Le norvégien Statoil et l’italien Eni ont signé, jeudi, un accord sur la révision à la baisse des prix du gaz. La nouvelle ne surprend pas. La « reddition » de Statoil est un signe de plus, de l’affaiblissement du modèle des contrats gaziers à long terme (take-or-pay) et du lien avec le prix du pétrole. Un avis de tempête de plus sur les recettes algériennes…
Le patron du groupe pétrolier italien ENI, Paolo Scaroni, a beau être sur le grill en raison des turpitudes algériennes de la Saipem, il vient de réaliser un grand succès. Le norvégien Statoil a accepté de réviser à la baisse le prix du contrat à long terme de fourniture de gaz naturel. Le groupe ENI avait engagé une procédure d’arbitrage sur un contrat à long terme signé en 1997 portant sur des livraisons de gaz à un prix indexé sur celui des produits pétroliers. ENI envisageait de réclamer jusqu’à 10 milliards de dollars à Statoil. La procédure d’arbitrage engagée par ENI est suspendue pour un mois, le temps de renégocier un accord sur les prix. Statoil, qui a déjà accepté de renégocier une bonne partie de ces contrats et vend déjà plus de la moitié de sa production de gaz en spot, tentait de préserver la « digue » italienne. C’était compter sans l’offensive du groupe italien qui mène depuis deux ans une action soutenue, et réussie, pour amener ses fournisseurs, dont Gazprom et Sonatrach, à revoir les prix. Les contrats de fourniture de gaz à long terme indexés sur le prix du pétrole sont fragilisés pour ne pas dire remis en cause par le remodelage en cours du marché européen sous l’effet de l’essor du gaz de schiste aux Etats-Unis et des difficultés économiques européennes. L’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole a déjà vécu. « Avec la révolution du gaz de schiste, il y a un marché du gaz qui n’est pas lié au pétrole », a déclaré Paolo Scaroni. Le gaz «est tout juste un autre produit. ». Le patron du groupe italien a indiqué qu’il allait bientôt en « pèlerinage à Moscou » pour renégocier un accord avec Gazprom, arrivé à expiration. « Je suis tout à fait confiant d’arriver à un résultat ». Cette confiance, c’est bien l’état du marché, très défavorable aux fournisseurs traditionnels, qui la donne.
«Clause de bouleversement »
Sonatrach a déjà conclu, en mai 2013, un accord avec ENI pour une réduction des volumes de gaz livrés à l’Italie en 2013 et 2014. Un communiqué conjoint évoquait la révision de « certaines conditions contractuelles sur les années 2013 et 2014 » et une réduction des « quantités des volumes contractuels de gaz destinés à l’Italie ». Des experts algériens y ont un signe de plus de l’effritement de la base des contrats gaziers à long terme basés sur le principe du « take or pay » (prendre ou payer) qui ont pour but de garantir aux producteurs de gaz l’amortissement de leurs investissements. Si ENI est allé en arbitrage contre Statoil – avant de s’orienter vers un arrangement -, c’est en vertu de la clause dite de bouleversement qui permet de réviser les accords en cas de changement sensible du contexte économique. L’italien Edison, contrôlé par EDF, a fait valoir avec succès cette clause en arbitrage devant la chambre de commerce internationale, dans son contentieux sur le prix du gaz avec Sonatrach. Abdelhamid Zerguine, PDG de Sonatrach, ne pouvait que le constater après cet arbitrage en faveur d’Edison. « Les contrats même bien ficelés, accordant des droits à la Sonatrach, incluent malheureusement une clause admissible sur le marché de l’énergie et chez tous les partenaires qui consiste à revoir les prix lorsqu’il y a bouleversement des marchés ». Et le bouleversement est si consistant que M. Scaroni se dit confiant après le « grand succès » de l’accord avec Statoil, de réaliser sa promesse: « tous les contrats de fourniture de gaz à des prix de marché d’ici début 2016 ». Un autre avis de tempête sur les recettes… algériennes.
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