Tandis que Londres tente de s’imposer comme l’une des capitales mondiales de la finance islamique, celle-ci gagne quelques points en France.
Depuis quelques semaines, les sociétés« Swiss Life » et « Vitis Life » ont mis en place dans l’hexagone, deux contrats d’assurance-vie qui respectent les préceptes de la loi islamique, bien qu’à l’heure actuelle, le nombre de personnes ayant souscrit n’est pas encore très élevé. Le contrat « Salam », géré par « Casa4Funds », un spécialiste de la gestion islamique, est effectif depuis l’automne dernier chez « Swiss Life », avec une mise minimum de départ fixée à 3 000 euros. Quelques 200 contrats ont tout de même été signés en quelques semaines, surtout auprès de professionnels libéraux, de cadres, de chefs d’entreprise et de joueurs de foot, avec des versements libres de 50 000 euros en moyenne.
Des fonds sans rendement
Du côté de « Vitis Life », une compagnie luxembourgeoise propriété d’investisseurs qataris, les résidents en France peuvent, pour la première fois, souscrire au contrat « Amâne Exclusive Life ». Cinq fonds sont disponibles, gérés par « Amundi », « BNP Paribas », « HSBC », « Templeton » et « Oasis ». Y sont accessibles des fonds monétaires islamiques, des certificats d’investissement islamiques (les « sukuks »), des actions, et des gestions diversifiées.
Ces assurances vie respectant la Charia ont plusieurs particularités par rapport aux autres : leurs fonds en euros ne créent en retour aucun rendement. Et pour accumuler des gains et maintenir au minimum le pouvoir d’achat de l’épargne, les souscripteurs doivent placer leurs économies dans une ou plusieurs « unités de compte », notamment des SICAV et des fonds communs de placement. Elles «sont elles mêmes gérées selon les principes éthiques de la finance islamique », explique Bastien Perrine, responsable en France de « Vitis Life ».
Des placements « hallal compatibles »
Bénéficier de ces assurances reste pourtant suspendu au respect des normes de la finance islamique. Pour être éligibles, les souscripteurs sont ainsi interdits d’investir en obligations dans des entreprises exerçant des activités « haram », notamment le jeu, le sexe, l’alcool, les paris ou celles qui pratiquent la spéculation. « Ils doivent faire l’objet d’une autorisation donnée par une autorité religieuse », indique M. Perrine. Chez « Vitis Life », c’est le CIFIE (Comité indépendant de finance islamique en Europe) qui attribue aux fonds cette validation.
Londres, capitale mondiale du business islamique
Londres a abrité, en octobre dernier, la neuvième édition du forum économique du monde islamique, baptisé pour la circonstance « Davos islamique ». Une première pour un pays non musulman. Dans son discours prononcé devant plus de 1 800 personnalités, dont des chefs d’Etat, venues des quatre coins du monde, le Premier ministre britannique, David Cameron, a annoncé le lancement d’un indice islamique sur la place londonienne. Le but est de faire de Londres, l’une des capitales mondiales de la finance islamique.
«Je veux que Londres soit […] l’une des grandes capitales de la finance islamique dans le monde, » avait déclaré le Premier ministre britannique, en marge du Forum économique islamique mondial (WIEF).Actuellement, a-t-il indiqué, le Trésor britannique est en train de plancher sur le lancement des premières « sukuks » (obligations islamiques) pour un montant d’environ 200 millions de livres (234 millions d’euros).
Ville phare de la finance mondiale, Londres et sa City, pèsent déjà dans le secteur. Plus de 20 banques britanniques offrent des produits financiers islamiques tandis que 49 obligations islamiques (« sukuk ») sont cotées depuis cinq ans à la Bourse de Londres, pour une valeur de 34 milliards de dollars.
Bond de 150% depuis 2006
Mais ce montant n’est qu’une minuscule part du gâteau. Le secteur de la finance islamique, qui a enregistré un bond de 150% depuis 2006, devrait représenter 1.300 milliards de dollars cette année, selon le gouvernement britannique.
David Cameron a ainsi marqué un nouveau pas pour le développement de la finance islamique dans son pays qui, est l’un des rares d’Europe où la finance soumise aux principes du Coran a du succès. Les Anglais s’y sont très vite ouverts, ce qui a favorisé la création de plusieurs établissements financiers spécialisés. Aujourd’hui, le secteur de la finance islamique croît 50% plus rapidement que le secteur bancaire traditionnel. Selon un rapport du Conseil musulman de Grande-Bretagne (MCB), 13.400 entreprises détenues par des musulmans ont été comptabilisées, rien qu’à Londres. Lesquelles ont permis la création de 70 000 emplois.
A Londres, le paysage a déjà été métamorphosé par la finance islamique. Le « Shard », flèche de verre réalisée par l’architecte italien Renzo Piano et dominant la Tamise du haut de ses 310 mètres, a été financé par le Qatar, en partie grâce à des montages financiers conformes à la Charia. Tout comme le village olympique construit pour les JO de Londres en 2012…