Les débats autour de la sécurité alimentaire s’intensifient dans le continent africain et plus précisément en Afrique du Nord. Cela devient la première préoccupation des gouvernements et c’est inscrit dans les objectifs et stratégies nationaux.
En effet, des experts du bureau Afrique nord de la Commission économique des nations unie pour l’Afrique (CEA-NA) et des hauts fonctionnaires gouvernementaux débattent, pendant trois jours à Accra (Ghana), avec leurs collègues de l’Afrique de l’Ouest sur les enjeux de la sécurité alimentaire et de la transition énergétique dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne et poste pandémie du Civid-19.
Une réunion qui intervient d’abord dans un contexte économique mondial difficile où l’inflation a atteint des records. Depuis début 2022, les produits agricoles ont connu une hausse sans précédent. Une inflation galopante due aux perturbations de l’approvisionnement de produits alimentaires essentiels et d’autres intrants, les engrais et des semences, observé depuis l’invasion russe à l’Ukraine. Surtout que les deux pays sont considérés comme les premiers fournisseurs de produits céréaliers et d’engrais de l’Afrique.
Selon les chiffres présentés par l’économiste égyptienne, Amel Elbechbouchi, du bureau Afrique du Nord de la CEA, il y a actuellement entre 690 millions à 783 millions de personnes dans le monde qui ne mangent pas à leur faim. 282 millions se trouvent en Afrique (19,4% en 2021 et 19,7 en 2022) ». Et « ils sont plus de 57 millions de plus depuis la pandémie du Covid », ajoute-t-elle.
Amel Elbechbouchi a affirmé, dans une présentation devant un panel d’experts, qu’il n’y a pas que la guerre russo-ukrainienne et la le Covid-19 qui ont causé cette crise alimentaire. « L’impact du changement climatique a réduit les récoltes et a rendu leur distribution compliquée ». Elle a recommandé d’accélérer la mise en place de la Zone de libre-échange africaine (Zlecaf) pour améliorer les chaînes de valeurs et la circulation des produits entre les pays africains, mais structurer les efforts pour atteindre les Objectifs du développement durable en créant une banque de l’agriculture.
Pour sa part, l’experte tunisienne de la CEA-NA, Samia Mansour Hamouda, mettant en exergue le cas de la Tunisie, qui dépend de ses importations en céréales de l’Ukraine et de la Russie. « Deux pays qui approvisionnent la Tunisie de 60% de ses besoins céréaliers en 2021 ». Ce n’est pas tout, ce sont les « deux sources des importations tunisiennes en engrais et semences ».
L’experte a suggéré que son pays doit travailler pour « mettre en place une politique céréalière dans une approche de sécurité alimentaire, de productivité et de résilience ». Elle a proposé notamment la révision de « la gouvernance de la filière céréalière dans une approche participative qui permet un soutien effectif aux producteurs agricoles, « réduire la dépendance du pays en blé tendre de 93 % à 40% d’ici 2030, et enfin, réviser les mécanismes de fixation des prix des céréales et des autres produits alimentaires ».
Pour Sid Ahmed Ould Elhadj, représentant du ministère des Finances algérien, « il faut cibler les marchés spéculatifs des produits agricoles » pour avoir un contrôle sur les prix des produits et réduire l’inflation qui touche les produits agricoles. Selon lui, « les prix des produits que nous consommons sont décidés ailleurs. Donc la meilleure façon pour y faire face, c’est soutenir l’agriculture paysanne, qui est d’ailleurs, très répondue dans le modèle africain ».
Les propositions et les exemples des politiques agricoles menées par les pays maghrébins se sont enchainé durant cette première journée de la réunion du comité des hauts fonctionnaires gouvernementaux et d’experts. À l’instar du Royaume du Maroc qui a adopté une nouvelle approche pour faire face à la sécheresse.
Faouzi Bekkaoui, un chercheur marocain de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), a exposé la stratégie verte marocaine 2020-2030. Celle-ci « vise à améliorer la céréaliculture et limiter les effets de la sécheresse sur les terres agricoles à travers la transformation génétique. Une approche qui favorise de rendre certaines cultures résistantes à la sécheresse et la fertilisation raisonnable qui peut donner des résultats importants ».
Les travaux du comité des experts et les hauts fonctionnaires gouvernementaux se poursuivront jeudi et vendredi 2 et 3 novembre pour donner à l’issue des travaux une liste de recommandations à adopter par les pays pour assurer leur sécurité alimentaire.