La sécurité alimentaire dans un climat de changement : transformer les défis en opportunités - Maghreb Emergent

La sécurité alimentaire dans un climat de changement : transformer les défis en opportunités

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Les ministres de l’agriculture des pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord se réunissent à Rome pour la trente-deuxième session de la Conférence régionale de la FAO pour le Proche-Orient.

 

Ce sera une occasion importante pour faire avancer le dialogue régional et l’action sur les questions prioritaires les plus urgentes et faire le point sur la situation de la région dans le domaine de la sécurité alimentaire et de l’agriculture.
La Conférence se tient à l’heure où la région est confrontée à des difficultés sans précédent. Ces dernières années, des facteurs complexes ont incité les populations à réclamer des changements socio-économiques, alors que la stagnation des économies de l’OCDE, les récentes flambées des prix des produits alimentaires et des conflits prolongés ont fait clairement apparaître la vulnérabilité de la région en matière d’insécurité alimentaire.
La région importe plus de 50 pour cent des céréales qu’elle consomme et elle doit importer pour couvrir ses besoins alimentaires. Ses factures d’importation déjà coûteuses vont probablement augmenter, de même que sa vulnérabilité aux hausses brutales des prix des denrées. Plusieurs pays de la région n’ont plus confiance dans le marché international, du fait que les exportations ont été interdites lors des flambées des prix alimentaires de 2008. Dans un futur proche, la région Proche-Orient-Afrique du Nord sera, avec la péninsule coréenne, la seule à ne pas être en mesure de nourrir sa population, avec les technologies et les connaissances disponibles.
Sous-alimentation chronique
Dans l’ensemble, les indicateurs de la sécurité alimentaire ne sont pas catastrophiques, mais la Région est affectée par le double fardeau de la malnutrition: près d’un quart des enfants ont des retards de croissance dus à la sous-alimentation chronique alors qu’un quart de la population souffre de l’obésité.
La résilience dont la région a fait preuve face à la crise a été remarquable. Les pays ont investi dans la constitution de réserves alimentaires, le développement des dispositifs de protection sociale, l’introduction de nouvelles technologies agricoles, l’amélioration de la productivité de l’eau et l’accroissement de la valeur ajoutée dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, des pêches et de l’aquaculture. La réduction de l’insécurité alimentaire a été reconnue, non seulement comme une question d’urgence, mais aussi comme un impératif à long terme pour la stabilité de la région. Plusieurs pays sont parvenus à atténuer l’insécurité alimentaire et d’autres ont réussi à diminuer de moitié la proportion de personnes sous-alimentées avant l’échéance fixée par la Conférence sur les Objectifs du Millénaire pour le développement et le Sommet mondial de l’alimentation.
Les gouvernements commencent à mieux comprendre que les efforts visant à promouvoir un développement inclusif sont voués à l’échec si l’insécurité alimentaire et la malnutrition ne sont pas éradiquées.
Contraintes structurelles
Il sera malaisé d’éliminer toutes les formes de malnutrition et de garantir un développement agricole durable dans une région où des contraintes structurelles freinent le développement agricole et la sécurité alimentaire. Les pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord pourraient être confrontés à une aggravation sans précédent de la pénurie d’eau dans les décennies à venir. La région abrite à peine 10% des ressources hydriques de la planète. Les disponibilités d’eau par habitant devraient diminuer de 50% d’ici à 2050 sous l’effet de la croissance démographique, de l’urbanisation rapide et du changement climatique. Près de 90 pour cent des terres de la région se dégradent, et de grandes étendues sont désormais inutilisables pour l’agriculture, en raison de l’étalement urbain, des pratiques de gestion des terres inappropriées et de la désertification.
Les défis que doit relever la région sont immenses, mais les opportunités qui se présentent le sont aussi.
Défis et opportunités
Dans toute la région, de nombreux exemples de réussite montrent bien que le secteur agricole peut devenir un moteur pour la croissance et l’emploi. L’agriculture assure encore en moyenne 13 pour cent du PIB régional et fournit des emplois et des revenus à 38% de la population économiquement active. Citons par exemple les cas de l’Égypte, qui exporte déjà chaque année des produits horticoles pour une valeur de 2 milliards de dollars, et peut ainsi couvrir ses importations massives de blé; de la Tunisie qui fait figure de leader mondial pour les exportations d’huile d’olive; du Maroc, gros exportateur d’agrumes et de tomates; ou encore de la Jordanie, un des pays les plus arides au monde qui a pourtant un secteur agro-industriel dynamique.
Nous devons nous appuyer sur ce qu’ont réalisé les pays au cours des décennies récentes, mais il nous faut aussi aller plus loin.
La région doit adhérer plus largement au paradigme de la production agricole durable et promouvoir une approche éco-systémique du développement agricole, pour économiser l’eau et utiliser ses ressources naturelles de façon optimale. Elle doit miser davantage sur la productivité de la petite agriculture, sur les moyens d’existence et sur la création d’emplois pour les femmes et les jeunes, et mettre en œuvre des mesures de protection sociale viables pour garantir aux populations les plus pauvres un accès à une nourriture suffisante.
En ce qui concerne l’Année internationale de l’agriculture familiale, les décideurs des différents pays de la région devraient s’intéresser davantage aux petits exploitants agricoles, aux petits éleveurs et aux artisans pêcheurs qui assurent l’essentiel de la production de la région. L’agriculture familiale est essentielle pour le développement du secteur et elle peut aider à mettre en place des systèmes alimentaires plus durables, ayant une empreinte écologique plus faible.
Modifier les habitudes alimentaires
Des mesures devront aussi être prises pour inciter les consommateurs à modifier leurs habitudes alimentaires, basées sur un apport calorique élevé, pour se tourner vers des aliments plus nutritifs. La réduction des gaspillages alimentaires qui se produisent tout au long de la chaîne de valeur peut aussi contribuer grandement à combler le déficit de la production alimentaire par rapport à la consommation.
Au cours de l’année écoulée, nous avons tiré des enseignements précieux de divers dialogues régionaux avec des gouvernements, des acteurs de la société civile et des partenaires sur la sécurité alimentaire et la nutrition, la gestion des ressources en terres et en eau, l’agriculture familiale, la parité hommes-femmes et les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts.
C’est souvent dans les moments d’adversité que des idées novatrices et des réformes durables voient le jour. Le moment est venu de nous mobiliser pour renforcer la résilience et la sécurité alimentaire de la Région Proche-Orient et Afrique du Nord.

*Directeur général de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)

 

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