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Non, Bouteflika n’est pas malade, son peuple l’est (opinion)

Par Yacine Temlali
avril 14, 2016
Non, Bouteflika n’est pas malade, son peuple l’est (opinion)

« Comment pouvons-nous dormir alors que ceux qui nous ont donné la chance de voir le jour et de marcher libres se retournent dans leur tombe ? Comment sommes-nous passés d’hommes de parole, de principes à des « hommes de consommation » ? À des brutes sans conscience, sans amour-propre ? »

 

 

40 millions d’Algériens, qui n’ont d’algérien que le nom, sont priés de s’injecter une bonne dose de dignité en urgence, moi comprise…

En pleine crise économique, prédite par les indicateurs depuis l’été 2015, les cours du pétrole sont en chute constante depuis près d’un an, le baril n’ pas dépassé la barre des 50 dollars depuis.

Le gouvernement algérien, quant à lui, a fixé le prix de référence du baril à 37 dollars, dans sa loi de finances 2016. Le dinar est en déroute. Il a franchi pour la première fois de son histoire la barre des cent dinars pour un dollar le 20 juillet 2015. Depuis, il ne cesse de battre son propre record à la baisse, les indicateurs sont au rouge, rien ne va plus.

Le déficit budgétaire de l’Algérie bat son plein. Les relations difficiles avec les investisseurs étrangers causées par l’arrogance du pouvoir algérien, la production locale très faible, le gouvernement en panne d’idées et en résistance acharnée au changement, la politique d’austérité approfondissent le gouffre. Le change management n’est pas à l’ordre du jour en Algérie et le peuple suffoque sous le silence assourdissant des politiques.

Jusqu’à quand les excuses malintentionnées du pouvoir vont elles tenir ? Les réserves de devises et le faible taux d’endettement ne font plus des Algériens, un peuple heureux, bien au contraire.

Le paysage socio-économique, mosaïque de pauvreté et de tensions sociales cache une bien triste réalité : ce pays, cette grande organisation est sans gouvernance. Ce n’est pourtant pas un secret, on n’a pas besoin d’un doctorat ou d’un MBA en management pour dire qu’une organisation ne peut s’autogérer, que dire alors d’une organisation aussi complexe que l’Algérie ?

Notre président est gravement malade et par conséquent est dans l’incapacité de prendre des décisions, parler, écrire, comprendre, analyser, mériter la confiance de son peuple. Nous le savons déjà, nous n’attendions pas un tweet de Manuel Valls pour nous le dire. Un Valls qui après tout la cacophonie qui a eu lieu suite au refus de visa aux journalistes du Petit Journal et Le Monde, n’a pas eu la dignité d’annuler son voyage, un Valls complice du système qui nous affirme avoir discuté de dossiers importants avec le « président » Bouteflika, et que cette visite était « positive« .

Revenons donc aux choses sérieuses, Valls ne nous intéresse pas dans cette analyse. ‘Eteignons d’abord le feu chez nous avant de regarder chez les voisins’ dixit Abdelaziz Bouteflika, à l’époque où il fût président.

En écrivant j’ai encore la nausée et les larmes aux yeux, j’ai commis l’erreur de regarder les vidéos exhibant notre chef d’Etat malade, affaibli aux yeux du monde, un mélange de sentiments de colère, de pitié, de peine et de rage me turlupinent…

Qui est donc cette parfaite calamité qui veut véhiculer des images aussi blessantes de l’Algérie, qui veut atteindre le million de martyrs dans leur tombes en les empêchant de reposer en paix ?

La question n’est pas là me diriez-vous, qui est ce peuple méconnu descendant des berbères se proclamant arabe et musulman qui se laisse faire aussi facilement, qui baisse la tête et ferme les yeux, qui donne son pain malgré lui, bouche cousue ? Je ne le connais point …

Un peuple rebelle, connu pour sa fierté, sa souveraineté et ses révolutions qui font toujours couler de l’encre par les auteurs dont bibliothèques du monde entier ne pourraient contenir les livres, qui s’efface et perd la voix, est-ce admissible ?

 

Silence des agneaux

 

En verlan, ce n’est pas de la santé du président qu’il faut se soucier mais de celle du peuple, la perfide dans l’histoire, c’est le silence des Algériens.

Emir Abdelkader, Al Mokrani, Larbi Ben M’hidi, Hassiba Ben Bouali, Tayeb Al Watani, SI Lhawess, Lalla Fatima N’soumer, Ibn Badis, Farhat Abes, Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Didouche Mourad, Krim Belkacem et compagnie ; ont-ils réellement fait partie de notre histoire ? Si oui, comment osons-nous avoir un tel présent, un tel avenir ? Comme sommes-nous devenus des autruches absurdes, sortant nos têtes seulement lors des matches de football ?

Notre manque d’apprentissage notre mauvaise gestion nous ont conduits à l’abîme et il n’y a d’abîme que lorsque la conscience est en panne…

Comment pouvons-nous dormir alors que ceux qui nous ont donné la chance de voir le jour et de marcher libres se retournent dans leur tombe ? Le pays qui a donné naissance à des milliers de leaders peut ils être en rupture de stock ? Comment sommes-nous passés d’hommes de parole, de principes à des hommes de consommation ? À des brutes sans conscience, sans amour-propre ?

Comment sommes-nous devenus aussi superficiels et insincères, comment avons-nous la témérité de nous mettre debout devant l’hymne nationale. Je pleure les enfants de mon pays, je pleure mes ancêtres, je pleure mon Algérie.

 

Le mal révolutionnaire algérien

 

Le scandale de Chakib Khelil et de la Sonatrach ne nous a pas touché, l’affaire Khalifa non plus, les Panama Papers aussi mais que valons nous si nous trouvons le sommeil après les images mortelles d’un président immobile sur son fauteuil présidentiel ?

Pour analyser la situation en Syrie, nous sommes champions, pour manifester pour le compte des horreurs de Gaza, on se bouscule, pour crier non à Charlie Hebdo, nous élevons la voix au plus haut, mais nous tournons le dos, hypocritement, au feu qui consume notre beau pays.

Je ne crois plus au militantisme en Algérie et ne je vois plus qu’une foulée d’hommes en colère incapables de s’unir face au cancer qui les dévore à petit feu, incapables d’organiser leur cause et qui peinent à trouver des solutions efficaces et radicales, finalement chacun veut sa part du gâteau, la diaspora algérienne et l’opposition s’accrochent à l’absurde plus que Monsieur Bouteflika ne s’accroche à son siège.

 

But change is coming

 

L’Algérie vaut mieux que cela pourtant, malgré mon amertume et mon dégoût, je continue à croire que les jours meilleurs arriveront, les leaders de demain feront renverser la donne et le changement arriver, il viendra impressionner le monde car la graine des leaders historiques est encore plantée chez nous, le monde verra bientôt ses fruits. Le changement émanera de la plus jeune génération et les femmes algériennes libres boosteront le processus de changement, pour nettoyer l’Algérie et supprimer les parasites d’un coup de revers de la main.

Je crois fort à une nouvelle Algérie stable, forte et éternelle qui soignera ce mal qui nous hante, qui réécrira l’histoire comme l’ont fait nos héros de la révolution de 54 et ceux de la résistance.

Le monde aura la preuve, bientôt, que l’Algérie n’a pas seulement enfanté des Zidane et des vedettes de football, dans sa terre coule le sang de la révolte et de la justice, la brume se dissipera, l’effet de l’anesthésie ne peut être éternel, c’est scientifiquement impossible !

L’important est de faire bon usage de ce changement et ne plus répéter les erreurs de gestion qui nous ont coûté cher, de ne plus prendre de décisions arrogantes et idéalistes et d’essayer être les plus pragmatiques possibles.

Se rappeler que l’on ne peut avancer qu’une fois le diagnostic des problèmes établi, qu’une fois la prise de conscience généralisée et la volonté de réparer et d’aller de l’avant manifestée. Le processus de solving problems prendra peut être du temps mais ne peut être qu’efficace si tout le monde s’y met de bonne foi.

(*) Algéro-tuniienne, Mounira El Bouti est doctorante en management. Cet article a été publié sur son blog, sur le Huffington Post Maghreb.

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