L’Algérie était suspendue, vendredi, à la capacité de M. Ali Benflis à contester la victoire du président Abdelaziz Bouteflika lors de la présidentielle du 17 avril.
Sans surprise, le président Abdelaziz Bouteflika, qui briguait un quatrième mandat de cinq ans, a remporté l’élection présidentielle du 17 avril avec 81,53% des suffrages exprimés en sa faveur. Donné largement favori, le président sortant a obtenu une avance confortable, dès le premier tour, écrasant ses adversaires et réduisant celui qui apparaissait comme son grand rival, Ali Benflis, à un rôle de figurant.
La victoire de M. Bouteflika ne valait que par certains aspects secondaires. Quel serait le taux de participation ? A quel taux serait-il réélu ? Ali Benflis irait-il jusqu’à l’affrontement, dans sa contestation des résultats ? Quel impact aurait sur le pays; la réélection d’un chef d’Etat physiquement diminué, incapable de se mouvoir, de s’exprimer, de voyager ? Comment réagiraient les partenaires extérieurs de l’Algérie ?
Au final, le taux de participation a été poussé au-delà de 50%, pour atteindre 51.7%, avec une accélération notable durant les deux dernières heures, ce qui fait planer une forte présomption de fraude, dénoncée par les autres candidats. Mais cette contestation était attendue, car la fraude, devenue banale à cause de la partialité de l’administration, est admise comme un facteur décisif dans l’organisation du scrutin. La participation a connu son plus bas dans les fiefs traditionnels de la contestation, Alger, Béjaïa, Tizi-Ouzou, alors qu’elle se maintenait dans les seuils traditionnels d’une présidentielle dans les wilayas de l’intérieur et du sud.
Décalage
Selon les projections faites à partir de résultats disponibles par wilaya, le président Bouteflika obtiendrait près de 80% des suffrages, un chiffre à la soviétique, en décalage total avec la contestation et le rejet de sa candidature au sein de la société algérienne. Ce qui se traduit par un taux d’abstention élevé, même s’il est difficile de se prononcer sur l’impact réel des appels au boycott lancés par des partis, des associations et des personnalités. Mais malgré cette contestation, l’Algérie a reconduit un président qui n’a pas participé à sa propre campagne électorale, une première mondiale, et qui a voté en chaise roulante.
Son adversaire qui paraissait le plus crédible, M. Ali Benflis, n’a pas réussi à mobiliser, pour créer l’élan nécessaire à une victoire. M. Benflis a déclaré qu’il contestait les résultats, qu’il utiliserait « tous les moyens légaux et pacifiques » pour les contrer, mais il ne semble pas disposer des moyens nécessaires pour organiser une contestation de grande échelle.
Scrutin fermé
L’opération électorale n’a pas donné lieu à des incidents significatifs. Des heurts ont été signalés dans quelques wilayas, comme à Bouira, mais leur impact sur le vote reste limité. Les observateurs internationaux ont, dans leurs premiers commentaires, minimisé leur portée, tout comme la commission de surveillance des élections, qui a indiqué que les recours signalés n’étaient pas liés à une fraude avérée.
Ce qui confirme cette particularité de la présidentielle algérienne : la fraude n’a pas lieu le jour du vote. Organiser un scrutin fermé consiste à montrer, par différents signaux, que le pouvoir en place a son candidat, et que le peuple n’a pas d’autre choix que de l’avaliser. Le président Bouteflika était, dans cette élection, appuyé par une puissante alliance s’appuyant en premier sur l’appareil militaire et sécuritaire, et comportant la bureaucratie d’Etat, les réseaux d’argent et leurs clientèles. Cette alliance exerce une pression énorme sur la société, si forte que le pays ne peut que s’incliner.
Même les partenaires de l’Algérie sont amenés à composer avec cette situation. Cette fois-ci, c’est l’Espagne qui semble avoir brûlé la politesse à tout le monde, en se félicitant rapidement que l’élection ait été marquée de « tranquillité, de transparence et de pluralisme ». en 2004, le président Jacques Chirac avait fait le déplacement à Alger pour féliciter le président Bouteflika.