L’instruction du Premier ministre aux administrations de ne pas migrer vers Windows 10 est louable mais insuffisante. Elle devrait être suivie d’actions plus concrètes en faveur de l’usage du logiciel libre en Algérie.
Le gouvernement doit-il s’arrêter en si bon chemin après la note transmise à l’ensemble des administrations publiques de s’abstenir de migrer vers Windows 10, le nouveau système d’exploitation de Microsoft ? Si la décision est louable à plus d’un titre, elle reste largement insuffisante. Si le but est de protéger les données sensibles du siphonage de Windows, la prochaine étape serait de s’émanciper des logiciels propriétaires et d’aller vers l’open source. Il faudra faire vite, car la migration vers Windows 10 sera un jour ou l’autre inévitable lors Microsoft décidera de ne plus éditer des mises à jour de sécurité pour les anciennes versions son système d’exploitation.
Aller vers les logiciels libres n’est pas seulement une question de sécurité. L’achat de licences pèse énormément sur les dépenses publiques lorsqu’on sait que chaque ordinateur dans une administration (éducation, justice, ministères, institutions, hôpitaux, universités…) est doté d’un système d’exploitation et d’un package de logiciels de bureautique et autres applications. Tous ces programmes informatiques sont payés rubis sur ongle puisque l’Algérie s’est engagée depuis assez longtemps pour lutter contre le piratage. Il faut compter pas moins de 100 euros par poste de travail. A l’heure d’une économie de crise, des gains de ce genre ne sont pas à négliger. Un logiciel libre (système d’exploitation ou tout autre software) est souvent gratuit ou pas très cher. On peut le moduler et l’adapter à souhait, et surtout le diffuser sans retenue, ni risque de tomber sous les lois nationales et internationales sur le respect de la Propriété Intellectuelle.
« e-Algérie 2013 » ne connaît pas le logiciel libre
Il faut dire que l’Open Source a de tout temps été ignorée par les gestionnaires des administrations publiques en Algérie, y compris par ceux qui étaient sensés être plus en avance dans l’appréciation des impératifs technologiques dont avait besoin l’Algérie.
C’est le cas du plan e-Algérie 2013, établi en 2008, pour préparer l’édification de la société de l’information, les rédacteurs ont totalement ignoré la notion de logiciel libre ou open source. On n’y trouve aucune allusion. Pourtant, le document reconnaît que le logiciel figure en première place parmi les « trois composantes majeures » de « l’économie numérique », suivi des « services » et de « l’équipement ». Il est souvent question dans le plan e-Algérie 2013 d’acquisitions de logiciels pour les administrations, de développement de logiciels en Algérie, d’aide aux sociétés d’édition de software… etc., mais à aucun moment la réflexion n’a été poussée à faire figurer l’adoption des logiciels libres et leur développement dans le package des solutions préconisées pour la société de l’information. Quatorze actions sont inscrites dans le chapitre « Acquisition de logiciels » dans e-Algérie 2013. « Ces actions concernent l’acquisition d’outils logiciels pour des applications diverses qui dépendent des missions de l’administration », explique-t-on.
Pour le commun des utilisateurs d’ordinateurs, il existe pourtant une grande panoplie de logiciels libres, de qualité comparable aux logiciels payants. Certains sont déjà très populaires et très utilisés sur les plateformes payants (Windows de Microsoft ou Mac OS X d’Apple), à l’exemple du navigateur web Firefox de Mozilla, de la suite bureautique LibreOffice ou OpenOffice, de la plateforme media player VLC, ou de GIMP pour la retouche photo. Ces logiciels gratuits sont tout aussi performants que les payants, disposent aussi d’une mise à jour régulière, et sont dotés d’extensions pour améliorer leur rendu.
L’exemple français
En septembre 2012, une circulaire du Premier ministre français comportant des « Orientations pour l’usage des logiciels libres dans l’administration ». La circulaire présente en annexe un document « préparé avec les directeurs des systèmes d’information » (DSI) de plusieurs ministères qui évoque un « choix raisonné » du logiciel libre aux « motivations multiples ». Parmi les motivations cités : « la contrainte de plus en plus forte sur les moyens d’investissement et de fonctionnement des SI, concomitante avec une forte augmentation de la demande » ; « la valorisation des compétences et de l’expertise professionnelle des équipes informatiques, qui ne sont pas de simples acheteurs de solutions ».
Dans la démarche choisie, il était question, à la date de l’émission de la circulaire, d’instaurer une « convergence effective sur des souches de logiciels libres ». A ce titre, des « instances « logiciels libres » interministériels » pilotés par une « équipe « noyau » » devaient être installées. Parmi les avantages cités au logiciel libre c’est son pilotage « par les besoins, minimisant les évolutions superflues », facilite les « expérimentations et l’adaptation au volume d’usage » et permet la « mutualisation entre acteurs ».
Comme pour Windows XP, les jours des autres systèmes d’exploitation antérieurs à Windows 10 sont comptés. Microsoft obligera indirectement les utilisateurs d’aller vers la dernière version de son système d’exploitation. L’administration algérienne sera donc obligée de migrer. Voilà pourquoi il est grand temps de se familiariser avec les logiciels libres et préparer la mutation.