La semaine économique commentée par El Kadi Ihsane.
Le taux du change du dinar algérien vis-à-vis de l’Euro ne connait pas la crise de la baisse du prix du pétrole. La courbe sur les 90 derniers jours du taux de change officiel du dinar est implacable. Le dinar résiste face à l’Euro. Il fallait 106,12 dinars pour acheter un euro au début de la période (le 02 mars dernier), il en faut 109,26 en fin de période (le 31 mai). Cette dépréciation de la parité du dinar est restée contenue sous les 4% sur toute la période de l’année, si l’on élargit temporellement l’analyse. L’Euro valait 104,64 dinars le 04 juin 2014. Un accès de faiblesse de la monnaie algérienne à la mi-mai a laissé penser que la tendance à un fléchissement du dinar était engagée. En fait non. Le dinar a rebondit après un plus bas à 112,19 dinars pour un Euro, le 16 mai dernier. Le fixing de la banque d’Algérie continue donc à pondérer l’évolution de la parité Euro-Dollar et celle de la balance des paiements. La forte hausse du dollar face à l’Euro depuis huit mois a protégé le dinar d’une plus forte dépréciation face à l’Euro. Le dinar baisse, mais beaucoup plus lentement que ce que pourrait exiger l’entrée de l’économie algérienne dans un cycle de déficits commerciaux. Le nouveau ministre des finances Abderrahmane Benkhalfa est favorable à un ajustement de la valeur du dinar à la baisse qui contribuerait à éliminer le gap entre taux officiel et taux parallèle, et à réduire les importations en les rendant plus chères. Il arrive sur un chantier du dinar quasiment à l’arrêt. Sous le poids constant du désir présidentiel de protéger les Algériens de l’inflation importée. Le baril du pétrole a perdu 45% de sa valorisation sur la période des 8 huit mois. Mais, l’évolution du taux de change officiel du dinar sur la période récente montre que cela est resté sans impact significatif sur sa valeur. C’est le premier verrou à la manœuvre pour le nouveau ministre des finances. En un mot, Mohamed Lasksaci, le gouverneur de la banque d’Algérie a consigne inchangée. La valeur du dinar est pilotée selon l’injonction politique tendancielle. C’est-à-dire comme une subvention à la consommation. Qu’est ce qui permet de l’affirmer ainsi ? La valeur du dinar sur le marché parallèle. Comme toujours. Le second verrou est plus classique. Il a été reconduit cette semaine par le premier ministre. Sellal a installé, la semaine dernière, la nouvelle gouvernance du secteur de l’énergie avec comme consigne de ne pas toucher au prix du carburant. Le nouveau ministre de l’énergie Salah Khebri avait pourtant fait des économies d’énergies son premier chantier. Tout comme Benkhalfa voulait rétablir une part de prix de marché dans les leviers de l’économie. Dinar et subventions énergétiques, deux verrous qui ne peuvent sauter qu’avec un discours politique porté et assumé. Dans le bien de la diversification économique et de la croissance soutenable. Personne ne veut s’y coller, même pas Amara Benyounes, libéral au MPA d’avant son retour au gouvernement, reproducteur du statut quo rentier au gouvernement depuis.
Deux productions dans les médias éclairent cette semaine l’échec et l’espoir d’en apprendre quelque chose. La première est celle de Abdelhamid Temmar sur TSA. Elle est psychédélique. L’homme qui a passé 11 années dans les départements les plus sensibles de la gouvernance économique des années Bouteflika revient pour expliquer son échec. Inefficience des entreprises publiques, avortement des privatisations, niveau insignifiant de l’investissement productif, très faible attractivité pour le capital étranger, collapse de la réforme du secteur financier, imprévoyance face à l’après pétrole : sur le ton de la jérémiade, le bilan que fait Temmar des années Temmar, est juste à pleurer de rage. C’est la faute au système. Plus fort que les hommes. Dans la même semaine une alerte documentée. De la meilleure des factures. Elle est signée Nabni, déjà dans la séquence d’après. La pyramide démographique algérienne est entrain de vite s’aplatir. Près de 7 millions d’Algériens auront entre 60 et 79 ans en 2030. Ils n’étaient encore que 2,8 millions en 2013. 14% de la population totale. L’Algérie n’est pas du tout préparée à ce choc gérontologique. Pas dans la disposition du gouvernement de regarder la vieillesse et la maladie autrement que comme des tares institutionnelles immédiates. La note publiée par Nabni, le think tank indépendant, siffle comme un boulet qui arrive. De pas très loin. 2,2% des Algériens auront plus de 80 ans dans à peine 35 ans. La population de bien des pays. Elle sera en grande partie en situation de perte d’autonomie ou d’handicap. Le dispositif de la prise en charge n’est pas là. Même pas pensé. Le lien entre l’alerte de Nabni et Abdelhamid Temmar ? Le second a quitté le gouvernement en 2012, lorsque le premier avait alerté déjà depuis un an du scénario économique qui se déroule aujourd’hui. Et sur lequel Temmar s’alarme, enfin. L’écart temporel entre Nabni dans l’anticipation et Temmar dans le constat des dégâts, c’est exactement l’écart entre le potentiel de l’Algérie jeune et inventive et la performance de la gouvernance Bouteflika, défaite et passéiste.
Le premier événement de la semaine est peut être entrain de se nouer pendant la rédaction de cette chronique. Solar Impulse 2, l’avion révolutionnaire qui vole avec seulement le soleil comme carburant est entrain de traverser l’Océan Pacifique. 8500 kilomètres entre Nankin (Chine) et Hawai. Le test de vérité de son tour du monde entamé le 9 mars dernier d’Abu Dhabi. Le pilote suisse André Borschberg devra tenir six jours et six nuits de suite seul aux commandes. Les lobbyistes du carbone vont rire du Charles Lindbergh du solaire. 130 heures dans un cockpit minuscule sur un siège dont il ne pourra pas bouger pendant 130 heures à une vitesse moyenne d’environ 100 kilomètres à l’heure. L’apport des 17000 cellules photovoltaïques qui alimentent les 04 moteurs de Solar Impulse 2 dépendra de la météo. C’est d’ailleurs pour trouver la meilleure fenêtre météo que le vol historique au dessus du Pacifique a du être retardé plusieurs fois depuis le 21 avril. Cela fait un long chapelet de tares pour cette expédition scintillante. C’est ce qui oblige André Borschberg à garder un parachute et un canoë à portée de main. Pourtant, qui peut jurer que l’aventure de Solar Impulse 2 n’est pas le grand moment mystique d’une nouvelle ère technologique de l’énergie et des transports ?
(*) Article publié sur le quotidien El Watan du 1er juin 2015