En perte de vitesse en Algérie et en Tunisie, la chaine « du Grand Maghreb » Nessma TV a choisi de s’en aller à la conquête des téléspectateurs de la communauté nord-africaine de France, qui ne disposent pas d’un canal «qui s’adresse à eux ».
C’est la nouvelle stratégie dévoilée par l’actionnaire principal de Nessma TV, le franco-tunisien Tarek Ben Ammar, au magazine Jeune Afrique. Depuis la création de la chaine en 2004 par les frères Karoui, Nessma TV aligne des pertes financières successives. Le dernier résultat de 2013, affichait 900 000 euros de manque à gagner, au moment où le management tablait sur un bénéfice net de 2 millions d’euros.
Pourtant, à son lancement, la toute nouvelle chaine était prédestinée à un grand succès dans le grand désert audiovisuel maghrébin, où la sclérose des médias publics et le verrouillage politique, laissaient un terrain vierge aux « vendeurs de rêves » qu’étaient les frères Nébil et Ghazi Karoui. C’était aussi l’époque où l’agence éponyme « Karoui & Karoui » engrangeait des recettes en dizaines de millions d’euros de ses contrats avec les opérateurs de téléphonie en Algérie (Djezzy, puis Nedjma), en Tunisie (Tunisiana) et au Maroc (Meditel).
Mais la machine Karoui s’est vite enraillée, malgré l’entrée dans le capital de la chaine de Tarek Ben Ammar (46%) et du groupe Mediaset (30%) de Silvio Berlusconi, qui y ont apporté de l’argent frais. Le « printemps arabe », des erreurs de casting dans le choix des programme et l’émergence de chaines privées (en Algérie en particulier) ont vite fait de donner le coup de grâce aux ambitions maghrébines de Nessma TV, qui a fermé ses bureaux en Algérie après avoir renvoyé son personnel (excepté une journaliste).
Une chaîne pour la communauté maghrébine de France
Face à la concurrence et à la « saturation » de l’offre audiovisuelle au Maghreb, Tarek Ben Ammar semble avoir trouvé la planche de salut… en France, où réside une très forte communauté maghrébine de 6 à 7 millions de personnes en attente d’une chaine TV qui s’adresse à eux. « L’an dernier, nous avons validé le concept Nessma en France. La chaîne est depuis disponible sur les bouquets de Free, d’Orange et de SFR. L’accueil est très bon (…) Il y a entre 6 et 7 millions de Maghrébins dans l’Hexagone et personne ne s’adresse à eux,» a-t-il confié.
L’optimisme de Ben Ammar est conforté par l’intérêt exprimé par la régie publicitaire de TF1, dont l’apport pourrait supporter une partie des investissements nécessaires au lancement de programmes adaptés à la communauté maghrébine de France. Pour l’actionnaire principal de Nessma TV, le Ramadan est une période aussi importante pour la communauté maghrébine que les téléspectateurs du Maghreb. Les taux d’audience y sont très élevés et les recettes publicitaires ne peuvent que suivre, en cette période qui pèse très gros dans le chiffre d’affaires des chaines TV maghrébines. Et la survie de Nessma TV en dépend, autant que le succès de son redéploiement en France.