Le journaliste Ihsane El kadi, détenu à la prison d’El Harrach depuis le 29 décembre 2022, a refusé de répondre aux questions de la juge lors de son procès qui s’est tenu ce dimanche 26 mars au tribunal de Sidi M’hamed à Alger. La veille, son collectif de défense avait réitéré sa décision de boycotter le procès.
Pour Me Nourredine Ahmine, membre du collectif de défense, le boycott était la solution face à toutes les violations des procédures relevées dans cette affaire, notamment après les déclarations du chef de l’Etat Abdelmajid Tebboune, qui avait accusé le journaliste de « Khabardji » ( informateur).
« Aujourd’hui, on aurait souhaité qu’il y ait un procès équitable. Mais, ce n’était pas possible vu que le premier personnage du pays a condamné Ihsane El Kadi et l’a accusé publiquement d’une accusation qui ne figure même pas dans le dossier », estime Me Ahmine. « Et même si elle y figurait, il n’a pas le droit de l’accuser », dit-il avant d’ajouter : «c’est le message que nous voulions transmettre aujourd’hui et même Ihsane El Kadi veut transmette ce message à l’opinion publique nationale et internationale. Il n’est pas possible qu’il soit jugé avant son procès », soutient Me Ahmine.
Face à la juge, Ihsane El Kadi a annoncé qu’il allait garder le silence en énumérant les raisons: son arrestation arbitraire, la mise sous scellés des locaux de Radio M et de Maghreb Emergent, la confirmation par la chambre d’accusation de son mandat de dépôt le 15 janvier,…. Mais la juge l’a interrompu à plusieurs reprises. Elle a refusé de prendre note quand le journaliste a évoqué la violation de sa présomption d’innocence par le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune. » Tebboune m’a insulté », a dit Ihsane El Kadi à la juge. Celle-ci s’emporte et les avocats du collectif de défense, Me Mostefa Bouchachi, Me Nourredine Ahmine et Me Badi interviennent et demandent à la juge de le laisser continuer et de prendre note. La juge suspend l’audience, Ihsane El Kadi quitte la salle sous les applaudissements.
A la reprise de l’audience, sous la persistance de la juge de ne pas prendre note, les avocats annoncent le boycott et quittent la salle. Et Ihsane El Kadi refuse de répondre aux questions de la juge.
« L’affaire d’Ihsane El Kadi n’est pas « normale », il y’a une intention de faire taire le journaliste », soutient Me Ahmine. Selon lui, «le pouvoir ne veut pas qu’un média comme Radio M existe ». « Et Ihsane El Kadi a créé une expérience merveilleuse en Algérie. Le pouvoir a peur que cette expérience se propage. Au final, Ihsane El Kadi est accusé de deux crimes : d’abord en tant que journaliste qui veut accomplir son message, puis en tant que journaliste qui veut créer une presse forte qui transmet son message dans le contexte actuel et avec le courage qu’il faut », assure l’avocat.
Abdelouahab Fersaoui, ex président du RAJ (dissoute), qui a assisté au procès s’est dit, pour sa part, surpris par ce réquisitoire : « Je suis surpris du lourd réquisitoire dont il faut convenir qu’il vise à faire taire les voix discordantes. Je réitère ma solidarité avec tous les journalistes et employés d’interface médias ». « C’est un procès qui ne devait même pas avoir lieu car il porte atteinte à l’un des fondements de la démocratie : la liberté de la presse et la liberté d’expression. Je salue le courage d’Ihsane El Kadi d’avoir opté pour le silence pour dénoncer les violations dans la procédure, le non-respect de la présomption d’innocence et pour exiger les conditions d’un procès équitable », ajoute Fersaoui.
Présent au procès également, Athmane Mazouz, Président du RCD, estime de son côté, que «la manière avec laquelle ce dossier a été instrumentalisé nous indique que la justice a condamné d’avance El Kadi Ihsane ». « Ce que nous n’allons pas accepter en tant que parti politique, ce que les algériens n‘accepteront pas. D’ailleurs, nous avons vu pas mal de citoyens et de journalistes qui se sont mobilisés pour dire assez à l’instrumentalisations de la justice, pour dire assez aux poursuites contre des militants et des journalistes », dit-il.