A la veille d’un 12ème congrès qui pourrait s’annoncer houleux, la direction de l’UGTA veut être créditée du succès remporté grâce à l’abrogation de l’article 87bis et faire oublier un projet de code du travail fortement décrié.
Le projet de code du travail n’a pas été soumis à le tripartite du 18 septembre pour ménager la direction de l’UGTA à la veille de la tenue d’un congrès où l’instance dirigeante sortante veut verrouiller le jeu. Selon un cadre de cette organisation les partisans de Sidi Said ont fait le pied de grue devant la chefferie du gouvernement tout au long de la semaine ayant précédé la réunion du 18 septembre pour évacuer de l’ordre du jour des travaux de cette tripartite toute discussion sur le projet avant la tenue du 12ème congrès de l’ex syndicat unique qui doit entériner un mandat supplémentaire pour son inamovible secrétaire général.
Tollé général
Le tollé général suscité dans les rangs des syndicalistes après que les services du ministère du travail aient rendu public le projet de code tant attendu risquait de mettre le feu aux poudres d’autant que plusieurs structures de base sont pour la liberté de candidatures lors du prochain rendez-vous national organique de l’organisation syndicale. Lors de la réunion du bureau de la fédération des textiles et cuirs, les syndicalistes membres de la commission tripartite qui a planché sur la redéfinition des lois sociales ont été descendus en flammes ; ils sont notamment accusés de n’avoir «pas respecté le mandat qui leur a été confié pour les négociations».
Pour rappel c’est lors de la tripartite des 03 et 04 mars 2005 qu’a été instituée une commission tripartite (UGTA Gouvernement Patronat) pour plancher sur les amendements des textes en vigueur dans les domaines des relations de travail, de l’exercice du droit syndical, l’exercice du droit de grève et le règlement des conflits individuels et collectifs. Le texte tant décrié est le fruit de multiples réunions auxquelles ont été associés des représentants de la centrale syndicale. Achour Delli, secrétaire national de l’UGTA a présidé nombre de ces rencontres. La copie rendue publique la semaine dernière n’est donc pas sortie d’une officine comme le suggère Amar Takjout de la direction de l’UGTA ou d’un centre étranger comme l’affirme Louisa Hanoune.
Une «reddition totale»
Pour les animateurs du CNSR (Comité national de sauvegarde et de réappropriation de l’UGTA), «la réddition de l’équipe de Sidi Saïd est totale et sans aucune contrepartie». «Avec un tel texte, l’employeur peut licencier tout travailleur qui participe à une grève du moment qu’il est fait obligation d’assurer le service minimum sans autres précisions que de se soumettre à toute réquisition des autorités compétentes pendant la période de grève et dès lors que l’entrave à la liberté du travail est inscrite dans la catégorie des fautes graves» ajoutent-ils.
Sur un autre plan la victoire claironnée avec la suppression de l’article 87 bis a été de courte durée. Le projet de code du travail réintroduit dans son article 130 un dispositif presque identique en stipulant que : “Le salaire national minimum garanti comprend le salaire de base, ainsi que les primes liées à la production, au rendement et aux résultats du travail.
Les primes et indemnités exclues du contenu du salaire national minimum garanti seront définies par voie réglementaire.” Dans ces conditions, non seulement le nombre de travailleurs qui seront touchés par un réajustement de leur salaire sera réduit mais les augmentations de salaire risquent d’être dérisoires. Le nombre de 4 millions de travailleurs avancés par l’instance syndicale semblant loin de refléter la réalité.
Pour le CNRS rejoint à présent par de nombreux cadres syndicaux à l’image de Aissa Nouasri, ex secrétaire national «c’est un code pénal-bis et les nouvelles conditions de l’exercice du droit syndical, introduites par le nouveau texte ainsi que la précarisation de l’emploi par la généralisation du Contrat de travail à durée déterminée (CDD) vont, à terme, expulser le syndicat – y compris UGTA- de la plupart des entreprises et des administrations».
Un 12ème congrès décisif
En désertant le terrain syndical au profit des copinages politiques, l’actuelle direction de l’UGTA a pris le risque d’avoir lié dans une large mesure son sort aux calculs de l’exécutif. La réduction des recettes tirées des hydrocarbures, la volonté affichée d’accélérer l’adhésion à l’OMC ne sont pas de nature à envisager une souplesse des pouvoirs publics quant à la politique salariale ou sur le contrôle de l’activité syndicale. La dépense publique et les transferts sociaux colossaux mis en œuvre pour maintenir, la paix sociale paraissent en outre avoir atteint leurs limites. Assistera-t-on à un sursaut des militants syndicalistes pour préserver leur outil de lutte dans une période qui s’annonce plus difficile pour l’économie du pays ? Le 12éme congrès risque d’être décisif pour l’avenir de l’organisation syndicale historique.