Lancé le 24 septembre dernier à l’initiative de trois jeunes constantinois, Rahba Magazine souffle un air frais et rafraîchissant sur la toile algérienne avec un design innovant, de nouveaux styles d’écriture et des thèmes originaux.
Du noir rehaussé de orange, une calligraphie orientale et de drôles de rubriques. Bienvenu dans l’univers Rahba. En s’aventurant sur la page d’accueil du nouveau magazine de la scène artistique et culturelle algérienne (et au-delà), on rencontre simultanément un musicien universel, un tatoueur passionné, une peintre espiègle, des souvenirs photographiques, des questionnements existentiels, du métal… En somme, un joyeux méli-mélo métissé et bigarré, à l’image du mot Rahba « lieu de rencontre et de rassemblement ». A l’image de ses créateurs aussi, désireux de faire un journal qui leur ressemble. Multilingue, multiculturel et multimédia. C’est ainsi que Rahba se divise en « goussra », « dekhla » et « el hedra batal », parle à la fois de mode et street-art, mêle vidéos et photos aux textes et propose même une playlist musicale très éclectique. « Nous souhaitons changer cette idée que la culture ou l’art c’est élitiste, qu’il faut avoir fait des études pour en parler », explique Naïm Khelifa, l’un des co-fondateurs du projet. « La culture, on la consomme chaque jour, peut importe le niveau académique, social ou économique, on y est exposé ».
Une bande d’autodidactes passionnés
Aux commandes de Rahba Mag se trouve « un groupe de jeunes amateurs d’art et de culture […] plein d’idées fraîches et d’image-i-nation » comme ils se présentent sur le site. « A l’origine nous sommes une agence de communication qui voulions parler de culture », retrace Naïm Khelifa. « Mais face au manque de support médiatique traitant uniquement de culture, nous nous sommes dit pourquoi ne pas lancer nous-mêmes ce magazine ». Composée de son collègue et complice Hamza Filali et d’autres bonnes volontés, la fougueuse équipe installée à Constantine réfléchit, débat et conçoit quatre mois durant le futur « Rahba ». « On a construit le site à partir de la plateforme gratuite wordpress.org sur laquelle on a réalisé un long et laborieux travail graphique pour arriver à nos envies », témoigne Naïm Khelifa qui a appris tout seul le graphisme et l’informatique après avoir suivi des études en journalisme à l’Université de Constantine. Le nom de domaine acheté, l’hébergeur trouvé et la sécurité renforcée, Rahba.info était prêt. « Le plus difficile n’a pas été tellement le côté technique car on le maîtrise assez bien avec l’expérience de l’agence », souligne ce touche-à-tout du web qui, à 29 ans, n’en est pas à son premier coup d’essai de journal électronique. « Le plus compliqué a été de trouver des rédacteurs avec de l’expérience et c’est toujours un problème », relève Naïm Khelifa.
Mettre en avant de jeunes talents
Pour l’heure, l’équipe se compose de 8 à 10 rédacteurs et rédactrices dont 4 à 5 réguliers éparpillés « un peu partout dans le pays » : Sétif, Béjaïa, Blida, Batna, etc. « Même si le noyau dur est originaire de Constantine, on ne s’inscrit pas dans une logique locale ou territoriale », précise Naïm Khelifa. « On cherche avant tout à parler de ce qui se passe en dehors d’Alger, déjà bien couverte, et à mettre en valeur des artistes peu connus à travers les 48 wilayas et même les Algériens à l’étranger ». C’est ainsi que le lecteur de Rahba Mag fait la connaissance de l’artiste constantinois Elghoul Soufedj, de son vrai nom Khaled Sahour, photographe, musicien, réalisateur, graphiste, lauréat du concours photographique Sony World Photography Organization dans la catégorie jeune talent, une photo publiée sur le site du National Geographic dans la rubrique Weekly Shot. Tout à tout juste 24 ans.
Rodage progressif
Depuis son lancement sur fonds propres, sans sponsor, ni annonceur, Rahba Mag enregistre une hausse progressive de ses lecteurs avec 8.000 visiteurs uniques et 30.000 pages vues comptabilisés en janvier. « On essaye de maintenir un rythme de publication d’un article tous les deux jours avec l’objectif de passer à un article par jour dans les mois à venir », développe Naïm Khelifa en pointant la nécessité de trouver un modèle économique et financier. « Rahba c’est un « bébé » né d’un investissement personnel et on ne sait pas encore comment on va faire d’ici un an », poursuit le co-fondateur. « Pour l’instant, c’est l’agence qui finance Rahba mais si on veut accélérer notre rythme de croisière, il va falloir payer les rédacteurs et donc trouver des sources de financement ». Ce que l’équipe de Rahba souhaite faire en « gardant indépendance et liberté ». « On envisage de lancer des partenariats avec des acteurs culturels et des artistes indépendants », annonce Naïm Khelifa qui prend l’exemple de nos voisins maghrébins dont « nous sommes très loin ». « Au Maroc et en Tunisie mais même au Liban et en Jordanie, il existe une culture web dans la promotion et dans la communication sur les artistes », souligne l’initiateur de Rahba Mag. « Même si ce sont des jeunes, ils ont su développer un esprit de partenariat et collaboration dans leur façon d’entreprendre tandis qu’en Algérie, on travaille encore trop chacun dans son petit monde et son petit coin ».
Toujours plein « d’image-i-nation à l’image de la nation », les fondateurs de Rahba Mag songent déjà aux prochaines évolutions : une version en arabe autonome et une plateforme collaborative de vidéos artistiques. Pour y parvenir, l’équipe sait qu’elle devra se renforcer et trouver d’autres motivés. « Les portes et fenêtres de Rahba Mag sont grandes ouvertes », invite Naïm Khelifa. Marhaba !