L’ancien chef du gouvernement Mouloud Hamrouche s’est adressé ce matin lors de son passage au forum de Liberté aux Chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika, chef de l’Etat-major de l’armée Ahmed Gaid Salah et chef du Département de renseignement et de la sécurité (DRS) Mohamed Mediene qui détiennent, selon ses termes, les clés de la sortie de crise. Il leur suggère d’entamer un processus en vue d’un nouveau consensus politique.
« Si le bon sens ne l’emporte pas, il a y un risque d’embrasement. Essayons de construire un nouveau consensus car, le semblant de consensus de 1992 est rompu », a averti M. Hamrouche, en citant nommément les trois hommes à la tête des plus importantes institutions qui dirigent le pays, la présidence, l’état-major de l’armée et les services secrets. « Ces hommes, je les charge, je les rends responsable de ce qui risque de se passer, je leur propose une ultime mission exaltante: mettre le pays sur la voie du changement démocratique », a-t-il insisté. Et d’ajouter : « J’ose les comparer aux trois B (Krim Belkacem, Abdelhafid Boussouf et Lakhdar Bentobal) qui, à un moment crucial de notre histoire, ont eu la sagesse et la vision nécessaires pour entamer les négociations, arrêter la guerre avec le colonisateur français et conduire le peuple algérien vers l’indépendance. La situation appelle à des décisions courageuses pour sortir de la crise et ces trois hommes sont devant une opportunité d’entrer dans l’Histoire en engageant un processus démocratique associant toutes les composantes de la société algérienne afin de construire un nouveau consensus ».
Le poste de vice-président va institutionnaliser la « complotite »
Interrogé sur ses intentions à accepter ou non le poste de vice-président si on lui propose de l’occuper dans le cadre d’une transition, Hamrouche, s’il a exprimé sa disponibilité à jouer un rôle pour arriver au nouveau consensus et mettre le pays sur le chemin démocratique, son point de vue sur la question était brutal. «Lors des débats sur la charte nationale en 1976 qui a donné naissance à la constitution de cette même année, le groupe qui travaillait dessus a reçu une suggestion pour instituer justement un poste de vice-président. Il y a eu un débat entre hommes du pouvoir et aussi entre spécialistes qui se sont posés des questions sur le pourquoi de la chose, le type de missions qu’il devrait assumer, la constitutionnalisation de ses attributions : est-ce qu’il sera un fonctionnaire équivalent d’un premier ministre qui exerce des missions déléguées par le président, etc ? Une analyse lumineuse s’est dégagée : connaissant la situation du pays et sa composante sociologique, on s’est dit on ne peut les prendre de la même région. Et ainsi, les hommes du président vont passer leur temps à comploter pour qu’il ne prenne pas de l’ampleur dans le dispositif en place et, dans le sens inverse l’entourage du vice-président va passer son temps à réfléchir comment éjecter le président et on finirait par institutionnaliser la complotite au sommet de l’état. Cette analyse a été remise à Boumediene qui a arbitré en disant qu’il n’est pas question de le faire».
L’amnistie ne doit pas être une condition à l’engagement du processus
Revenant au processus de démocratisation, Mouloud Hamrouche a souligné que l’amnistie ne doit pas être une condition préalable à l’engagement des négociations sur l’avenir démocratique du pays. « Notre crise est dans sa phase aigüe. Le temps est aux incertitudes. D’ici le 17 avril et des jours d’après. Avec ou sans 4 mandat. Ces questions ne sont pas abordées dans les programmes des candidats. Notre pays est très affaibli par une crise qui a trop duré, les capacités de résoudre cette crise s’amenuisent, la cohésion nationale est mise à rude épreuve. Les formations politiques n’ont pas de crédit et l’enracinement populaire pour l’endiguer. Le système est incapable de renouveler ses hommes, n’a plus d’alternative. La crise a besoin d’une réponse maintenant, le temps n’est plus un allié», a-t-il estimé.
« L’impasse n’est pas un fatalité »
Dans le même contexte, il a suggéré : « L’impasse n’est pas une fatalité, la volonté des hommes peut reconstruire la volonté nationale et tout ce qui peut rendre les algériens heureux. Si vous avez une solution sans passer par l’effondrement je suis preneur. Je ne souhaite pas un effondrement, j’étais le premier à mettre les réforme nécessaire il y a un quart de siècle, je suis un militant du changement mais dans l’ordre. La réforme nécessite qu’on examine toutes les formules et propositions relatives aux types d’institutions, la répartition du pouvoir et les contre-pouvoirs à mettre en place, et c’est bien de le faire dans la sérénité et la stabilité ». Mouloud Hamrouche conçoit le début du processus qui devrait, à ses yeux, rendre les gens comptables de leurs actes, sans conditions préalables, notamment celles exigeant l’amnistie. «Imaginons la démarche en ces termes : je ne veux pas trop charger les trois hommes dont je parle. Ils doivent trouver un consensus entre eux, avant d’envoyer des signaux à la population. Réfléchissons après sur comment agréger les opinions, les courants politiques, les hommes, la société civile, séquencer les phases à l’intérieur. Le consensus ne se fera contre personne mais avec tout le monde. La première phase doit arrêter l’effondrement du système. De même que l’amnistie ne peut venir que plus tard, il ne faut pas qu’elle soit une condition à l’engagement même de ce processus. Il faut que la voie soit claire et communiquée à l’ensemble des algériens.», a-t-il conclu.