Si elle pointe des dysfonctionnements dans la planification et l’expression des besoins de la part des collectivités locales, la Cour des comptes met aussi en cause les manquements et insuffisances dans l’exécution des contrats par les sociétés délégataires.
Huit ans après l’entrée en vigueur (février 2006) de la loi 54-04 encadrant la gestion déléguée des services publics locaux au Maroc, le bilan reste peu appréciable d’après la Cour des comptes marocaine. Cette cour a publié en décembre dernier un rapport sans concession sur ce mode de gestion en pointant ses insuffisances tant du côté des entreprises privées exploitantes que des autorités délégantes.
Selon L’Usine Nouvelle, site spécialisé dans les informations industrielles qui a publié le document, le marché de la gestion déléguée des services publics locaux en matière d’eau, d’électricité et de transports au Maroc représente un total d’investissements avoisinant les 42 milliards de dirhams (1000 dirhams = 90 euros), des effectifs d’environ 35.000 salariés et un chiffre d’affaires proche de 15 milliards de dirhams. Depuis une dizaine d’années, de nombreuses entreprises internationales, notamment françaises comme la RATP, Veolia, Suez Environnement, etc., sont présentes au Maroc.
Dysfonctionnements dans la planification et l’expression des besoins
La cour des comptes, présidée par l’ancien Premier ministre Driss Jettou, estime d’emblée, dans son rapport, que la gestion déléguée n’a pas tiré avantage de tous ses atouts potentiels, en raison notamment de dysfonctionnements dans la planification et dans l’expression des besoins par les autorités délégantes. L’absence d’un organe indépendant chargé des fonctions d’expertise, de coordination, de suivi et de veille, « n’a pas permis l’instauration d’une synergie de l’ensemble des acteurs intervenant dans les services publics locaux », juge la Cour des comptes marocaine qui souligne que cet organe aurait contribué à doter les décideurs politiques d’outils pour concilier les objectifs sociaux avec les exigences de bonne gestion.
L’institution de Driss Jettou met en avant la responsabilité partagée des autorités délégantes que sont les collectivités mais aussi les sociétés délégataires. Ainsi, relève-t-elle, la gestion déléguée se trouve « handicapée par une vision principalement locale » ne prenant pas suffisamment en compte la dimension intercommunale, voire régionale. Pour elle, les contrats (de gestion déléguée) sont élaborés sans schémas directeurs d’électricité, d’eau et d’assainissement liquide pour la distribution, sans plans de déplacements pour le transport urbain et sans plans communaux, provinciaux et préfectoraux du processus de collecte, de tri, de mise en décharge et de traitement des déchets ménagers et assimilés dans le secteur de la propreté.
Délégataires : manquements et insuffisances dans l’exécution des contrats
L’intervention des autorités de tutelle, notamment au niveau de la passation, de l’exécution et du contrôle des contrats est, en outre, mise en cause. « Le rôle de ces autorités (délégantes) mérite d’être mieux défini », recommande la cour.
Les sociétés délégataires sont également mises à l’index. L’exécution des contrats a mis en relief des manquements et des insuffisances, notamment au niveau des engagements relatifs aux investissements, à la tarification et à la qualité du service, estime cette institution. Une évaluation rétrospective, indique-t-elle dans son rapport, montre que les investissements réalisés par les délégataires n’ont pas atteint totalement les objectifs fixés en termes de consistance des projets et de délais d’exécution.
Des écarts significatifs ont en outre été enregistrés sur les projets structurants surtout dans l’assainissement, tels les émissaires, les stations de prétraitement, les intercepteurs et les collecteurs, relève le document. A titre d’exemple, il cite le cas du service de transport urbain par autobus, lequel programme n’a été que « partiellement réalisé » par les délégataires dans 85 % des cas analysés.