Alors que le pays s’apprête à vivre, le 15 mai prochain, des législatives cruciales pour l’avenir, le Liban, conclut avec le Fonds monétaire international (FMI) un accord préliminaire (« staff-lever agreement ») de facilité d’extension des fonds (FEF) portant sur un plan d’aide de trois milliards de dollars, a annoncé le FMI hier jeudi, dans un communiqué.
L’accord a été trouvé à l’issue de près de deux semaines de discussions à Beyrouth, entre la délégation dirigée par Ernesto Ramirez-Rigo, chef de mission du FMI pour le Liban, et l’équipe de négociateurs menée par le vice-président du Conseil des ministres, Saadé Chami.
Le programme accordé au Liban au titre du mécanisme élargi de crédit est soumis à l’approbation de la direction du FMI et de son conseil d’administration, a précisé l’institution dans un communiqué. « Et les autorités libanaises ont convenu d’entreprendre plusieurs réformes essentielles avant la réunion du conseil d’administration du FMI », a ajouté le Fonds.
Cet accord préliminaire inclut le plan de réforme global préparé par la partie libanaise pour répartir les pertes financières accumulées par l’Etat, la Banque du Liban et le secteur bancaire local (plus de 70 milliards de dollars selon de précédentes estimations relayées par Saadé Chami) et redresser une économie en chute libre depuis 2019. Ernesto Ramirez-Rigo a de plus indiqué que le Liban avait demandé à avoir accès à 2,17 milliards de droits de tirage spéciaux, soit l’équivalent de 3 milliards de dollars.
Exigence de réformes
L’accord préliminaire ne sera toutefois effectif que lorsque le Liban aura lancé certaines réformes dont une partie avait été énumérée par Saadé Chami lors d’un entretien télévisé dimanche dernier. Le FMI les a toutes listées dans son communiqué.
• Le gouvernement devra en premier lieu approuver une stratégie pour restructurer le secteur bancaire, en reconnaissant le montant des pertes et en s’employant à les répartir tout en protégeant les petits déposants.
• Le Parlement devra approuver le plan élaboré par l’exécutif afin de permettre sa mise en œuvre.
• Une évaluation (un audit) des chacune des 14 plus grandes banques du pays (en terme d’actifs et de dépôts) devra être effectuée par une entreprise internationale « réputée ».
• Le Parlement devra approuver la réforme du secret bancaire qui « doit s’aligner sur les standards internationaux pour combattre la corruption », « détecter les crimes financiers » et rendre possible un « recouvrement des actifs ».
• Le Liban devra faire réaliser et finaliser un audit complet des comptes de la BDL qui inclut ses actifs en devises, afin « d’améliorer la transparence » sur l’état de l’institution.
• Le gouvernement devra mettre en place une stratégie de restructuration de la dette à moyen terme, « ce qui sera utile pour restaurer soutenabilité ».
• Le Parlement devra approuver le budget de 2022.
• La Banque du Liban (BDL-banque centrale) devra enfin adopter un régime de taux de change unifié en lieu et place de celui existant actuellement – avec plusieurs taux effectifs. Cette étape devra s’accompagner par l’adoption d’un contrôle formel des capitaux.
Le FMI a ajouté dans son communiqué que la BDL allait être « guidée », afin de pouvoir mieux contrôler l’inflation et amorcer un changement de régime monétaire, de manière à laisser à terme totalement flotter le taux de change, et à reconstituer les réserves de devises du pays. Le FMI a également annoncé un vaste chantier visant à réformer la gouvernance de la BDL.
Le FMI appelle également à modifier le régime fiscal du pays afin d’élargir la base imposable et augmenter les recettes fiscales ; à mettre en place un plan de « recouvrement des coûts » dans le secteur de l’énergie ; à établir un cadre permettant de moderniser les entreprises publiques et d’en améliorer la gouvernance ; ou encore à améliorer le système de retraite.
Rétablir la viabilité financière du pays
Le mécanisme élargi de crédit « vise à soutenir la stratégie de réformes des autorités pour rétablir la croissance et la viabilité financière, renforcer la gouvernance, la transparence et augmenter les dépenses sociales et de reconstruction », a précisé le Fonds. Le FMI rappelle néanmoins que ce programme devra être complété par la restructuration de la dette publique extérieure libanaise avec l’objectif d’y faire participer suffisamment les créanciers pour rétablir la viabilité de la dette. « Le Liban est confronté à une crise sans précédent, qui a entraîné une contraction économique dramatique et une forte augmentation de la pauvreté, du chômage et de l’émigration », a rappelé Ernesto Ramirez Rigo, le chef de mission du FMI, à l’issue de la visite qui s’est achevée jeudi. Environ 80% de la population libanaise sont en effet plongés dans la pauvreté.
M.E./Agences