Inattendue, la déclaration de la ministre des PTIC, relative à l’ouverture de la téléphonie fixe à la concurrence, a sonné comme une menace envers Algérie Télécom. En tout cas, décision ou coup de gueule, l’applicabilité d’une telle démarche ne se fera pas de si tôt.
Selon la ministre de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication (MPTIC), Zohra Derdouri, l’opérateur historique Algérie Télécoms (AT) perdra prochainement son monopole de la téléphonie fixe et les services qui lui ont associés comme l’ADSL. La ministre a annoncé l’ouverture prochaine de la boucle locale à la concurrence nationale et probablement internationale. Amputée de détails importants comme l’épineuse question de la bande passante internationale et surtout le type du support de télécommunication concerné par cette réforme, cette décision semble être dictée par la situation catastrophique dans laquelle se trouve AT. L’opérateur historique n’arrive plus à faire face à la forte demande des usagers candidats à l’acquisition de ligne téléphonique fixe pour accéder aux offres ADSL. Pire, la société enregistre des difficultés à rénover son réseau de fibre optique, se trouvant dans une sorte de course contre la montre pour conserver son carnet de clients issus du marché des télécoms des entreprises.
Néanmoins, la mise en exécution de cette décision, qui ressemble à un dégroupage qui ne dit pas son nom, sera difficile, en raison de l’absence de textes juridiques nécessaires au processus de sa régulation. En l’absence d’une nouvelle loi sur les télécommunications, comment se fera l’accès aux infrastructures de génie civil d’AT ou celles des promoteurs immobiliers pour permettre la création d’un réseau national haut débit ou carrément le Backbone public ? Il est alors logique de réviser l’actuelle loi, puis d’instaurer des débats technologiques et stratégiques avant d’autoriser l’arrivée de nouveaux opérateurs fixe sur le marché.
En effet, Mme Derdouri a omis de préciser si ces nouveaux acteurs de la téléphonie fixe seront autorisés à opérer sur les lignes cuivrées ou celles de la fibre optique. Seront-ils appelés à déployer leurs propres câbles dans les immeubles où se contenter de louer des capacités chez d’AT dans le cadre d’un dégroupage ? On n’en sait rien. Cependant, quelque soit la décision, il sera nécessaire de clarifier les nouvelles conditions juridiques avant de la mettre en œuvre. D’ailleurs, dans l’avant-projet d’amendement de l’actuelle loi, qui, rappelons-le, a été retiré du bureau de l’APN par la ministre dès sa nomination en septembre 2013, il est était question de créer le profil de l’opérateur alternatif dont le rôle est d’établir et de commercialiser des infrastructures de pose de câbles à fibre optique au profit des opérateurs de télécommunications, dont l’Algérie Télécom. Des entreprises comme Sonatrach ou Sonelgaz qui sont habituées à placer des oléoducs, gazoducs, ou des lignes à haute et très haute tension, pourrait, dans cette vision, accélérer et faciliter l’opération de la pose de câbles de fibre optique.
Outils juridiques
La réussite de l’ouverture de la boucle locale à la concurrence est conditionnée par l’amendement de la loi des télécommunications en vigueur depuis l’année 2000. En effet, le régulateur (ARPT) aura besoin d’outils juridiques pour garantir aux opérateurs concurrents d’AT une égalité de traitement dans le déploiement de leurs solutions et l’accès aux ressources foncières et immobilières. Ces dernières sont considérées comme fondamentales non seulement pour les futurs concurrents d’AT, mais aussi pour les opérateurs alternatifs (MVNO). Quid de la transaction entre les opérateurs (y compris alternatifs) et les acteurs de l’immobilier en l’absence de nouveaux textes juridiques délimitant les droits et les devoirs de chacun, ainsi que les règles à suivre en cas de litige. Cela nécessitera la définition du concept de la relation des opérateurs des télécommunications avec les acteurs de l’immobilier algérien, et d’adopter un principe du financement des investissements réalisés dans les immeubles cuivrés ou fibrés. L’ouverture à la concurrence sur le marché des services télécoms fixes aura aussi ses conséquences sur le marché de la téléphonie mobile. Une inévitable guerre aura lieu entre les opérateurs fixes et mobiles pour séduire les internautes. Les opérateurs mobiles chercheront à consolider leurs positions et à accroître leur chiffre d’affaires en favorisant les usages de l’Internet mobile via la 3G (voire de la 4G). Les opérateurs fixes ou mobiles devront présenter de nouvelles offres dans des délais courts et avec des investissements limités. Les marges de manoeuvre sur les tarifs seront réduites pour offrir du haut débit pas cher ou investir dans la création des contenus. Mais, tout cela est encore loin. La déclaration de la ministre semble plus relever du coup de gueule que d’une décision ficelée. La preuve, le compte-rendu des déclarations de Mme Derdouri, publié sur le site du MPTIC, a totalement zappé les propos prononcés le 9 septembre dernier par la ministre concernant l’ouverture à la concurrence de la téléphonie fixe.