Trop complexe à mettre en place pour l’administration algérienne, le e-paiement est en voie d’être abandonné, au profit du paiement par mobile. Trop simple, et trop dangereux.
L’Algérie va-t-elle tenter de contourner le e-paiement? Tout semble l’indiquer, au regard des difficultés rencontrées pour lancer ce modèle économique, et des possibilités offertes par la technologie pour recourir à d’autres méthodes, pourtant plus restrictives. C’est donc une solution de facilité vers laquelle glisse le gouvernement, après l’échec de différents partenaires, qui n’arrivent pas à mettre en place un système cohérent incluant l’ensemble des acteurs.
La ministre des TIC, Mme Imane Houda Feraoun, l’a publiquement laissé entendre cette semaine, déclarant à plusieurs reprises que, plutôt à insister sur le e-paiement, il faudrait aller au m-paiement, le paiement par téléphone portable, qui nécessite une logistique moins élaborée, avec un coût moindre.
Mme Feraoun reconnait que le paiement électronique « a pris un certain nombre d’années de retard ». Elle rappelle les arguments traditionnels pour justifier ce retard, notamment pour la nécessité de mettre en place une logistique suffisante, avec un solide réseau en fibre optique, et un « cadre juridique » adéquat.
Mme Feraoun affirme cependant une certaine distance envers le e-paiement. Bien que ce mode de paiement soit encore embryonnaire, elle affirme que « les citoyens n’en sont pas friands », malgré le développement prodigieux de la 3G.
Regarder ailleurs
L’Algérie compte près de dix fois plus de mobiles que de cartes bancaires, ce qui devrait a-priori favoriser le développement du m-paiement, qui “remplace le paiement électronique”, comme l’indique « la tendance mondiale », selon Mme Feraoun. La ministre des TIC affirme clairement sa préférence pour ce choix, qui « ne demande pas d’investissements colossaux », alors qu’il s’agit d’une « phase technologique plus développée ». « Au lieu de s’éterniser dans le paiement électronique, il serait temps pour l’Algérie d’apprendre à faire un saut technologique », dit-elle.
Ce “saut” envisagé est “trop simple, et trop dangereux”, selon un spécialiste des TIC. Pour lui, “c’est comme si on voulait se passer d’une branche des transports, le taxi par exemple”, sous prétexte qu’il est onéreux et polluant.
De plus, ce ne serait qu’un moyen pour éviter de regarder la réalité en face: l’administration algérienne n’arrive pas à développer le e-paiement, malgré les promesses et les effets d’annonce. Le e-paiement impose en effet un effort collectif et coordonné de la part d’une multitude d’acteurs, allant du ministère des finances aux banques, en passant par la Satim, les opérateurs de Télécom et les acteurs économiques et commerciaux. Le système fait également appel à de multiples intervenants dans le domaine des services, pour assurer le fonctionnement de la structure, sa maintenance et la sécurité des fonds déposés.
Echec collectif
Le ministre des finances Abderrahmane Benkhalfa n’avait pas hésité, peu après son entrée au gouvernement, à annoncer un vaste développement du e-paiement dès l’été 2015. De hauts responsables de la Satim avaient fait des déclarations dans le même sens.
M. Benkhalfa jouait gros sur ce dossier. Il pariait sur un recours plus large à la monétique pour que l’épargne des Algériens soit orientée vers les banques. Le résultat de sa démarche est très faible. Peu d’entreprises ont recours au paiement électronique, alors qu’il tablait au moins sur les grandes compagnies publiques et privées -Sonelgaz, Air Algérie, grandes surfaces-, pour recourir systématiquement au paiement par carte, en vue de familiariser les Algériens avec ce mode de paiement. Cet échec a débouché sur un usage très limité aux cartes bancaires, utilisées presque exclusivement pour les retraits. Ceci quand les distributeurs automatiques fonctionnent: une expérience récente dans une ville de l’intérieur du pays a montré qu’un seul distributeur sur huit fonctionnait.