Où en est l’économie égyptienne alors que le président-maréchal al-Sissi est en passe de rempiler pour un second mandat (aucun suspense en la matière) ?
Un chiffre résume la situation : 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. C’est pratiquement un Egyptien sur deux. Et encore, cette statistique est-elle contestée car de nombreux économistes estiment que le taux réel de pauvreté est de 60%, notamment en raison de l’appauvrissement des niveaux inférieurs des classes moyennes.
Dévaluation de la livre
De fait, depuis les événements de 2011, l’économie égyptienne a subi plusieurs coups de boutoir qui ont sapé le pouvoir d’achat de ces classes moyennes. De grands investissements internationaux ont été reportés ou gelés, et le tourisme a été durement touché, notamment après les attentats de 2015. Cela a eu un impact direct sur les centaines de milliers d’emplois informels liés au secteur sans compter le fait que de nombreux hôtels (Nil, Sinaï) ont été obligés de mettre une partie de leur personnel au chômage technique.
La baisse du tourisme et les incertitudes politiques ont eu un effet direct sur la balance des paiements du pays mais aussi sur la valeur de la monnaie. La livre a subi un mouvement de dévaluation d’envergure qui a heurté de plein fouet les ménages d’autant que ces derniers ont subi une importante inflation (35% pour certains produits de base en 2017). Dans ces conditions, la préoccupation essentielle de nombre d’Egyptiens n’est pas la vie politique – laquelle est verrouillée comme cela n’a jamais été le cas depuis le début des années 1980 – mais l’économie. Au-delà des questions de libertés individuelles et de répression de tout type de contestation (pas uniquement celui représenté par les Frères musulmans), ce sont donc les questions économiques qui pèsent sur la société égyptienne. Et c’est sur cela que le président Sissi sera jugé.
Le pays est d’ailleurs sous thérapie du Fonds monétaire international (FMI) lequel a octroyé 10 milliards de dollars en échange d’un grand plan d’ajustement structurel. Cela permet au Caire de rétablir quelques grands équilibres macro-économiques (équilibre budgétaire, balance des paiements, réserves de change) mais sans pour autant que la population ne constate une amélioration de sa situation. Pire, la suppression des subventions pour certains produits de base a créé de nouveaux déséquilibres ce qui oblige l’armée qui possède une partie des installations économiques et industrielles (comme les boulangeries) à compenser les effets de cette suppression pour garantir la paix sociale.
Modèle économique à trouver
A bien y regarder de près, l’Egypte espère renouer avec les effets bénéfiques de sa rente. Ici, il ne s’agit pas de pétrole ou de gaz (même si le pays possède désormais d’importants gisements en offshore qui vont lui assurer une aisance financière nouvelle et une indépendance énergétique plus marquée) mais de tourisme. Au-delà des discours récurrents sur les grands investissements étrangers (pays du Golfe, Chine, Turquie) et des attentes à propos des nouvelles villes à construire, les dirigeants égyptiens espèrent surtout que le redémarrage du secteur touristique permettra une embellie sociale. On renoue ici avec une vision qui prévalait sous le président Hosni Moubarak. Le tourisme d’abord, le reste ensuite. Le reste ? Le modèle demeure à définir pour que le pays offre des emplois à une jeunesse dont seule une infime partie est dans la vie active (le taux de chômage officieux est de 40%).