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Finances

L’Etat algérien aura besoin d’offrir plus de 5% sur 3 ans pour lever des fonds – Lies Kerrar

Par Saïd Djaafer
mars 5, 2017
L’Etat algérien aura besoin d’offrir plus de 5% sur 3 ans pour lever des fonds – Lies Kerrar

 

 

Lies Kerrar, expert financier et président de Humilis Finance revient dans cet entretien sur l’annonce du ministre des Finances du lancement d’un emprunt sans intérêts. C’est, estime-t-il, plus une réflexion générale qu’une décision du gouvernement. Mais l’échéance et le niveau de rémunération sont déterminants.

 

 

Le gouvernement va lancer au mois de mai prochain un emprunt obligataire sans intérêt. Quelles sont les chances de « réussite » de cette opération, après le bilan mitigé pour ne pas dire l’échec de l’emprunt obligataire « classique » de 2016 et de la mise en conformité fiscale ?

 

Je ne suis pas sûr que l’on puisse considérer cela comme une annonce ou une décision du gouvernement, cela ressemble plus à une réflexion générale. En effet, il n y a pas de réponses aux questions fondamentales que l’on se pose. Quelle est la destination du l’emprunt obligataire ? S’agit-il de financer le déficit du budget 2016 (dépenses de fonctionnement et dépenses d’équipement) comme l’a été l’utilisation finale de l’emprunt obligataire de 2016 ? S’il s’agit uniquement de financer les dépenses d’équipement, comment seront financées les dépenses de fonctionnement ? Enfin, les caractéristiques de l’emprunt et la forme de « participation  » n’ont pas été clarifiées.

 Après, s’il s’agit de discuter de la capacité de l’État à lever des fonds sur le marché local (des dinars), il n’y a pas de doute là-dessus. Il ne faut pas oublier que c’est l’Etat qui imprime la monnaie, le dinar.  Et des obligations de l’État, c’est aussi du papier émis par l’État. C’est donc juste une question de bien savoir faire cela « professionnellement » en termes de structuration, communication et mise en œuvre. Et naturellement la structure doit être adéquate. Il faut, notamment, rémunérer adéquatement le placement. Si ça ne marche pas, c’est que l’on a bricolé dans la structure, communication et/ou mise en œuvre.

Dans tous les cas, l’échéance et le niveau de rémunération sont déterminants. Il ne faut pas se raconter d’histoires. L’État fait des déficits qu’il a besoin de financer. Il empruntera donc cette année, comme il l’a fait l’année dernière, et aura vraisemblablement besoin d’emprunter encore en 2018 et 2019. L’État aura donc vraisemblablement besoin d’offrir des taux d’intérêts ou autres formes de rémunération de plus en plus élevés. Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra vraisemblablement offrir plus que 5% sur 3 ans pour lever des fonds.

 

S’agit-il selon vous de répondre à des préoccupations d’ordre religieux des déposants ou de faire réellement participer le citoyen à la réalisation des projets d’infrastructures et au partage des bénéfices qui en découleraient ?

 

Rien n’indique qu’il y a une demande substantielle de produits similaires à des obligations mais structurés différemment. Mais pourquoi pas ? Il serait sage de faire d’abord une petite opération pilote, en faisant par exemple émettre du papier « participatif » à Sonatrach pour tester le marché. Il est possible aussi probablement qu’il y ait des projets d’infrastructure du budget d’équipement 2016 qui sont susceptibles  de générer des rendements sur le capital investi de 7% à 15%, un rendement qu’exigerait l’épargne sollicitée.

 

Mais, il ne faut pas oublier que dans ce cas, si on veut structurer du financement « participatif », il faut pouvoir juridiquement transférer la propriété des actifs à la masse des épargnants souscripteurs et surtout se plier aux exercices de transparence nécessaires pour faire appel à l’épargne. Mais vu que de simples opérations d’ouverture du capital en Bourse de sociétés publiques, annoncées depuis plus 6 ans n’ont pu à ce jour se concrétiser, il est permis de douter de la capacité à mener de telles opérations d’ici le mi de mai.

 

Ce qui est urgent et important pour l’Etat cette année, c’est de trouver des sources de financement pour son déficit budgétaire.  La solution n’est pas dans un grand emprunt obligataire avec des annonces solennelles comme ce qu’on a vu pour 2016. Les besoins pour l’Etat de recourir à l’emprunt sont récurrents et non ponctuels.

 

C’est donc une équipe spécialisée qui doit se mettre en place pour venir sur le marché régulièrement (chaque semaine) et lever des fonds. C’est cette façon qui permet de moduler les taux d’intérêts en fonction du marché. Si on n’arrive pas à lever beaucoup de fonds à 3 ans cette semaine à 6%, on essaie la semaine suivante à 7%. Je le répète, il n y a aucune raison de penser que l’Etat ne puisse pas emprunter en dinars car c’est lui qui imprime la monnaie. Il faut juste qu’il trouve les conditions de marché et émettre à ces conditions.

 

Quelle est dans ce cas la nature de ces projets qui vont rapporter de l’argent à l’Etat et comment va s’articuler cette opération d’emprunt participatif ?

 

Cela dépend de quoi il s’agit. S’il s’agit de financer le déficit budgétaire 2016, dont une bonne partie vient du budget de fonctionnement, il va falloir avoir de l’imagination pour structurer ça en produits « participatifs ». Mais ce n’est pas totalement impossible.  Pour le budget d’équipement, cela peut être structuré projet par projet. Il faut identifier les projets correspondants, avoir des études de faisabilité complétées, avoir une bonne idée de la performance de l’exploitation de l’actif correspondant, et à ce moment-là commencer le travail de structuration financière et juridique pour émettre des titres participatifs. C’est plus exigeant et plus sophistiqué que de financer des infrastructures sur budget du Trésor. Mais c’est faisable.

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