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La Kabylie s’est autodéterminée, comme toutes les régions d’Algérie, le 1er juillet 1962 (opinion)

Par Yacine Temlali
août 2, 2015
La Kabylie s’est autodéterminée, comme toutes les régions d’Algérie, le 1er juillet 1962 (opinion)

L’auteur de cette contribution revient sur de récentes déclarations de Ferhat M’henni appelant à l’indépendance de la Kabylie. Pour lui, le fondateur du MAK « a franchi tous les Rubicon » et la Kabylie se doit d’autant de réagir à ses déclarations que « les habitants de cette région connaissent parfaitement » son parcours.

 

 

« Depuis la mise sur pied de l’Anavad, le gouvernement provisoire kabyle, ce serait de l’indécence de ma part de disposer d’un passeport d’une nationalité qui n’est pas la mienne. Aujourd’hui, ma seule nationalité est kabyle », interview de Ferhat M’heni à « Algérie Focus » en juillet 2015.

L’histoire des trahisons a indubitablement prévu tous les cas de figure sauf peut-être celui de trahir le combat de ses ancêtres. Pour ne pas remonter aussi loin dans l’histoire de la région, une question mérite d’être posée: qui aurait pu imaginer dans les années de l’ENA-PPA-MTLD entendre ce genre de sottise ? Hélas, les principes se perdent au fil des années. Aujourd’hui, on en arrive à la situation critique. Pour les plus zélés, franchir le Rubicon ne leur pose aucun problème de conscience.

Cela dit, venant de Ferhat M’heni, cela ne choque guère. Car, depuis son engagement politique, il n’épouse une cause que pour trahir une autre. Mais, là où le bât blesse, c’est qu’il entraîne dans son délire toute une région. Bien qu’elle n’estime pas opportun de se prononcer, la grande majorité doit affirmer sans réserve son attachement indéfectible au pays, dont son apport pour sa libération est reconnu par tous les Algériens.

En tout état de cause, malgré la politique de pourrissement du régime, les citoyens de la région – l’histoire a prouvé qu’à chaque fois que le pays avait besoin d’eux, ils étaient là pour défendre sa cohésion- sont assez intelligents pour ne pas suivre Ferhat M’heni dans ses délires racistes. Car son projet repose uniment sur la haine. D’ailleurs, son rapprochement avec Israël – il ne faut pas confondre l’entité sioniste et les Juifs de façon générale : eux -mêmes rejettent la politique de l’extrême droite israélienne – s’inscrit dans une logique machiavélique.

Pis encore, des partisans de Ferhat M’heni applaudissent les massacres d’enfants Ghazouis sous prétexte que les Kabyles sont persécutés par les Arabes. Voilà l’argument qui fonde la politique du GPK ou plutôt le projet haineux de l’ex-fondateur du RCD, Ferhat M’heni.

Du coup, doit-on laisser des gens pareils parler au nom de la région ? En tout état de cause, le silence est synonyme de complicité passive. Ce silence est d’autant plus condamnable dans la mesure où les habitants de cette région de l’Algérie profonde connaissent parfaitement le parcours du porteur du projet.

 

Retour sur le parcours politique de Ferhat M’henni

 

De toute évidence, bien qu’il soit difficile de dresser un tableau succinct d’un homme politique, celui de Ferhat M’heni se résume à l’intrigue, aux coups bas et aux manipulations tous azimuts. Ainsi, au moment où les jeunes Algériens sacrifiaient leur vie pour permettre l’avènement de la démocratie en Algérie, Ferhat M’heni et ses amis sillonnaient la Kabylie pour qu’elle ne s’associe pas au mouvement.
Et quand les Algériens ont donné une raclée électorale au régime en 1990 et 1991 -certes, il s’agissait d’un choix radical, voire extrême : doit-on pour autant juger le choix électoral de ses concitoyens ?-, le parti de Ferhat M’heni est allé jusqu’à créer des milices en vue d’assurer la pérennité du régime.

En 1994, pour saborder l’initiative du général Zeroual -une démarche à laquelle l’opposition majoritaire a répondu en organisant la rencontre de Rome -, Ferhat M’heni apparaissait à la télévision nationale pour lancer le boycottage scolaire. N’étant pas de sa mouvance politique, la majorité des étudiants estimait que la décision était injuste dans la mesure où toute la ligne politique de son parti était absurde.

Sans parler de l’anarchie -plusieurs étudiants ont fait des transferts vers les universités des wilayas limitrophes -, au moins deux lanceurs d’appel -Ferhat M’heni et Ould Ouali Lhadi, pour ne pas les citer -n’ont pas subi les conséquences de cette grève insensée. Le premier pour s’être installé la même année en France avec sa famille et le second parce que l’institut de médecine n’était pas concerné par le mouvement de grève.

Par ailleurs, bien que Ferhat M’heni soit évincé du RCD et du rassemblement national (branche du MCB), il décide six mois après le lancement de la grève de négocier, au nom de la région, avec le gouvernement Mokdad Sifi. Comme quoi ce rêve de devenir roi ne date pas d’hier.

Quoi qu’il en soit, tout en désavouant l’accord, le RCD va négocier le même accord en avril 1995, un accord que la dérision populaire appelle « les accords de la honte », mettant fin au boycottage scolaire. Et tout ça pour permettre à Saïd Sadi de se présenter aux élections présidentielles de novembre 1995.

Toutefois, après un passage de désert de six ans -on aurait aimé qu’il soit indéfini -, les événements du printemps noir voient le retour sur la scène politique de l’enfant terrible de la région. Alors que la population s’est affolée en se mobilisant massivement pour épargner les vies humaines, Ferhat M’heni lance son projet d’autonomie de la Kabylie. Faut-il rappeler par ailleurs que le mouvement a été vite détourné de sa trajectoire par des délégués sous le contrôle des officines occultes.

 

Réactivation de l’opposition coloniale entre Arabes et Kabyles

 

Ainsi, bien que toutes les régions du pays subissent les mêmes injustices, Ferhat M’heni réalise l’un des plus graves raccourcis de l’histoire: il confond le pouvoir avec l’Algérie. « Je ne crois pas en une autre solution qui ferait de toute façon de nos enfants kabyles des Arabes. L’Algérie, de par sa création coloniale, ne peut vivre qu’en tant que dictature. Il faut dépasser l’Algérie pour vivre enfin la liberté », déclare-t-il au journal en ligne Algérie Focus. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette déclaration nous rappelle les théories les plus extravagantes sur la suprématie des races.

Aujourd’hui, Ferhat M’heni n’hésite pas à franchir tous les Rubicons. Pour lui, les enfants de la région ne se valent pas. « Il y a bien sûr mille et une façons d’être Kabyle. J’en ai tant rencontré. Toutefois, je ne pense pas que le fait d’être d’origine kabyle autorise quiconque à opposer à la nation kabyle un déni d’existence », argue-t-il. Tout est dit. Son projet annonce des règlements de compte digne des heures sombres de l’histoire contemporaine. Et pour ceux qui n’ont pas vécu la crise de l’été 1962, si le projet de Ferhat M’heni se concrétise, ils comprendront ce que veut dire « la chasse à l’homme ». 
Pour conclure, il va de soi que l’appartenance de la Kabylie à l’Algérie ne peut-être remise en cause, et ce, quel que soit le prétexte. Car, il s’agit tout simplement d’un même corps. Évidemment, la gestion catastrophique des affaires de l’État peut générer des déceptions, mais cela ne peut pas aller au-delà d’une opposition politique et pacifique.

Alors que le travail attendu des politiques consiste à réveiller les consciences, Ferhat M’heni veut entraîner la région dans une voie hasardeuse. Mais, les dignes héritiers des Abane, Ait Ahmed, Krim -la liste est très longue -ne le laisseront pas faire. Ils militeront toujours pour une Algérie démocratique, sociale et unie.

 

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