C’est devenu l’une des curiosités de la vie économique et politique nationale : tandis que le gouvernement dépense sans compter, ce sont maintenant les députés qui l’invitent à la prudence et à plus de retenue.
En dépit des réserves exprimées au cours du débat à l’APN sur le projet présenté par le gouvernement, les parlementaires algériens ont néanmoins approuvé voici quelques jours une Loi de Finances qui ne prévoit pas moins de 110 milliards de dollars de dépenses. La plus grande partie, plus de 60 milliards de dollars, est destiné au budget de fonctionnement C’est la très officielle agence APS qui annonçait voici quelques jours que : « les présidents de six groupes parlementaires de l’APN ont exprimé jeudi dernier à Alger, dans leurs interventions sur le projet de loi de finances 2015, leurs inquiétudes quant à l’impact de la baisse des prix du pétrole sur les équilibres financiers du pays ».
Le chef du groupe parlementaire du RND, Mohamed Diji, a estimé que la baisse des prix du pétrole ”représente un danger réel et imminent pour les équilibres financiers du pays” en invitant le gouvernement à “prendre les précautions nécessaires à travers la rationalisation des dépenses”.
De son côté le FFS va encore plus loin et ne fait pas du tout confiance au gouvernement pour tenir les cordons de la bourse, puisque son représentant M. Chafaa Bouaiche, pense que “le seul moyen qui contraindra le gouvernement à trouver sérieusement des alternatives à la dépendance aux hydrocarbures est que le prix de référence du pétrole soit fixé, au préalable, par le parlement”. Ce ne sera malheureusement pas encore pour cette année.
Forte croissance des dépenses d’équipement
Il faut bien dire que les députés ont quelques bonnes raisons de s’inquiéter. La loi de finance 2015, tout comme celles qui l’ont précédé depuis 2008, est inscrite sous le signe d’une importante croissance des dépenses publiques. Ces dernières sont en hausse de 15,7% par rapport à la Loi de Finances de 2014 ; un rythme d’augmentation 5 fois supérieur à celui du PIB.
Cette nouvelle croissance des dépenses de l’Etat est induite notamment par une forte croissance des dépenses d’équipement (+32,1%).La loi de finance 2015 prévoient des autorisations de programme (AP) pour 4.079 milliards de DA (près de 50 milliards de dollars), des crédits de paiement (CP) pour 3.885 milliards de DA et un programme neuf limité à 1.178 milliards de DA en raison de l’importance des restes à réaliser ( plus de 1600 milliards de dinars ) inscrits au cours des exercices budgétaires précédents.
Le budget de fonctionnement au bord de l’explosion
La hausse des dépenses de l’Etat au titre de l’exercice 2015 s’explique également par la croissance des dépenses de fonctionnement. Elles sont évaluées à 4.972 milliards de DA ( un peu plus de 62 milliards de dollars) en 2015 contre 4.714 milliards de DA en 2014 (+5,5%), évoluant notamment sous l’effet des accroissements des dépenses de rémunérations du personnel des administrations qui augmentent de 6,5% par rapport à la LF 2014.
La Loi de Finance 2015 prévoit, en outre, de consacrer le montant de 1.711 milliards de DA( plus de 21 milliards de dollars ) au titre des transferts sociaux en provenance du budget de l’Etat, ce qui représente 9,1% du PIB et une hausse de 6,4% par rapport à 2014.Une part de 65 % des ces transferts devra être destinée au soutien aux familles, à l’habitat et à la santé. Les subventions des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huile alimentaire) absorberont 13,2% de l’ensemble des transferts.
Les ressources du Fonds de régulation(FRR) en baisse sensible
Avec des recettes budgétaires limitées à 4.680 milliards de DA( un peu moins de 60 milliards de dollars ) en raison du maintien d’un prix de référence fiscal du baril à 37 dollars, la loi de finance pour 2015 affiche un déficit budgétaire de 4.170 milliards de DA (22% du produit intérieur brut (PIB). Le budget de l’Etat pour 2015 table ainsi sur des produits de la fiscalité pétrolière de l’ordre de 1.722 milliards de DA et des recettes non pétrolières de 2.961 milliards de DA. Evoluant sous l’effet de la progression de 3,68% du volume des exportations d’hydrocarbures. la fiscalité pétrolière à recouvrer effectivement en 2015 devrait s’établir à 4.357 milliards de DA sur la base d’une hypothèse de prix de marché du baril de pétrole de 100 dollars.
Conséquence de l’importance des programmes de dépenses inscrits au titre du budget de l’année prochaine, la principale nouveauté annoncée par la loi de finance 2015 réside dans la chute des ressources affichée, pour la première fois depuis sa création, par le Fonds de Régulation des Recettes budgétaires. Avec un solde prévu en baisse sensible à 4.430 milliards de DA à fin 2015 (contre 5.280 milliards de DA prévu à fin 2014), le FRR devra financer l’année prochaine une part de 83% du déficit du Trésor public (3.490 milliards de DA).