La brouille judiciaire entre Rabat et Paris sur le dossier de la torture pratiquée dans les locaux de services de sécurité marocains perdure. Et envenime les relations entre les deux pays.
L’ONG française basée à Paris, l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) qui a accusé en février dernier les autorités marocaines de torture a été convoquée pour se présenter devant le tribunal de grande instance de Rabat. Un représentant de l’ACAT est convoqué pour le 26 février prochain devant le tribunal de grande instance de Rabat, selon un courrier adressé à l’ONG et daté du 13 janvier. L’ONG est notamment accusée de diffamation, outrage envers les corps constitués, injure publique et incitation à faire de faux témoignages, selon cette lettre. « Avec cette injonction ubuesque, le Maroc tente une nouvelle fois de faire taire les victimes de torture et les ONG qui luttent contre la pratique de la torture au Maroc », a jugé l’ONG dans un communiqué. C’est le début de la brouille entre les deux capitales.
A l’origine de la brouille
En fait, les autorités marocaines n’avaient pas du tout apprécié et a qualifié « d’incident grave », la remise par sept policier français d’une convocation devant un juge parisien, au patron marocain du contre-espionnage marocain Abdelatif Hammouchi, alors en déplacement en France avec une délégation officielle. C’est l’ACAT, qui avait déclenché une action en justice pour « complicité de torture » contre Hammouchi, sur des soupçons de torture dans le centre de détention de Temara, qui dépend de la Direction de la surveillance du territoire (DST- services secrets marocains). L’initiative de l’ACAT fait suite au témoignage recueillis en France auprès de trois marocains, qui ont déclaré avoir subi des actes de torture dans ce centre de détention, suite à leur arrestation par des agents de la DST. L’ACAT a demandé au juge de profiter de cette visite du patron de la DST pour l’interroger sur les fait de tortures qui lui sont reprochés. En représailles contre cette action judiciaire, le Maroc avait suspendu sa coopération judiciaire avec la France. La coopération sécuritaire est également grandement affectée. Devant régler ce litige, le déplacement prévu vendredi denier à Paris du ministre des affaires étrangères marocain Salaheddine Mezouar a été reporté sine die. « L’entêtement du Maroc est clairement dû à la crainte de Rabat de voir des hauts responsables traduits en justice pour complicité de torture », a déclaré la responsable Maghreb et Moyen-Orient de l’ACAT, Hélène Legeay. Pour mettre fin à cette brouille politique, les ministres de la justice marocain et français vont se rencontrer cette semaine, a annoncé aujourd’hui mardi le chef de la diplomatie marocaine. Il n’a pas donné cependant ni le lieu ni le jour de cette rencontre. »Nous espérons que cette rencontre amorce une reprise des pourparlers diplomatiques entre les deux parties », a t-il dit dans une déclaration à la presse à Rabat.