Le président Abdelaziz Bouteflika subit lundi une ultime épreuve, pour entamer son quatrième mandat : la prestation de serment. Tous ses faits et gestes seront épiés, pour évaluer son état de santé.
Le président Abdelaziz Bouteflika, officiellement élu le 17 avril pour un quatrième mandat très controversé, prête serment lundi matin, dans un climat pénible. L’opinion, résignée, s’interroge essentiellement sur les difficultés pratiques d’organisation de la cérémonie, en raison de l’état de santé du président Bouteflika. Ce sujet éclipse largement le reste, notamment les initiatives de l’opposition visant à trouver un consensus pour une sortie de crise négociée.
Sur les réseaux sociaux et dans les discussions, les Algériens se demandent si le chef de l’Etat sera en mesure de prêter serment, et de prononcer la formule par laquelle le chef de l’Etat entame son mandat, selon l’article 75 de la constitution. Les internautes ont compté que le chef de l’Etat doit prononcer 94 mots au moins, s’il se limite strictement au texte de la constitution.
Très diminué, s’exprimant avec beaucoup de difficultés, le président Bouteflika ne peut se déplacer. Il avait voté en fauteuil en roulant, poussé par un homme identifié comme un médecin militaire. Les rares séquences diffusées par la télévision algérienne durant lesquelles il s’est exprimé ont révélé une voix presque inaudible, et des mots prononcés avec difficulté. Son ministre conseiller, Abdelaziz Belkhadem, a révélé que le président Bouteflika était sujet à des extinctions de voix.
Pas de message de victoire
Le chef de l’Etat ne s’est pas adressé aux Algériens le jour du vote, et n’a pu prononcer le traditionnel discours de la victoire, au moins pour remercier ses électeurs. Ses proches ont toutefois indiqué qu’il s’adresserait bientôt aux Algériens, mais cette annonce semble relever de la communication plutôt que d’une capacité réelle du chef de l’Etat à retrouver les forces nécessaires pour faire un discours.
La cérémonie de lundi se déroule traditionnellement devant les corps constitués et le corps diplomatique. Ce sera l’occasion, pour les diplomates, de tenter de se faire une idée sur la capacité du président Bouteflika à récupérer, après son hémorragie gastrique de 2007, et son AVC du 27 avril 2013.
Mais côté algérien, l’heure est déjà à l’après élection. Deux partis ont annoncé qu’ils boycottent la cérémonie. Le Mouvement de la Société pour la Paix a annoncé dimanche, sur son compte facebook, qu’il boycottera la cérémonie de prestation de serment. Le MSP indique que sa décision est « conforme aux positions antérieures du mouvement ». Elle vise aussi à « renforcer l’opposition ». Le MSP précise avoir appelé ses députés à adopter la même attitude, « dans le cadre de l’Alliance pour l’Algérie verte », une alliance regroupant les partis islamistes représentés au parlement.
Boycott
Auparavant, le chef du groupe parlementaire du FFS avait annoncé, dans un communiqué rendu public sur le site du parti, que le FFS a décidé de ne pas répondre à l’invitation d’assister à la cérémonie de l’investiture. Le FFS précise pourtant qu’il avait « réaffirmé son engagement à travailler avec les autorités et tous les acteurs de la société civile et politique », en vue de « donner toutes ses chances à la reconstruction du Consensus national et répondre aussi aux aspirations des citoyens, aussi bien ceux qui ont participé à l’élection présidentielle que ceux qui se sont abstenus ».
Toutefois, « choqué et indigné par les violences subies par nos compatriotes qui ont manifesté pacifiquement après les élections », le FFS annonce que son groupe parlementaire « a décidé de ne pas répondre à l’invitation d’assister à la cérémonie de l’investiture présidentielle ». « Ce geste symbolique doit être compris comme un appel pressant aux autorités pour garantir effectivement les libertés démocratiques et assurer la protection de tous les citoyens par la mise en place d’un Etat de droit ».
De multiples initiatives
Différentes initiatives se poursuivent, par ailleurs, pour tenter de présenter l’opposition en ordre de bataille pour l’après-présidentielle. Le groupe de partis et de personnalités qui a lancé la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique poursuit ses consultations. Dimanche, le groupe a rencontré M. Ali Benflis, qui avait officiellement obtenu moins de 13% des voix, et a noté une convergence sur l’analyse de la situation, malgré des divergences sur les solutions à proposer.
Dans la même journée, était annoncée la création d’un « Alliance nationale Pour le Changement », regroupant des personnalités d’obédiences très diverses. On y retrouve l’intellectuel altermondialiste Omar Aktouf, l’ancien ministre réformateur de l’économie Ghazi Hidouci, exilé en France, l’ancien premier secrétaire du FFS Karim Tabou, qui a créé un nouveau parti, un autre ancien cadre du FFS Samir Bouakouir, et l’ancien dirigeant du FIS Anouar Haddam. Ces personnalités affirment vouloir agir ensemble, en dépassant les clivages traditionnels, pour réaliser des objectifs communs. Tout comme la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique, l’ANC veut travailler avec le pouvoir pour organiser une transition pacifique, mais prévient qu’à défaut, le changement se fera sans le pouvoir.