M.Abdelmadjid ATTAR, qui était hier l’invité de Radio M, ne considère pas du tout que la politique budgétaire mise en œuvre par le gouvernement soit placée sous le signe de la « prudence » ainsi que l’affirmait voici quelques jours le ministre des Finances. Il ne croit pas non plus au redressement annoncé de la production gazière au cours des prochaines années.
Pour l’ancien ministre et ex PDG de Sonatrach, les dépenses des derniers budgets de l’Etat sont basées en réalité sur un baril à 100 dollars et non pas sur le prix de référence de 37 dollars évoqué par le ministre des Fiances, Mohammed Djellab. Abdelmadjid Attar estime qu’ « on devrait boucler l’année 2014 avec un prix moyen du baril compris entre 85 et 90 dollars et que l’année en cours risque de se terminer sur un prix proche de 60 ou 65 dollars avec un mois de décembre catastrophique ». En 2015, l’ancien PDG de Sonatrach estime qu’ « avec un prix moyen du baril qui pourrait être proche de 70 dollars c’est un manque à gagner de 30% qui pourrait être enregistré par la fiscalité pétrolière par rapport aux prévisions de la loi de finance qui vient d’être adoptée ». Il faudra donc selon M.Attar, « puiser très largement dans le Fonds de régulation des recettes aussi bien cette année que l’année prochaine ». A ce rythme, les ressources de ce fonds alimenté par les excédents de la fiscalité pétrolières depuis sa création en 2010 « risquent d’être épuisées en quelques années et on pourrait commencer à avoir des problèmes à partir de 2016 ». Selon M.Attar, le ministre des finances est aujourd’hui à l’aise « par ce qu’il dispose d’un matelas financier pour boucler 2014 et 2015 mais une politique vraiment prudente est une politique qui voit loin et qui élabore des scénarios pour le moyen et le long terme ».
« Pas d’augmentation significative de la production de gaz à moyen terme »
Abdelmadjid Attar exprime le même scepticisme à propos des prévisions du ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, qui évoquait voici quelques mois un redémarrage de la production de gaz et une augmentation de l’ordre de 40% d’ici 2017 ou 2018. L’ancien PDG de Sonatrach qui a « une certaine connaissance des gisements existants et des capacités de production » ne croit pas du tout à ces prévisions pour une série de raisons qui commencent par le fait que « nous avons pris énormément de retard dans la maintenance des grands gisements comme Hassi Messaoud et Hassi R’mel ». Les gisements du bassin de Berkine ont, par ailleurs, « atteint désormais leur plateau de production et on ne pourra pas augmenter significativement leur production à moins de compromettre leurs réserves récupérables ainsi qu’on l’a déjà fait avec Hassi R’mel au cours de la décennie écoulée ». Il ne reste donc plus que les « nouveaux gisements du Sud Ouest », dont on peut attendre un « plateau de production de l’ordre de 16 milliards de m3 mais dont la mise en exploitation est en retard. Elle n’interviendra qu’entre 2015 et 2020 et cette production supplémentaire ne pourra que compenser la baisse de production des anciens gisements ». M .Attar conseille en outre aux responsables du secteur de renoncer au projet de forage offshore au large de Béjaia qui « devrait coûter plus de 50 millions de dollars ». Quand au gaz de schiste, « sans partenariat l’Algérie ne pourra jamais l’exploiter pour des raisons à la fois financières et technologiques ». « On vient juste d’entamer le premier forage et des niveaux de productions significatifs, qui nécessiteront des milliers de forages, ne sont envisageables que vers 2030 pour des volumes qui viendront en appoint à la production de gaz conventionnels », révèle-t-il.
Pour une « politique énergétique globale »
Pour Abdelmajid Attar, la baisse actuelle des cours pétroliers est « un signal et une alerte ». IL faut maintenant que la chute du prix du baril soit un déclic et qu’elle serve enfin à la définition d’une « politique énergétique globale qui n’existe pas encore » et dont les piliers devront être à la fois la consolidation de la production d’hydrocarbures, les économies d’énergies et le développement des énergies renouvelables ». La chute des prix constitue en particulier « une opportunité unique pour prendre des mesures en matière d’économie d’énergie ». C’est le « plus grand gisement dont dispose l’Algérie qui est le pays le plus énergivore du continent Africain et qui pratique, avec la Libye, les prix de l’énergie les plus bas ». « On a attendu 10 ans pour se décider à imposer des quotas d’importation de véhicules GPL. Il faut maintenant agir pour nous rapprocher de la vérité des prix à travers une augmentation progressive et échelonnée qui nous permettra de mieux maitriser la croissance de la consommation et de mettre fin au gaspillage et aux différents trafics », recommande-t-il.
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