Les 15 travailleurs de la cimenterie Lafarge en grève de la faim depuis le 9 mars dernier ont suspendu leur mouvement suite à un accord conclu entre la direction de cette société française et les grévistes. Ces derniers ont, finalement, accepté le départ volontaire avec indemnisation conformément à la règlementation. En contrepartie, la direction s’est engagée à « exempter » ces travailleurs des 100.000 DA de dédommagement et 2.000 DA d’amende.
Le verdict prononcé le 1er juin par la justice, suite à la plainte déposée par Lafarge à l’encontre des grévistes pour entrave à la liberté de travail, a mis fin au bras de fer opposant les deux parties depuis le mois de novembre 2013.
« Les travailleurs ont décidé le 1er juin de suspendre leur grève suite au verdict de la justice et répondu à l’appel de la direction pour des rencontres avec les représentants des grévistes. Nous avons pu arracher le départ volontaire pour les 15 travailleurs des 17 qui avaient fait la grève puisque notre réintégration n’a pas été possible », a indiqué à Maghreb Emergent, Aziz Semache, le représentant des grévistes.
Même si la revendication première des travailleurs n’a pas été satisfaite, à savoir, leur réintégration à leur poste de travail, « nous sommes satisfaits des propositions de la direction », a précisé M. Semache. Et d’ajouter : « Nous avons également conclu avec cette dernière le non payement des 100.000 DA de dédommagement et les 2.000 DA d’amende ».
Le 3 juin, les grévistes ont enlevé leur campement et rejoint leur domicile, dans un état de santé très dégradé pour certains. En vertu de l’accord passée avec la Direction, la relation de travail avec Lafarge est suspendue. « Actuellement, nous sommes en chômage », a précisé M.Chemache.
Lafarge, une affaire qui a fait couler beaucoup d’encre
Le bras de fer entre les grévistes de la faim et la Direction de l’entreprise a fait couler beaucoup d’encre ces dernier mois. Il était impossible pour les deux parties de trouver un terrain d’entente dans un climat aussi tendu. Le mutisme adopté par la Direction au début du conflit, l’indifférence des autorités locales et l’abandon des grévistes par leur section syndicale n’a fait qu’envenimer la situation.
Pour attirer l’attention, les familles des grévistes ont, à plusieurs reprises, protesté devant le siège de Lafarge, situé dans la localité d’Oggaz, dans la wilaya de Mascara. Certains travailleurs en grève de la faim ont même fait le déplacement jusqu’à Alger dans le quartier d’affaire de Bab Ezzouar, pour protester devant le siège de la direction. Une période mouvementée pour les grévistes mais qui n’a pas hâté le dénouement de cette affaire.
Les manifestants étaient également soutenus par la ligue des droits de l’homme (LADDH) d’Oran et le SNAPAP et la confédération libre des travailleurs algériens. Des organisations internationales ont été mobilisées en signe de solidarité avec les grévistes. International Union et l’internationale des travailleurs du bâtiment et du bois avaient lancé un appel pour le respect des accords sociaux signés par Lafarge.
Un conflit qui remonte à novembre 2013
Pour rappel, ce conflit remonte à novembre 2013, journée de protestation de 300 travailleurs de la cimenterie Lafage d’Oggaz pour demander la concrétisation des engagements tenus par la Direction lors de la réunion de Mars 2013. Les travailleurs ont présenté une plateforme de revendications comportant 23 points. La direction de Lafarge a ensuite suspendu, à titre conservatoire, 17 travailleurs pour faute grave.
Les travailleurs licenciés ont été poursuivis en justice par la direction de Lafarge au niveau du tribunal pénal pour atteinte à la liberté de travail, au niveau du tribunal civil pour dédommagement et au niveau du tribunal social pour grève illégale. Le 2 décembre 2013, la section syndicale est dissoute sur décision de la Centrale, selon le représentant des grévistes, pour non-respect des recommandations et orientations de l’instance dirigeante de l’UGTA.
Les travailleurs ont eu gain de cause au niveau des trois tribunaux, pénal, civil et social. Suite à quoi la Direction de Lafage a fait appel. Dans une mise au point publiée le 13 avril dernier, la direction de Lafarge Algérie, a déclaré avoir « déployé tous ses efforts pour qu’une solution soit trouvée à cette situation et ceci avant même l’issue finale des procédures judiciaires déclenchées contre les travailleurs licenciés-grévistes de la faim ».