L’ancien chef du gouvernement réformateur Mouloud Hamrouche est une fois de plus monté au créneau pour souligner la gravité de la crise politique en Algérie. Ses mots sont pesés et lourds : «cela suffit, la crise a trop duré », a-t-il dit dans une interview aux quotidiens El Watan et El Khabar, publiée lundi.
C’est un Hamrouche de plus en plus rongé par l’inquiétude qui a choisi de s’exprimer pour la troisième fois en deux mois, pour dresser un sombre tableau de la crise politique, qui risque de replonger le pays dans un nouvel engrenage de violence. Mais cette fois, l’ancien chef de file des réformateurs a choisi un langage plus clair pour faire passer ses messages et s’adresser directement « à ceux qui gouvernent et à ceux qui les légitiment ». En d’autres termes, à l’armée et au président Bouteflika. Refusant de s’empêtrer dans la querelle des « pour ou contre le 4e mandat de Bouteflika, » Mouloud Hamrouche tente d’orienter le débat vers les moyens « d’éviter au pays d’entrer dans des crises additionnelles » au risque « d’ouvrir une nouvelle liste d’autres victimes ».
Pour Hamrouche, les tragiques événements qui ont endeuillé la vallée du M’Zab sont « la conséquence de l’absence de gestion et un exemple édifiant sur les insuffisances de la gouvernance en Algérie de manière générale. » Un sévère réquisitoire contre les différentes composantes du régime – l’armée et sa « façade politique » représentée par le président Bouteflika – qui se sont, non seulement détournées du « projet national », mais portent en eux des risques « d’embrasement » et « d’effondrement » pour tout le pays. « Un système qui a atteint ses limites, qui ne peut plus se renouveler, ne peut plus gouverner dans la cohérence et la cohésion. Car il n’est plus porteur du projet national », a-t-il dit. L’Etat et le système politique algériens ont atteint un degré avancé « d’obsolescence » et de déliquescence au point de rendre la crise « insoluble par des moyens pacifiques », car aucun des acteurs de la classe politique « n’ont les capacités de résoudre notre crise ».
Consensus national nouveau
L’ancien chef du gouvernement sous Chadli Bendjedid renouvelle son appel aux factions du régime «à élaborer un consensus national nouveau, fondé sur notre identité, notre sécurité et notre projet national d’instaurer un Etat démocratique fort qui garantisse les droits et l’égalité entre tous les citoyens, » a-t-il expliqué. Cette solution passe par une période de transition « d’un système totalement autoritaire vers un système totalement ouvert et démocratique ». Mais, ajoute-t-il, « il y a urgence et le risque est réel » et « le pays a besoin de réponses maintenant ». Pour Mouloud Hamrouche, il est urgent dans le contexte de crise actuelle, « de mettre un terme aux différents blocages et briser les multiples impasses » et de proposer aux algériens « des solutions consensuelles qui marchent et qui captent l’adhésion du plus grand nombre de citoyens et de toutes les régions du pays ».
« L’armée n’a pas à faire allégeance »
En ancien militaire et « enfant du système », Mouloud Hamrouche estime que l’armée doit être tenue loin des conflits de groupes ou de personnes au sein du régime, dans un souci de préserver la cohésion nationale et aussi «la discipline et l’image de l’armée » et son « rapport à la société » . «L’armée n’a pas à faire allégeance », a-t-il asséné, rappelant que pour cette élection du 17 avril, l’institution militaire « n’a pas choisi de candidat. Elle a été forcée de maintenir le statu quo ». Une situation qui risque aussi d’affecter l’institution la plus sensible du pays et le moral de la nouvelle génération d’officiers, parmi lesquels Mouloud Hamrouche a décelé des signes d’affliction «par le fait qu’on leur demande d’affirmer leur allégeance aux hommes».
« Prêt à apporter ma contribution »
Pour la première fois depuis ses sorties publiques, Mouloud Hamrouche a affiché de manière claire sa disponibilité à s’impliquer personnellement dans une solution de sortie de crise : «Personnellement, je suis prêt à apporter ma contribution en termes de réflexion et d’implication. Je suis prêt à m’engager auprès de l’opinion et des citoyens sur le bien-fondé de la démarche du changement », a-t-il dit. Un changement dicté aussi par une autre urgence, économique et institutionnelle cette fois, avec des structures officielles qui n’ont plus « les moyens et l’autorité » pour récolter les informations économiques, « notamment les transferts sociaux, la destination des dépenses, ainsi que sur l’investissement industriel réel et la spéculation sur le dinar, ».