Port Saïd ne répond plus. Une opération policière a été menée, hier, au square contre les « cambistes » qui bénéficiaient depuis de longues années d’une « tolérance » à toute épreuve des pouvoirs, un ancien ministre de l’intérieur ayant même évoquer leur « utilité ».
Les cambistes du square Port Saïd qui est, du point de vue du « marché », le lieu qui fixe la valeur réelle du dinar ont été surpris par la descente de police qui s’est soldée par plusieurs arrestations et la saisie des sommes d’argent dont ils disposaient.
Plusieurs autres cambistes ont réussi à prendre la poudre d’escampette, certains marquant leur incompréhension devant cette soudaine « rigueur » des autorités. La question est en effet posée de savoir s’il s’agit d’une campagne conjoncturelle ou un choix définitif de mettre fin la « Bourse des devises » du Square Port Saïd.
Le site Impact24.info cite des sources policières qui évoquent une action visant une filière de trafic de faux billets en euros. Ce serait donc une raison très spécifique qui expliquerait cette descente sur le square Port Saïd qui tout en étant un lieu de prédilection du marché parallèle des devises n’est pas le plus important.
L’achat des devises se fait de plus en plus par le bouche à oreille auprès de revendeurs qui ne s’exhibent pas publiquement à Port Saïd. Ce serait d’ailleurs, selon les cambistes du Port Saïd, auprès de ces revendeurs qu’il y a un risque de mise en circulation de faux billets. Comme le note un spécialiste cité par Impact 24, les cambistes de Port Saïd ont une « réputation à préserver ».
Un bureau de change officiel ? C’est permis mais cela ne rapporte rien !
L’activité de cambiste est formellement reconnue en Algérie mais la marge bénéficiaire fixée par les autorités est dérisoire et donc dissuasive. A la fin 2013, sur les 46 autorisations d’activités de bureau de change accordées par la banque d’Algérie seuls 6 bureaux sont restés actifs.
La marge bénéficiaire fixée à 1% est décourageante. « Ouvrir un bureau de change en Algérie, c’est faire de « l’humanitaire pas du commerce » a déclaré un expert à Maghreb Emergent. Il était vaguement question de porter la marge bénéficiaire à 5% pour encourager l’activité à prendre les chemins « formels ».
3700 milliards de dinars dans l’informel
L’opération policière menée hier à Port Saïd est une « opération d’assainissement » décidée par le gouvernement contre ces marchés illégaux, affirme El Khabar.Le journal voit dans la descente de police contre les cambistes informels un début de mise en œuvre des « orientations » d’Abdelmalek Sellal qui avait évoqué une masse monétaire de 3700 milliards de dinars dans l’informel.
La chute drastique des revenus pétro-gaziers a poussé le gouvernement à déclarer la « guerre » aux revendeurs « illégaux » des devises. Le gouvernement, qui entend établir- ce sera la troisième tentative – l’obligation du chèque pour les transactions de plus de 1 millions de dinars veut contraindre cette masse monétaire à rentrer dans les circuits officiels.
Une « source financière » citée par El Khabar évalue les montants traités dans les différents marchés parallèles des devises en Algérie entre 1,5 et 2 milliards de dollars par an. Le recours au marché parallèle est pratiquement un passage obligé pour les algériens qui partent à l’étranger, l’allocation devise en Algérie restant dérisoire (moins de 140 euros).
Mais cette estimation ne tient pas compte du fait que des sommes importantes s’échangent avec les algériens établis à l’étranger – en France notamment – en contrepartie de dinars dans le pays.
De l’avis des spécialistes, ces marchés informels de la devise qui répondent à des besoins que les circuits officiels ne peuvent satisfaire, comme l’avait reconnu placidement l’ancien ministre de l’intérieur, Dahou Ould Kablia, ne sont pas la plus importante source de fuite de capitaux.
La surfacturation dans les opérations de commerce extérieur est bien plus lourde. Il y a deux mois, des « sources douanières » indiquaient qu’une banque privée à capitaux étrangers avait transféré de manière illégale 400 millions d’euros de l’Algérie vers l’étranger en 2013 et 2014.
La surfacturation, vrai problème
Un système de double facturation était mis en place, le premier pour la banque afin de transférer un maximum de devises, un second à destination des douanes pour payer le moins de taxes.
Ali Benflis, ancien chef de gouvernement et chef du parti Talaiou El Houriyet (Avant-gardes des libertés) a estimé que sur les 60 milliards de dollars ‘importations, 20 milliards ne sont que de la surfacturation.
« Les importations ont atteint le montant record de 60 milliards de dollars, à cause d’un véritable crime économique, en l’occurrence la fraude dans les opérations de commerce extérieur sous toutes ses formes qui auraient atteint le seuil de 30% » avait-il déclaré.
Cette fraude s’alimente de l’écart des taux de change officiel et parallèle. « C’est, avant même l’accès au foncier ou aux dessous de table pour les grands contrats, l’accès au droit de change officiel qui constitue le mode dominant de distribution de la rente énergétique sous les années Bouteflika » note un analyste.