Son départ était dans l’air. Le patron de Mobilis a multiplié les initiatives audacieuses, dignes d’un vrai chef d’entreprise, mais pas toujours opportunes. Il a précarisé Algérie Télécom sa maison mère. Le ministère a arbitré.
Le Directeur général adjoint du pôle commercial d’Algérie Télécom, Mohamed Habib, a été désigné PDG par intérim de l’opérateur public de téléphonie mobile Mobilis, au cours d’une Assemblée générale extraordinaire convoquée ce jeudi par la ministre de la Poste et des technologies de l’information et de communication, Houda-Imane Feraoun. M. Habib va remplacer Saad Dama à la tête de Mobilis, limogé ce matin, en attendant la désignation d’un nouveau PDG. Saad Dama a été placé à la tête de l’opérateur public depuis avril 2012 pour préparer Mobilis à l’avènement de la 3G qu’on annonçait imminent. Sous son ère Mobilis a lancé d’importants investissements, diversifié ses offres et engrangé des bénéfices. En somme, l’opérateur public a enregistré des performances jamais égalées dans un secteur concurrentiel. Dans un communiqué rendu public, le ministère de la Poste et des TIC, explique que la décision « est dictée par la volonté des pouvoirs publics d’insuffler une nouvelle dynamique à l’entreprise dans un environnement extrêmement concurrentiel pour un secteur qui connaît des évolutions et des transformations rapides ». Et d’ajouter que « le nouveau responsable qui sera désigné sera appelé à anticiper les évolutions que connaît l’industrie des télécommunications mobile en général et y adapter dès maintenant le management de l’entreprise ».
Un grignotage du chiffre d’affaires de Algérie Telécom
Le communiqué laisse entendre que Saad Dama n’a pas été à la hauteur des ambitions qu’on a assigné à l’opérateur. Un observateur du secteur affirme que le désormais ex-PDG de Mobilis a payé les frais de certaines décisions franchement volontaristes empreinte de velléité d’ « autonomisation » vis-à-vis de la maison-mère. Mobilis avait lancé en novembre de l’année un appel d’offre pour la «fourniture, l’installation et la mise en service des équipements de transmissions haut débit de technologie NG-DWDM, avec fourniture du câble fibre optique et équipement passif». Cette décision a été perçue par Algérie Télécom comme une volonté d’émancipation du réseau de la maison-mère qui représente néanmoins son plus gros client. Pis encore, Mobilis fait franchement de la concurrence à Algérie Télécom, en allant jusqu’à empiéter sur le cœur du métier d’AT, le transport data avec des contrats signés avec Air Algérie et Sonelgaz groupe, des clients de AT. Une situation reconnue par la ministre de la Poste et des TIC lors l’une de ses sorties médiatiques où elle n’avait pas exclu que Mobilis soit détaché de Algérie Télécom.
Le récent contrat avec Orange a accéléré le clash
Mais, pour notre interlocuteur la goutte qui a fait déborder le vase n’est autre que le partenariat passé récemment avec Orange. En vertu de ce partenariat, les appels passés de Orange –France vers les lignes Mobilis sont facturés à un tarifs exceptionnels. « Mobilis ne gagne rien dans ce partenariat, puisqu’il ne fait qu’aiguiller les appels vers son réseau, par contre Algérie Télécom perd car on va pas appeler aux fixe. C’est franchement de la concurrence pour la maison-mère », explique notre interlocuteur. La logique de franc tireur de Saad Dama, était déjà peu appréciée par sa tutelle du temps de la ministre précédente des PTIC, Mme Zohra Derdouri. D’autres opérations ostentatoires de l’ex DG de Mobilis ont fait tâche dans son bilan. La plus connue étant celle de la signature très médiatisée en août 2013 d’un partenariat avec une agence représentant du Real de Madrid par laquelle le club madrilène devait se déplacer à grands frais à Alger pour un match amical. 28 mois plus tard, le Real de Madrid n’est pas venu à Alger. Mais Saad Dama, lui, a quitté son poste.