L’Algérie sans « Fikra 2016 » scrute encore une embellie dans « le trou d’air » - Maghreb Emergent

L’Algérie sans « Fikra 2016 » scrute encore une embellie dans « le trou d’air »

Alger - palais du gouvernement
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La remontée des cours du pétrole vers les 50 dollars exhume déjà le scénario du « trou d’air »  maitrisable. C’est en gros le scénario Youssoufiste de la gestion du contre-choc pétrolier. Du nom de Youcef Yousfi, le successeur de Chakib Khelil au ministère de l’énergie et toujours conseillé à la présidence de la république, et de l’idée que le budget de l’Etat peut faire le dos rond durant une année ou deux avant de retrouver des niveaux de revenus énergétiques proches de ceux d’avant juin 2014, point de départ de la baisse des cours.

Le pronostic trop rassurant de l’ancien ministre de l’énergie lui a coûté son poste en mai 2015. Depuis le gouvernement a bien compris à ses dépends que le trou d’air est une dépression saisonnière. Elle a déjà laminé le Fonds de Régulation des Recettes (FRR). Elle menace les réserves de change les 24 prochains mois. Mais tout cela demeure maitrisable à l’échelle du temps politique du 4e mandat. L’horizon temporel au-delà de 2019, n’est pas « uploadé » dans les données traitées. Sauf si le gouvernement écoute le professeur Mourad Preure qui a pronostiqué cette semaine sur RadioM un choc haussier d’ici à la fin de la décennie en cours. Pourquoi un tel choc ? Parce que les investissements dans l’industrie pétrolière mondiale se sont divisés par deux entre leur pic de 2013 et maintenant. Leur faiblesse amplifiera donc la remontée des cours lorsque tous les excédents de l’offre auront été épongés d’ici 18 à 24 mois. La théorie du trou d’air passager peut  dilater ou rétrécir son espace temps tous les trimestres. Elle reste vivante. Mais, préviens tout de même Mourad Preure, elle ne protège pas l’Algérie de l’autre danger caché derrière la crise des prix. Celui du déclin historique de l’Algérie comme exportateur net de gaz naturel. Le retour de l’activité complète de Tiguentourine et du train de liquéfaction rénové de Skikda a juste amortie la chute en 2015. Sonatrach n’exporte pas plus de 45 milliards de m3 de gaz naturel par an à comparer aux 85 milliards de m3 prévisionnel pour 2012 avancés par Chakib Khelil en 2007. La faute bien sur à la croissance hors norme de la consommation domestique d’électricité.

Le professeur Preure tire tous les constats : gaspillage énergétique, perte de parts de marché gazier en Europe, empreinte carbone surdimensionnée, effet d’éviction sur le recours aux énergies renouvelables. Mais se refuse, par fidélité à son extraction populaire, à la conclusion qui s’insinue au bout de ce bilan. Pour changer de modèle domestique de consommation d’énergie il faut rendre moins cher l’énergie fossile, dans la génération de l’électricité et dans les transports. Au fonds c’est exactement la même conclusion conservatrice à laquelle se refuse d’aller la gouvernance Bouteflika. Mais pas pour les mêmes raisons que celles, honorables, de Mourad Preure. Il ne faut pas toucher significativement le système des subventions indirectes à l’énergie pour ne pas risquer de déstabiliser la base clientéliste du régime. Dans un tel contexte, l’idée d’un trou d’air des prix pétroliers de deux ans et demi qui finirait fin 2017 par un choc haussier va avoir beaucoup de supporters dans l’entourage présidentiel. Il est donc possible de tenir encore un peu. Sans rien sacrifier d’essentiel. Surtout pas le droit à gaspiller du carburant et de l’électricité générée par le gaz. Il y a certes eu une première hausse de l’un et de l’autre dans la LF de 2016. Elle n’a jamais été clairement présentée sur une trajectoire budgétaire de trois ou de cinq ans comme un plan de réduction durable de la subvention. Tout va donc continuer de dépendre de la lecture de la conjoncture pétrolière trimestre après trimestre. Et tourner le dos au pronostic de moyen terme : avec cette croissance de la consommation énergétique l’Algérie cessera d’exporter du gaz naturel dans 12 à 15 ans.

C’est une donnée essentielle dans le management stratégique qu’enseignent toutes les hautes écoles de commerce. Lorsque le marché se retourne négativement que les ventes et le chiffre d’affaires d’une entreprise baissent, il ne faut surtout pas céder à la tentation la plus commune chez les managers ;  couper dans les dépenses de communication. L’Algérie n’a jamais eu de budget de communication pour traiter de son image. Cela s’observe régulièrement lorsque des étrangers arrivent pour la première fois à Alger et sont, immanquablement ébranlés par la beauté de la ville, et le peu de publicité qu’ils ont rencontré sur cette beauté. Mais le pays a commencé à chercher à changer timidement son image sinistrée depuis que l’évènement Fikra s’y est attelé en 2013.  Le grand-messe qui invitait par centaines des VIP nationaux et mondiaux à venir disserter ou écouter l’Algérie qui rayonne, a subit le contre choc pétrolier. Pas de Fikra avec un baril à 45 dollars. Les sponsors de Fikra, privé et parapublic ont fait l’inverse de la recommandation des écoles de commerces. Ils ont coupé dans la communication. Pourtant le gouvernement prétend hisser le tourisme au rang de priorité dans la politique de diversification. Sa politique des évènements n’a pas changé d’un iota. Ils sont quasi systématiquement évincés d’Algérie. Même lorsqu’ils sont « amis » comme Fikra. Que dire alors du Forum Social Maghrébin qui devait tenir des journées d’études sur les mouvements migratoires et qui s’est vu refuser, à travers le CLA, l’autorisation de tenir cette activité à Bejaia l’été prochain. Le Maroc l’accueillera. Le gouvernement maintien toujours l’Algérie en mode fermeture au monde, lorsqu’il s’agit du mouvement des personnes. De ce point de vue, au moins de celui là, Amar Saadani a tort. Bouteflika n’a pas libéré les algériens de la main mise du DRS. Ils se rejoignent  sur le dossier.  

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