dans le but d’engager de manière crédible et irréversible un processus d’ouverture à l’économie mondiale ». Pour ces sceptiques « l’impuissance à se réformer soi-même et de recourir à des contraintes extérieures d’une autorité supranationale pour faire des réformes que nous n’avons pas eu le courage de promouvoir, risque de causer plus de problèmes et d’engager notre économie dans une dynamique négative et durable ». Ajoutant que, jusqu’à présent, l’aisance financière est dirigée pour des compensations à des segments socio-économiques et non pour la conduite d’un processus cohérent de réformes.
Le constat partagé par la majorité est que les conditions même d’un débat pour lever les contraintes qui pèsent sur les choix, ne sont pas réunies, et il semble difficile, au vu du rétrécissement des ressources financières du pays qui pointe dans l’avenir proche, de sonder les raisons de l’annonce de l’accélération du processus d’intégration à l’Organisation mondiale du commerce, près de 30 ans après que l’Algérie ait formulé la demande.

 

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