Pour les signataires de cette déclaration, Madjid Benchikh, Ahmed Dahmani, Mohammed Harbi et Aïssa Kadri, « ni les élections (…) ni la révision ou l’interprétation des dispositions constitutionnelles agitées au gré de la conjoncture ou des rapports de forces ne peuvent régler les problèmes dont nous souffrons ». Ils appellent à faire « en sorte que la lutte contre l’arbitraire, les inégalités et la corruption devienne la préoccupation de tous et qu’elle aboutisse à un système qui bannit toute police politique ».
La déliquescence des institutions politiques et administratives a atteint des niveaux qui menacent gravement la cohésion sociale et nationale et la sécurité des populations dans un environnement régional et international problématique.
Procédant à une véritable « occupation de l’Etat » les gouvernants ont anémié le débat politique et anesthésié le sens critique. Les luttes des factions pour l’accaparement du pouvoir et de ses bénéfices tendent à devenir la préoccupation majeure de l’opinion et des observateurs politiques.
Les politiques gouvernementales, concoctées dans l’opacité par des cercles restreints, adoptées, hors Conseil des ministres, sans débats même au sein du gouvernement, ne peuvent régler les problèmes de l’école, de la santé, du logement et de plus en plus de la sécurité publique. Au lieu de rendre au peuple sa souveraineté, de tracer la voie qui y mène et donc de favoriser les moyens démocratiques modernes d’organisation de la société, grâce à des associations, des syndicats et des partis politiques autonomes et représentatifs, le chef de l’Etat et ses gouvernements successifs n’ont cessé de s’appuyer sur des groupements d’intérêts ou de remettre en selle des notables traditionnels ou religieux ou des zaouïas pour tenter de briser les regroupements de citoyens revendiquant leurs droits.
Est-il étonnant dans ces conditions que le Parlement, mal élu et peu représentatif, ne joue que les rôles qui lui sont impartis par le pouvoir exécutif en approuvant systématiquement toutes les politiques qui sont à l’origine de la dilapidation des ressources. Rappelons le scandale sans nom de l’adoption de la loi scélérate sur les hydrocarbures de 2005 qui devait mettre les ressources du pays sous sujétion des firmes multinationales.
La gestion autoritaire de la société par le moyen de la police politique a été érigée en système. La répression, l’infiltration et la manipulation des associations, des syndicats et des partis autonomes les empêchent de jouer les rôles indispensables de représentation des forces sociales et d’intermédiation. Tout contribue à anémier la société civile, à défaire le moindre signe de lien social, à casser son dynamisme et à décrédibiliser l’idée de démocratie. Tout cela n’a fait que mener au délitement des institutions existantes.
Dans ces conditions, c’est le clientélisme et le clanisme qui président aux désignations aux postes de responsabilité dans tous les rouages de l’Etat. Ils sont la clé du système d’enrichissement et du développement accéléré des inégalités. Qui dans ce système se soucie du bien-être des populations et des risques d’aventure ?
L’incapacité apparente, voire le handicap du chef de l’Etat n’ont fait qu’aggraver cette situation risquant ainsi de mener le pays vers un horizon dont personne ne peut prévoir les conséquences. A quelques mois des échéances présidentielles, le pouvoir, avec ses différentes composantes, continue de gérer le pays dans l’improvisation et la démagogie. Cette situation est dommageable à la crédibilité de l’Etat, tant sur le plan interne qu’international.
Il nous faut sortir de cette impasse. Ni les élections (y compris présidentielles), ni la révision ou l’interprétation des dispositions constitutionnelles agitées au gré de la conjoncture ou des rapports de forces, ne peuvent régler les problèmes dont nous souffrons. Faisons en sorte que la lutte contre l’arbitraire, les inégalités et la corruption devienne la préoccupation de tous et qu’elle aboutisse à un système qui bannit toute police politique. Un système dans lequel fonctionnent une séparation des pouvoirs, une justice indépendante et une presse libre. Ces combats menés par des associations, des syndicats et des partis politiques autonomes et représentatifs sont le seul catalyseur du changement. Seules ces luttes peuvent créer le rapport de forces nécessaire pour contraindre au changement les détenteurs actuels du pouvoir. Après les drames de la Kabylie et du M’zab, et pour éviter d’autres explosions dans d’autres régions du pays, ayons le courage d’affronter le problème de la construction nationale et de la refondation d’une république moderne.
A l’initiative du Cercle Nedjma:
Madjid Benchikh, Ahmed Dahmani, Mohammed Harbi, Aïssa Kadri.