En somme, c’est une belle hypocrisie qui caractérise le système. Les gouvernements font en sorte que les lois ne soient pas trop contraignantes. Ils tolèrent donc que les banques aident leurs clients à s’installer dans les paradis fiscaux. Ils tolèrent aussi que les multinationales en fassent autant. Mieux, les gouvernements eux-mêmes utilisent ces paradis fiscaux quand ils ont besoin de financer des opérations plus ou moins légales.
L’affaire des « Panama papers », du nom de la divulgation d’informations confidentielles à propos de détenteurs de comptes et de sociétés offshore au Panama, vient mettre en exergue, une nouvelle fois, les failles qui caractérisent la finance et l’économie mondiales.
En effet, ce véritable scandale, qui touche aussi l’Algérie, démontre que l’industrie de l’évasion et de la dissimulation fiscale demeure plus importante que jamais quoiqu’en disent les dirigeants de ce monde.
Cacher l’argent ou payer moins d’impôts ?
A la base de ce système, il y a deux éléments fondamentaux. Le premier est la volonté de dissimuler de l’argent. Cela peut être de l’argent sale, produit de la criminalité organisée ou de la corruption (pots-de-vin, détournements…) ou bien de l’argent gagné de manière honnête.
L’idée de base étant de le placer dans un endroit discret, loin des regards. Ainsi, certaines personnes citées dans les différents articles ne faisaient pas confiance au système bancaire de leur pays ou estimaient que ce dernier ne présentait pas toutes les garanties nécessaires pour leur assurer l’anonymat. L’argent est parfois comme le bonheur, il a besoin de vivre caché…
Interrogés, de nombreux spécialistes de ce domaine rappellent que les entreprises ont besoin de confidentialité pour mener leurs opérations et que cette confidentialité leur est plus ou moins assurée par la loi ou plutôt par les failles de cette dernière.
Il y a quelques années, le présent chroniqueur a rencontré un cadre d’un grand groupe mondial d’audit dont le travail consistait à créer de manière régulière des sociétés offshore en prévision de futures utilisations. Des boîtes vides susceptibles d’être proposées plus tard à des clients désireux de procéder à un montage compliqué pour ne pas payer d’impôts.
Le second élément, inséparable du premier, concerne donc la volonté de payer le moins d’impôts possible. Dans cette affaire, on assiste depuis des décennies à des arguties sémantiques qui font oublier l’essentiel. Si les uns parlent de fraude fiscale, d’autres assurent qu’il ne s’agit que d’optimisation.
Autrement dit, pour ce deuxième cas, ce ne serait que l’usage de tout ce que la loi permet – et plus encore, de tout ce que la loi ne prévoit pas, autrement dit ses failles – afin de ne pas verser son écot à la collectivité.
Hypocrisie générale
En réalité, la frontière entre fraude fiscale et optimisation fiscale est tenue. Et c’est parce que les gouvernements rechignent à légiférer plus en avant que l’optimisation fiscale est possible.
En somme, c’est une belle hypocrisie qui caractérise le système. Les gouvernements font en sorte que les lois ne soient pas trop contraignantes. Ils tolèrent donc que les banques aident leurs clients à s’installer dans les paradis fiscaux. Ils tolèrent aussi que les multinationales en fassent autant. Mieux, les gouvernements eux-mêmes utilisent ces paradis fiscaux quand ils ont besoin de financer des opérations plus ou moins légales.
Au final, il ne faut pas s’étonner de l’existence des « Panama papers ». Plus grave encore, il faut se dire qu’il existe des systèmes bien plus sophistiqués, notamment parce que les fonds placés au Panama ont rarement vocation à revenir dans le pays dont ils ont été soustraits.
La règle est connue depuis longtemps. Les classes moyennent triment et sont les véritables vaches à lait des systèmes de prélèvement fiscaux. Les plus riches, eux, ont toujours eu la capacité de payer moins, que cela soit légal ou non.