Intersectorialité, obligation de résultats: Malik Si Mohamed, expert en TIC, évoque les changements nécessaires pour permettre à l’Algérie de prendre le virage numérique.
Malik Si Mohamed, professeur des universités et expert en TIC, est perplexe. L’Algérie réunit les conditions pour développer un modèle numérique avancé, mais elle n’y arrive pas. Les ingrédients sont là, a-t-il déclaré dimanche lors de la matinale de Care à Alger: les investissements sont disponibles, l’infrastructure nécessaire en câble a été posée, la ressource humaine est nombreuse et qualifiée, et la volonté politique existe. Pourtant, “la mayonnaise ne prend pas, constate-t-il.
Faisant le bilan du secteur des TIC sur les quinze dernières années, il rappelle qu’un grand projet, qui “semblait cohérent”, a été lancé au tournant du siècle. Des volets de ce plan ont été menés à bon port, rappelle-t-il. Il cite la mise en place d’un réseau de câble en fibre optique, la téléphonie mobile, l’accès internet. Par contre, des pans entiers constituent un échec pour le secteur: le contenu local pour l’internet, le domaine dz, les services postaux, le téléphone fixe et l’ADSL, ainsi que le développement des centres d’appels et la voix sur IP.
De grands projets lancés en grande pompe ont eux aussi conduit à l’impasse. L’exemple en est offert par le fameux Ousratic, une “fausse bonne idée”, car il ignorait “la réalité du terrain”.
Projets non réalisés
L’ouverture du capital de l’opérateur historique a été annoncée en 2000, pour être réalisée en 2005. Elle a été reportée pour 2006, mais depuis, l’idée a été oubliée.
Les autres ratages sont nombreux. Le FAUDTIC devait financer les projets innovants. En 2013, déjà, il était doté de dix milliards de dinars. Un comité a été mis en place, et le règlement intérieur de cet organisme a été adopté. Pourtant il n’y a toujours rien.
Encore plus ambitieux, le grand projet e-Algérie devait être doté de quatre milliards de dollars US entre 2009 et 2003, sur la base d’investissements exclusivement publics. A l’heure actuelle, il n’y a toujours pas d’avancée significative.
Obligation de résultats
M. Si Mohamed en arrive à tirer quelques conclusions. Il relève que les déclarations d’intention des hauts responsables sont là, elle “ne peuvent être contestées”, mais qu’elles ne suffisent pas. Il faut “passer de obligation des moyens à l’obligation de résultats”. Pour lui, il ne s’agit plus de décider de budgets, mais d’insister sur la bonne exécution des projets pour en vérifier les résultats. Il propose aussi de “sortir des effets d’annonce”, et d’éviter les “bilans quantitatifs”, qui finissent pas ne riens signifier. “Il faut convaincre qu’il y a une autre façon de faire”, dit-il.
Enfin, M. Si Mohamed insiste sur la “transversalité des TIC”. Pour nombre d’acteurs, ce secteur concerne un ministère, qui serait en charge de tout faire. Rien n’est plus faux, pourtant, car les TIC intéressent tous les secteurs, tous les ministères, tous les domaines d’activité. Une rencontre multisectorielle dédiée aux TIC ne concerne, en Algérie, que ce secteur, les représentants des autres domaines d’activité se contentant d’un rôle d’invité.