La suppression éventuelle de l’article 87 bis coûtera près de dix milliards de dollars par an à l’horizon 2020. Elle entrainerait inflation, licenciements et hausse des prix, selon l’économiste Abderrahmane Mebtoul.
Avec la rentrée sociale, et la prévisible agitation sociale qui l’accompagne, la suppression de l’article 87 bis refait surface. L’économiste Abderrahmane Mebtoul met cependant en garde contre une telle décision, qui aura un impact de neuf-onze milliards de dollars par an, en plus des effets indirects, comme les licenciements, l’inflation et la hausse des prix.
Dans une étude transmise à Maghreb Emergent, Abderrahmane Mebtoul rappelle que selon les données officielles de l’ONS, la population active fin 2013, au sens du BIT, est de 11,716 millions pour une population d’environ 38,5 millions. Au sein de la structure de l’emploi, le BTPH représente 16,5%, l’industrie 12,6%, l’agriculture 9,5% et le commerce 61,4%, avec une dominance du secteur privé, qui représente 58,9% de l’emploi total. Le nombre de salariés est évalué à 7.393.000, dont 3.508.000 non permanents. Le salariat est la forme dominante, et touche 65,3% des personnes en activité, minimisant le poids de la sphère informelle qui représente 50% de la superficie économique.
Si l’on prend un taux de change unique 79 dinars un dollar pour toute la période 2000/2013, la masse salariale aura, à prix constants, évolué entre 2000/2013, passant de 11,55 milliards de dollars en 2000, à 17,72 milliards de dollars en 2005 (avant le lancement du programme de la relance économique), 30,64 en 2009, 36,79 en 2010, 50,00 en 2011, 55,94 et 57,14 milliards de dollars fin 2013, pour s’élever en 2013 à 4343, 436 milliards de dinars, selon l’ONS.
La masse salariale représente près du tiers du PIB
En 2000, le produit intérieur brut (PIB), toujours selon l’ONS, a été de 46,81 milliards de dollars, avant de passer en 2005 à 87,72 milliards de dollars, contre 111,02 milliards en 2009, 131,70 milliards en 2010, 170,39 milliards en 2011, 170,39 milliards en 2012, et 177,78 milliards de dollars en 2013. Ce qui donne un ratio masse salariale sur le PIB qui a évolué de 24,61% en 2000, à 20,20% en 2005, 27,60% en 2009, 28,08% en 2010, avant de passer le seuil des 30% avec la hausse des salaires, atteignant 32,55% en 2011, 32,90% en 2012 et 32,17% en 2013.
Aujourd’hui, la masse salariale représente donc près du tiers du PIB. Avec l’abrogation de l’article 87 bis, ce taux risque d’aller vers les 40% du PIB, selon Abderrahmane Mebtoul. Ce taux, dit-il, ne serait pas inquiétant si l’économie algérienne ne souffrait pas d’une double tare, une tertiairisation prononcée avec une très faible productivité, et une dominante administrative.
En 2006 déjà, le gouvernement avait évalué l’impact de l’abrogation de l’article 87 bis à 500 milliards de dinars pour la fonction publique, et 44 milliards de de dinars pour les entreprises publiques, ce qui, au cours de l’époque, devait représenter sept à huit milliards de dollars annuellement. Entre-temps, en 2012, certaines catégories ont obtenu des augmentations de salaires, ce qui a permis de relever le plafond de ceux qui percevaient moins de 20.000 dinars par mois. Dans le même temps, le nombre de fonctionnaires a dépassé 2,1 millions, auxquels s’ajoutent les emplois temporaires, évalués entre 800.000 et 900.000.
Menace pour les PME-PMI
Par ailleurs l’abrogation de cet article nivelle par le bas les salaires. Ainsi, une femme de ménage qui percevra 20.000 dinars se rapprochera du technicien qui perçoit 25.000 dinars, ou d’un jeune docteur d’Etat rentrant à l’université qui commence sa carrière à 45.000 dinars. Il faut donc s’attendre à moyen terme à des revendications salariales pour accroître l’écart nécessaire, afin d’éviter de réduire la productivité du travail, aussi bien dans la fonction publique que dans tout le secteur économique.
L’impact cumulé des effets d’une éventuelle abrogation de l’article 87 bis pourrait s’élever entre neuf et onze milliards de dollars de traitements additionnel vers 2016/2020, estime M. Mebtoul. Plus de 50% des PMI-PME ne pourront pas supporter cette augmentation des salaires, la masse salariale dépassant souvent 50% de la valeur ajoutée, dit-il. Les entreprises concernées vont intégrer ces coûts supplémentaires dans leurs prix, ce qui induit une nouvelle inflation. Elles pourront aussi procéder à des licenciements ou demander au gouvernement des dégrèvements fiscaux ou des taux d’intérêts bonifiés, supportés par le trésor public.