L’abrogation de l’article 87 bis, qui bride le salaire minimum en Algérie en y intégrant les primes, a été reportée à 2015. Une demi-concession en contexte électoral qui permet d’attendre. La veille de la tripartite, la Banque d’Algérie, à la suite d’autres experts, avait mis en garde contre une nouvelle fuite en avant dans la distribution de la rente.
Les marges de manœuvres financières de l’Etat algérien se réduisent dangereusement. C’est ce que répètent les experts. Un avertissement qui a reçu, une fois de plus, le renfort du rapport de conjoncture de la Banque d’Algérie pour l’année 2013. Son message est net : la politique macroéconomique mise en œuvre depuis l’année 2011 a conduit en 3 ans à la disparition complète des excédents de la balance des paiements. L’Algérie est ainsi passée d’un excédent de 20 milliards de dollars d’excédent en 2011 à 12 milliards en 2012 pour arriver, comme l’indique la Banque d’Algérie à une situation de « quasi équilibre » en 2013. Les causes immédiates de cette évolution sont connues. D’un côté, une baisse de plus de 10% des recettes d’exportations d’hydrocarbures qui passent de 70 milliards de dollars en 2012 à un peu plus de 63 milliards l’année dernière. Un recul qui n’est d’ailleurs pas dû aux cours du baril qui sont restés élevés en 2013 (109,5 dollars).
Les vraies causes de la réduction sensible des volumes exportés, en liaison probable avec les événements de Tiguentourine intervenus en janvier 2013. Mais ce grave incident n’a fait qu’accentuer une tendance déjà à l’œuvre depuis six ou sept ans. L’autre cause est une croissance des importations, qui bien que ralentie par rapport aux dernières années, est restée encore proche de 7% en 2013. Les importations de marchandises (fob) ont ainsi dépassé 55 milliards de dollars. Compte tenu de nos importations de services,« stabilisées » autours de 10 milliards de dollars, et de transferts de capitaux élevés réalisés essentiellement par les associés de Sonatrach, les excédents financiers quelquefois considérables réalisés par l’Algérie au cours des dernières années ont donc complètement fondu en 3 ans .
« Pas soutenable » !
Mohamed Laksaci, le Gouverneur de la Banque d’Algérie n’a pas fait mystère de la détérioration rapide des équilibres financiers extérieurs et avertit : l’augmentation des importations « n’est pas soutenable ». L’évolution de la balance extérieure courante au cours de l’année 2013 « confirme la vulnérabilité de nos paiements extérieurs à toute contreperformance des exportations d’hydrocarbures ». Le rapport de la Banque centrale souligne également que « le fort amenuisement de l’excédent du compte courant extérieur interpelle sous l’angle de la capacité d’exportations d’hydrocarbures en volume.
De plus, les efforts de promotion des exportations hors hydrocarbures ne semblent pas produire pleinement les effets escomptés, malgré les mesures prises en 2011 par la Banque d’Algérie alors que les réalisations en termes de substitution aux importations sont bien en deçà des attentes ». La Banque d’Algérie a en quelque sorte cadrer le contexte financier de la tripartite qui s’est tenue dimanche. Abdelmalek Sellal, a fait dans le grand écart. L’Algérie, a-t-il affirmé, restera un pays « démocratique et social » et défendra ceux « qui gagnent le moins sans toutefois créer des obstacles à ceux qui gagnent le plus en contribuant au développement de la Nation conformément à la loi ».
Enjeux financiers pour une tripartite « sociale »
Mais la question du jour était l’abrogation de l’article 87 bis qui semblait acquise pour cette tripartite, selon les déclarations du SG de l’UGTA, M. Abdelmadjid Sidi Said. L’économiste Abdelhak Lamiri, invité à cette édition de la Tripartite, a donné une idée de son cout. L’abrogation de l’article 87 bis aurait pour conséquence, selon lui, « une augmentation de 10 à 20% de la masse salariale des entreprises ». Autre effet de cette abrogation : une hausse de l’inflation qui pourrait aller jusqu’à 20% en deux ans et un nouveau gonflement des importations. Tout simplement, explique l’économiste, parce que « 70 à 80% des biens consommés en Algérie sont importés ». Ces mises en garde convergentes ont probablement joué dans la formulation prudente du communiqué de la Tripartite au sujet de l’article 87 bis. On donne satisfaction à l’UGTA, engagée dans le soutien au 4ème mandat, mais les formes et le contenu de l’abrogation de l’article 87 bis, en 2015, restent encore à déterminer.
Le communiqué note que la question de l’article 87-bis a « fait l’objet d’un échange serein et responsable entre les différentes parties » et il a « été décidé de l’abroger, et de rédiger une nouvelle définition, en concertation avec les partenaires sociaux, à la faveur de la loi de finances 2015 ». Cette « nouvelle approche permettra de consolider un revenu minimum et de rattraper les salaires des travailleurs des basses catégories professionnelles et donnera, aux entreprises, plus de flexibilité pour mieux rétribuer les rendements des travailleurs. » souligne le communiqué. Outre l’insistance sur le fait qu’on est devant une revendication « portée par l’UGTA », le renvoi à 2015 laisse entrevoir que le resserrement des contraintes financières est bien pris en compte par le gouvernement .