Organisé depuis 2008, le 5è Forum algérien de la finance islamique s’est tenu ce mardi 28 février 2017 à l’hôtel l’Aurassi d’Alger dans un contexte marqué par l’annonce du lancement probable d’un emprunt obligataire « participatif ».
A l’hôtel Aurassi, l’annonce du ministre des finances, faite hier, sur le lancement probable d’un emprunt obligataire sans intérêt fin avril et mai 2017, ne pouvait mieux tomber. C’est que le projet d’emprunt est dans le droit fil du sujet : les produits financiers charia-compatibles.
L’opération pour la mobilisation de l’épargne nationale sans intérêt a pour but d’offrir une nouvelle opportunité à l’argent informel d’entrer dans le circuit légal et beaucoup pensent que la finance islamique est un bon instrument pour y parvenir.
La terminologie « préférée» par le ministre des Finances Hadji Babaammi (participatif au lieu d’islamique) ne fait pas polémique chez les banquiers islamiques. Interpellé sur la question, le Directeur général d’Al Salam Bank Algérie, M. Pour Nacer Hideur a déclaré à Maghreb Emergent que «l’appellation importe peu, à partir du moment où on parle d’une activité charia-compatible. ».
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Le Charia-compatible, attesté principalement par une institution AAOIFI (Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions), consiste en somme en une jurisprudence dont la source est l’islam.
Le charia-compatible fait partie de la finance mondiale
M. Hideur souligne que le « charia-compatible » est aujourd’hui une industrie universelle. Elle fait partie de la finance mondiale et elle s’est dotée d’organes de normalisation et de standardisation, notamment l’AAOIFI qui est établie au Bahreïn.
« L’AAOIFI a normalisé les différents instruments et elle a édité environ 57 normes inspirée de la charia, 25 normes comptables, des normes de gouvernance ainsi que des normes d’audit régissant les activités, les contrats et les différents supports utilisés dans cette industrie »
Cette institution incontournable œuvre également à «uniformiser les controverses et les divergences qui existent entre les écoles du fiqh sur certains aspects de droit musulman des affaires » indique M.fait savoir M. Hideur.
« La finance islamique est une industrie qui se structure et qui se normalise en se dotant d’outils et d’instruments lui permettant son internationalisation » conclut-il.
L’Algérie prend la troisième position dans le classement des pays africains par volume d’actifs bancaires islamique. Elle est précédée par l’Egypte et le Soudan (qui appliquent un modèle bancaire unique Charia-compatible) selon une infographie présenté par Sami As Soulaimani, représentant de Finéopolis Consulting. Selon ce dernier, dans le cadre d’une émission d’un Sukuk, l’aspect fiscal est un prérequis pour le développement de la finance islamique.
Faisabilité d’un emprunt obligataire « charia-compatible » en Algérie
Au-delà des problématiques religieuses, les conférenciers présents à ce Forum ont fortement mit l’accent sur l’importance des mesures d’incitation fiscales. Des mesures fiscales telles que celles mises en œuvre par l’Etat du Togo qui exonère les revenus des soumissionnaires dans le cadre d’un emprunt ‘’Sukuk‘’.
Interrogé par Maghreb Emergent sur la structure juridique algérienne et sa compatibilité avec une opération Sukuk, Hubert de Vauplane, représentant d’un cabinet d’avocats parisien, souligne en effet que « le vrai frein (pour la finance islamique) n’est pas tellement juridique que fiscal ».
«La finance islamique peut se développer avec des instruments du droit commun, du code civil et du droit du commerce et il n’est pas nécessaire de créer un outil -juridique- spécial » souligne-t-il. S’agissant de l’opération Sukuk envisagée par le gouvernement, cet avocat nous affirme que l’Algérie possède une structuration juridique compatible.
« Ce dont on a besoin quand on émet un Sukuk (charia-compatible), c’est un transfert de propriété de l’actif sous-jacent, ce qui est différent d’une créance dans le cadre d’un emprunt obligataire traditionnel» soutient-il. Dans des pays qui n’ont pas un système de titrisation (comme l’Algérie), l’Etat peut prendre le raccourci qu’offre le code civil.
L’Algérie, pays de tradition de droit civil dispose de «toute une série de techniques et celle la plus prometteuse est la dissociation entre la nue-propriété et l’usufruit. Ce qui permet par exemple à l’Etat dans le cas où il projette de faire des Sukuks sur des biens qui lui appartiennent en gardant la nue-propriété et cédant l’usufruit aux porteurs de Sukuks. »