Les entreprises cotées à la Bourse d’Alger continuent à concevoir la communication financière comme une corvée annuelle, qu’elles délèguent aux services comptables, alors qu’elles peuvent l’exploiter pour faire reluire leur image et mieux intéresser les investisseurs à leurs titres. Cela explique en partie l’immobilisme de leurs titres et aussi de la Bourse.
Le changement du statut des entreprises entrées à la Bourse d’Alger ne les a pas incitées à modifier la nature de leur communication financière ni dans son objet ni dans la nature des publics auxquels elle est destinée. La Bourse d’Alger n’a ainsi pas réussi à s’ouvrir sur l’actionnariat populaire et continue à être perçue comme une affaire d’initiés. Et au même titre que ces entreprises censées être soucieuses de leur image, la Société de gestion de la bourse des valeurs mobilières (SGBV), qui a pour mission de mettre en place les dispositifs opérationnels et techniques nécessaires aux transactions sur les valeurs mobilières admises en bourse, ne produit pas suffisamment d’informations en la matière. On ne connaît pas le nombre de porteurs de titres ni celui des actionnaires individuels ni de quoi est composée la structure de l’actionnariat des entreprises qui ont ouvert leur capital. Aucune information de ce genre n’est non plus disponible dans les rapports d’activité publiés par ces entreprises.
Point de publicité financière
Aucune entreprise ne fait la promotion de ses actions, et depuis les campagnes de préparation de leur entrées en bourse, aucune publicité pour la vente de ces actions n’a été recensée. Aucun effort n’a été consenti pour assurer la carrière de ces titres.
La publicité financière, qui constitue un investissement pour l’animation des titres et devrait, de ce point de vue, assurer les flux quotidiens d’informations financières, est inexistante. Partout dans le monde, la promotion d’actions représente une manne importante pour les médias, notamment la presse écrite, qui constitue le support privilégié des agences de communication financières. C’est un métier à inventer en Algérie, où cette promotion se fait seulement dans le cadre d’opérations majeures comme l’entrée en bourse.
Alliance Assurance et SNC Rouiba, deux titres, des fluctuations irrationnelles
La communication financière est beaucoup plus qu’un outil à l’usage des professionnels : elle participe à la stratégie économique globale de l’entreprise. Or, une action est un produit et elle a besoin, à ce titre, de communication ; son cours dépend, en partie, de l’image de l’entreprise et de son capital-confiance. On ne peut, à l’évidence, apprécier l’image financière d’une entreprise distinctement de son image institutionnelle.
Le litige ayant opposé le Groupe Tahkout à Alliance Assurances, à titre d’exemple, a plombé le titre de cette dernière en dépit de sa santé financière. Les accusations fâcheuses échangées entre les deux parties, par médias interposés, ont altéré l’image de cette compagnie d’assurance. Et sa réaction, après la publication de ses résultats consolidés, n’était pas pour rassurer les porteurs de titres. Au lieu de leur vendre un futur meilleur, son patron Hassen Khelifati a plutôt brandi la menace de se retirer de la Bourse. L’autre exemple est celui de SNC Rouiba. Les coups de gueule fracassants de son patron Slim Othmani (le dernier en date a eu lieu dans la foulée de sa démission du Forum des chefs d’entreprises en signe de protestation contre le soutien de cette organisation à la candidature du président Bouteflika à un 4e mandat ) ne sont pas pour attirer de nouveaux acheteurs dans un pays où les affaires sont tributaires de l’appui politique. Cela explique aussi la stagnation de son titre. Car, si les deux entreprises jouissent d’une bonne santé financière et font un petit effort marketing, les décisions des acheteurs ne reposent pas exclusivement sur des critères rationnels. Elles sont aussi le fruit de comportements, d’intuitions et d’opinions fondés sur l’avenir de l’entreprise. L’enjeu de la communication financière représente en effet, cette marge d’appréciation entre la valeur actuelle et celle anticipée d’un titre.
El Aurassi et Saidal : aucun effort marketing
L’environnement financier n’a pas connu des bouleversements majeurs depuis la création de la Bourse d’Alger en 1997 où à peine quatre entreprises sont cotées. En ce qui concerne El Aurassi et Saidal, on n’a pas fini avec les communications noires de chiffres et les rapports d’activités austères dans lesquels s’entassent bilans et comptes d’exploitation, qu’on insère dans la presse une fois tous les douze mois.
Ces deux entreprises se contentent d’annonces légales qui n’intègrent aucune information sur la stratégie de l’entreprise et il n’en résulte qu’une communication grise, rébarbative ne touchant qu’un public d’initiés. Elles n’ont toujours pas compris qu’on ne peut se contenter d’un placard gris pour annoncer ses résultats et qu’il faudrait exploiter la fenêtre de cette communication financière née d’une obligation légale pour expliquer leurs stratégies, offrir des indicateurs de sa mise en place et donner des gages pour l’avenir. L’on ne sent aucune liberté dans les contenus de leurs rapports les plus récents remontent à plusieurs années. Elles raisonnent en termes d’obligation et non pas de stratégie, se contentant pour l’édition de ces rapports des informations réglementées. Elles n’y n’incluent pas de données pouvant paraître pertinentes pour leurs images et ne font aucun effort pour vulgariser l’information, s’adressant dans le même langage à tous leurs publics, aussi bien aux investisseurs institutionnels et aux analystes financiers qu’aux journalistes et petits porteurs de titres.